MINI-CAMPAGNES



Aventures courtes mais palpitantes
















Crédits jeu:
La mini-campagne Sumériens & Dinosaures est une série courte jouée avec les règles de Fate telles que déclinées dans le jeu Spirit of the Century, éditées par Evil Hate Productions et Narrativiste Editions pour la version française.


Crédits décor:
Les oeuvres suivantes, relevant du domaine public, sont entrées dans la composition de cette section:
La frise démultiplie deux fauves tirés d'un bestiaire médiéval, le bestiaire d'Ashmole illustré par des auteurs anonymes vers 1210. Les bandes horizontales ne sont pas d'origine mais ont été empruntées à un tableau de Jean-Léon Gérôme, Une plaisanterie, datant de 1882.
Deux Hadrosaures peints par Henrich Harder en 1916 séparent les sections de texte.


SUMERIENS & DINOSAURES


EPISODE 3: L'AMI LUPIN

Samedi 22 septembre 2018, de 14h à 17h30. Starring : Peter Hanson, Jack Newsay et Walter Plank.

Nos héros finissent par embarquer à bord d'un transatlantique qui, en de longues semaines, les conduira jusqu'en Europe. Ils désespèrent de rattraper l'avance prise par Dautremont aussi, arrivés à Madère, Walter les fait monter sur un voilier turc qui fait commerce de poisson et d'alcool. Leur hôte, un juif grec nommé Elias Ouliakis, leur promet un trajet direct vers Alger.

Lorsqu'ils arrivent sur place, à la capitainerie, ils sont bien en peine d'affirmer s'ils ont devancé Dautremont ou s'ils sont en retard sur lui, puisqu'ils ignorent le nom du steamer qu'il a pris à Lisbonne. Leur problème principal réside toutefois dans l'absence de localisation de sa demeure. D'après Eleanor, ce serait un riad non loin d'Alger, mais des centaines sont concernés.

Ouliakis a fait mieux que les transporter sur mille kilomètres, il leur a aussi remis le nom d'un contact local, son beau-frère Yossif, qui s'avère être le plus grand antiquaire de la ville. Après avoir déposé leurs bagages dans un hôtel français du port, le Beauharnais, ils se rendent donc chez le commerçant. L'entrée de sa demeure est un jardinet semé d'objets divers, de la colonne dorique à la statue d'Hannibal, dont la moitié est composé de faux, et l'autre de biens authentiques et bradés à des prix ridiculement bas. Au nom du milliardaire, Yossif reconnaît son fidèle client et n'a pas de mal à se rappeler le quartier exact qu'habite Dautremont.
Toutefois, nos héros - qui se sont présentés comme des amateurs d'art sumérien - se laissent aussi dire qu'une exposition au musée d'Alger pourrait grandement les intéresser. Centrée sur un mystérieux coffret transmis par le sultan de la Porte au corsaire Barberousse, en récompense de ses loyaux services, elle a été habilement complétée par la collection personnelle de Dautremont. De fait, il paraît que ce dernier a même suggéré l'idée d'un tel événement au conservateur du musée.

Le soir, nos héros dînent en terrasse et ne peuvent s'empêcher de remarquer que l'élite européenne de la ville bruisse de l'ouverture de cette exposition, qui aura lieu le lendemain. Pour l'occasion, l'extraordinaire coffret aura été sorti du coffre-fort d'une banque où il était tenu à l'abri des convoitises. Le musée ne dépareillera pas en termes de sécurité et, pour organiser celle-ci, a embauché le commissaire Guy Lapointe qui justement était en vacances à Alger.
Après avoir entendu toutes ces précisions de la bouche de Jack, qui seul parle français, nos héros se regardent drôlement. Et si Dautremont avait l'intention de cambrioler le musée ? Il ne s'y serait, en tout cas, pas mal pris puisqu'avec cette exposition il a extrait le coffret d'un endroit inattaquable. Petit à petit, s'insinue l'idée que Dautremont agira dès ce soir, alors que les premiers visiteurs n'ont pas encore mis un pied dans le musée en cours de déménagement...

Vers 22h, nos héros prennent la décision de cambrioler eux-mêmes le musée, afin - pour une fois - de jouer un coup d'avance sur leur adversaire. Il n'est situé qu'à deux kilomètres du Beauharnais.
Le repérage des lieux suggère bien une certaine agitation qui dit l'opportunité pour un monte-en-l'air, mais la ceinture de sécurité mise en place par le commissaire Lapointe ne va-t-elle pas l'anéantir ?
Vers minuit, Peter cherche une voiture pour préparer leur fuite. Il aperçoit, par hasard, un homme en noir équipé d'un grappin qui s'échappe d'un bolide garé dans une rue obscure. Quelques instants plus tard, c'est Walter qui le surprend en train d'escalader le mur d'enceinte du musée. Nos héros vont attendre son retour, puisqu'ils connaissent le point de ralliement. Jack s'introduit dans la voiture et, en assommant son gardien, reconnaît trop tard son erreur : c'est Maurice, le fieffé complice de Lupin.
Une heure et demi-passe. L'homme en noir, alias Arsène Lupin, refait son apparition. Il ouvre la portière au son de « Roule, Maurice ! ». Quelle n'est pas sa surprise quand il retrouve son « Jacques » sur le siège du conducteur. Peter prend le volant. Nos héros lui narrent en roulant ce qu'ils font là et comment ils se sont opposés à Dautremont depuis le début ; Lupin leur révèle qu'il s'agit de son commanditaire. Il croyait à une plaisanterie quand le milliardaire a partagé avec lui l'incantation qui lui permettrait d'ouvrir le coffret. Pourtant, elle a fonctionné, il en a fait l'expérience ce soir en laissant celui-ci évidé mais intact dans sa vitrine. Il accepte de remettre le gantelet à nos héros contre la somme de 50 000 francs, payable en dollars. Nos héros craignent que Lupin ne soit ensuite victime de la vindicte de Dautremont mais, comme à son habitude, le gentleman cambrioleur a assuré ses arrières. C'est sous les traits du commissaire Guy Lapointe, qui n'était pas à Alger par hasard, qu'il a proposé à Dautremont d'arranger une garde poreuse comme un gruyère. Par la même occasion, il se faisait rémunérer tout en jouant un tour pendable au commissaire.

Au Beauharnais, « Jacques » et Lupin se retrouvent dans la chambre d'hôtel #30 pour effectuer l'échange. Le jeune américain est impressionné par le calme de son mentor. Le vieux français rayonne du bonheur de retrouver son élève, qu'il considère comme un fils. Et justement, il était si proche de sa mère à l'époque. Mais les confidences sont interrompues par l'arrivée brutale du véritable commissaire Lapointe qui, après avoir jaugé ses lascars une seconde, ouvre le feu sur le canapé qu'ils viennent de quitter. Lupin est le premier à passer par la fenêtre. Il rebondit sur la pergola qui couvre la terrasse. Jack le talonne et se fait mal sur les pavés de la place. Il est tombé au milieu d'un essaim de policiers. Les deux hommes s'enfuient dans des directions opposés, poursuivis par les coups de feu, puis se perdent dans la nuit algéroise.

Jack se demande s'il reverra un jour Arsène Lupin, qui pourrait être plus qu'une simple inspiration pour lui.

EPISODE 2: PHILADELPHIE

Samedi 8 septembre 2018, de 14h à 19h. Starring : Peter Hanson, Jack Newsay et Walter Plank.

Dans le lobby de l'hôtel National de Philadelphie, où ils viennent d'arriver, Jack et Walter découvrent un dandy à fine moustache qui lit son journal en sirotant un brandy. L'homme assis dans ce canapé correspond à la description du contact local que le Club leur a fourni par télégramme. Ils font la connaissance de Peter Hanson, membre de la branche new-yorkaise.

Après qu'ils aient fait quelques ablutions pour se débarrasser de la fatigue du voyage, Peter leur propose de sortir pour déjeuner. Là, il écoute leur récit et se fait répéter, particulièrement, les indices qui le relient à Philadelphie : la boîte postale de Dautremont, l'université George Washington - dans laquelle officie l'unique assyriologue des Etats-Unis -, et un endroit nommé Independence Dome (sachant que Philadelphie est la ville où ont été signées Déclaration d'Indépendance et Constitution américaine) .

Une visite à la boîte postale ne débouche sur rien. A la sortie du bureau de Poste, Peter Hanson est surprit par un inconnu qui l'appelle Pete Turbo ! En vérité, c'est lui-même qui a provoqué la rencontre en appelant Vin pour lui signaler sa présence en ville. Si Peter est bien de la côte Est, il connaît mal Philadelphie et voulait s'en remettre à un passionné de courses automobiles qui est sa seule relation sur place. Rendez-vous est pris, le soir-même, pour un affrontement amical.

Le passage à l'université va se révéler disruptif. Sur place, nos héros présentent le coffret d'or à Ralph Metwick, qui s'extasie devant l'artefact et entame une traduction improvisée devant eux : « Gilgamesh. Contient le bras (ou brassard). Ne doit jamais être ouverte.». L'essentiel est là ! Nos héros se réunissent pour tenir conférence. Doit-on laisser au spécialiste le coffret pour étude approfondie ? En raison des remarques venimeuses qu'il a échangées avec le professeur Williams, ne risque-t-il pas de s'accaparer la découverte ? Et quel est le lien entre cet homme et Dautremont qui, semble-t-il, sont tous les deux installés à Philadelphie ?
A cette question, nos héros ne vont pas tarder à trouver réponse. Lorsqu'ils retournent au bureau de Metwick, celui-ci termine une conversation téléphonique. « Oui, monsieur ! C'est vraiment une excellente nouvelle ! . Avec plaisir. A bientôt, monsieur. » C'est benoîtement que l'assyriologue leur avoue alors qu'il vient de partager sa joie avec son mécène, monsieur Dautremont. Les indications qu'il donne permettent de localiser Independence Dome, ancienne résidence de Thomas Jefferson, rachetée par la famille du riche franco-américain, dans la banlieue de Philadelphie.
A ce moment, nos héros ne sont pas pressés. Leur intention est de rendre visite à Dautremont le lendemain. Walter en profite pour visiter la bibliothèque de l'université. Il compulse plusieurs livres sur l'indépendance américaine qui lui révèlent que l'ancêtre de Dautremont, marquis lorrain, était l'un des compagnons de Lafayette et fut récompensé de ses services par des terres allouées aux alentours de Philadelphie.

Un second imprévu va alors bouleverser le projet de nos héros. Alors qu'ils regagnent l'hôtel dans le bolide conduit par Peter Hanson, Walter croit apercevoir un fantôme. C'était une vision fugace, une silhouette sur le trottoir, au milieu d'une rue bondée. La voiture s'arrête et il court derrière elle ; elle se retourne. C'est bien Eleanor Homesick, son amour secret des années étudiantes !
Elle a l'air déboussolé et il lui offre aussitôt d'aller s'asseoir dans un café à proximité. La belle paléontologue reprend petit à petit ses esprits et raconte ce qu'il lui est arrivé. Le professeur Williams, la tenant pour responsable de l'abandon du chantier, vitupère et se refuse à la regarder dans les yeux. Il est vrai qu'Eleanor a suivi de son plein gré ce gentleman français, Dautremont, et son acolyte, une brute nommée Matheson. Le premier était un intellectuel séduisant, l'autre un cerbère effrayant. Surtout, ils prétendaient avoir été envoyés depuis Philadelphie par le professeur Williams. Le motif était crédible puisque Dautremont est un mécène et que la ville recèle l'unique assyriologue des Etats-Unis, arguments qu'ils n'avaient pas manqué de faire valoir. Ce n'est qu'à l'approche de la ville de l'Indépendance américaine qu'elle commença à trouver leur comportement suspect, lorsqu'elle s'aperçut que le français avait laissé partir Johnnesy avec les os de dinosaures et le coffret d'or, comme s'il en faisait peu de cas. Droguée pendant l'ultime journée de voyage quand elle se rebellait, Eleanor fut ensuite installée à Independence Dome où, pour une raison qui échappe à l'entendement masculin, elle demeura prisonnière à demi-consentante pendant une dizaine de jours de son séducteur-geôlier.

C'est finalement Dautremont qui avait mis fin à sa captivité lui-même. Avec une brusquerie qui lui était inhabituelle, il lui avait demandé vers 14 heures de faire en urgence sa valise. Il l'avait alors conduite en voiture jusqu'à la ville pour un au-revoir romantique, la laissant néanmoins sans argent et isolée dans ses immenses boulevards.

Ayant déposé le professeur Williams et miss Homesick à l'hôtel, nos héros se précipitent sur la route qui mènent à Independence Dome. Ils prennent soin de saboter l'alimentation en électricité du manoir mais, à 17h, cela passera peut-être inaperçu. Peter et Walter font diversion en remontant l'allée d'un jardin non clôturé avec leur voiture et en se présentant comme des visiteurs attendus, entre deux statues équestres et un bassin. Jack s'introduit dans le bâtiment à colonnades de style néo-grec. Guidé par la « French luck », le cambrioleur sent d'instinct où le maître des lieux a dû installer sa chambre. Celle-ci ressemble à un cabinet de travail de célibataire. Elle est ornée d'une bibliothèque dont le thème commun semble être la magie. Parmi les ouvrages présents, il emprunte « La Vie Secrète de Gilgamesh », écrite par ibn Battûta suite à son voyage en Perse et traduite en français. Il y a aussi un petit bureau avec des notes à foison, dont Jack reconnaît le tracé cunéiforme. Le jeune homme a obtenu ce qu'il voulait, il s'éclipse sans s'imposer dans aucune autre pièce.

A l'extérieur, Peter est en grande discussion avec l'un des gardes qui admire son bolide. Ces derniers ne sont pas sûrs que leur maître, Dautremont, n'ait pas quitté les lieux pour longtemps. Matheson, qui s'occupe des questions d'intendance, semblait agité et avait préparé la voiture. C'en est assez pour nos héros, qui se doutent de ce qu'il s'est passé.

Dautremont semblait sincèrement épris de miss Homesick. Il lui avait laissé entrevoir la possibilité d'une vie commune. C'était en lui-même un grand savant, ayant étudié l'assyriologie auprès de Thureau-Dangin à Paris. Sa résidence principale se situe en Algérie où il a pu accumuler les différentes parties de ce qu'il appelait « l'Armure de Gilgamesh » ; lui fallait encore un bracelet de force, qu'il venait d'acquérir grâce à elle.
Ibn Battûta complète avec pertinence ces explications. D'après ce qu'il écrit, une tradition persique voulait que Gilgamesh ait demandé l'aide d'un mage nommé Ber Hidal pour le rendre immortel et capable d'affronter les dieux après la mort tragique de son compagnon, Enkidu. Le don se manifesta sous la forme d'une armure, dont aucune pièce ne devait manquer pour qu'elle fonctionnât. Gilgamesh paya grassement le mage qui disparut juste après. Mais de sinistres nouvelles lui parvinrent bientôt dans sa retraite. Loin d'utiliser ses pouvoirs pour protéger les hommes contre les caprices des dieux (dans leur mythologie, les Mésopotamiens pensent que l'être humain a été créé esclave de ceux-ci), il l'appliquait à développer ses possessions terrestres et asseoir son autorité de la plus cruelle des manières. Ber Hidal affronta Gilgamesh et en vint à bout. Il déclara cependant qu'on ne pouvait le tuer définitivement. Il fit scier son corps en autant de parties qui composaient l'armure et les plaça dans des coffrets en pierre recouverte d'or. Ensuite, grâce à un sort, il durcit les coffrets et ils s'élancèrent chacun dans une destination différente avec une force qui devait les enfouir profondément dans le sol.

De retour à l'hôtel, Peter apprend que Vin a annulé la confrontation pour une affaire inopinée.

Ayant donné rendez-vous au professeur Williams et à Eleanor, nos héros filent en direction de New York, pilotés par Hanson qui est ravi de montrer ses capacités. Ils échouent à attraper le dernier transatlantique, parti deux heures avant pour Lisbonne, en passant par Madère. Sur les guérites fermées (il est 23h) des vendeurs de billets, ils apprennent que le prochain n'appareillera que dans trois jours, faisant escale par le même archipel, puis desservant Galway et Southampton.

Les deux universitaires les rejoignent le midi du jour suivant à New York, après avoir passé une nuit exécrable dans un hôtel miteux que leur avait recommandé Hanson, alors que lui-même dormait chez lui et avait déposé ses homologues du Club dans un second hôtel.
Hanson cherche un moyen d'intercepter le transatlantique à Madère, mais pour cela il lui faut le concours des autorités portugaises. Il voudrait passer par le truchement des américaines, qui crédibiliseront sa requête. Mais l'avocat qu'il consulte, tout en l'invitant à lancer la procédure, lui enlève tout espoir de procéder ainsi. Le verdict à rendre est ambigu, puisque le professeur Williams n'a pas payé ses employés pendant des semaines et que Dautremont a pris de fait sa succession en soldant leurs créances. Jamais un juge ne se prononcera pour une mesure conservatoire immédiate synonyme, dans ce cas, d'arrestation à l'étranger d'un citoyen américain. Il faudra triompher au cours d'un procès qui pourra s'étendre sur des mois, pendant lequel Dautremont aura tout le temps de disparaître en Algérie.

EPISODE 1: LE REVE DES CREATIONNISTES

Samedi 16 juin 2018, de 15h00 à 19h00. Starring : Jack Newsay et Walter Plank.

1922. A San Francisco, le Century Club tient un gala de bienfaisance dans l'opulent salon d'un grand hôtel.

Sont présents le maire, des vedettes d'Hollywood, de grands cultivateurs et un vieillard, maladroit, empressé, qui paraît incongru dans cet endroit. Walter reconnaît en lui son ancien professeur de biologie, brillant contradicteur, qui défendait corps et âme son discours évolutionniste. George Williams de son nom, ne paraît toutefois plus qu'un être usé et soucieux, version appesantie de ce qu'il fut autrefois. C'est qu'il n'est pas vraiment aguerri à ce genre de mondanités ! Walter le met à l'aise et le professeur lui narre sa déchéance : renvoyé de l'université du Massachussetts par les efforts du lobby créationniste, il a perdu son emploi, sa femme et son logement. Pourtant, il avait au départ vu dans ce licenciement l'opportunité de se vouer à sa passion : la paléontologie et les recherches sur le terrain. Hypothéquant sa maison, il investit dans du matériel et une équipe de fouille, mais joua de malchance. jusqu'à maintenant !
C'est à ce moment qu'il admet n'être pas ici par hasard. Depuis deux semaines, il s'est mis en quête d'un financement car le travail sur son site est en passe d'être arrêté pour des questions « prosaïques » de salaires à verser. Dans un journal local, il a reconnu le nom de Walter Plank et découvert son appartenance au Century Club, organisme reconnu pour des prises de risque audacieuses dans ses dernières entreprises de mécénat.
Il espère donc appâter le jeune Plank, et à travers lui le comité de direction, via sa découverte exceptionnelle. Au milieu des montagnes Rocheuses, dit Williams, ont été découverts trois squelettes de dinosaures quasiment intacts, deux iguanodons et un allosaure, mais surtout, dans leur strate géologique, un lourd coffret recouvert d'or et constellé de cette écriture cunéiforme qui est la marque du peuple sumérien. La nouvelle est détonante, et surtout pour un darwiniste convaincu ! Les créationnistes prétendent en effet que le monde existe depuis la Genèse, datée d'environ 6 000 ans, ce qui implique qu'hommes et dinosaures se sont forcément côtoyés.

Ne voyant pas en lui un vieillard décharné et aux abois, mais le sémillant orateur et penseur non conventionnel qu'il fut autrefois, Walter Plank décide de porter l'affaire devant le comité. Ses membres affichent un intérêt mitigé. Ce vieil enseignant révolutionnaire, éconduit par toutes les universités à qui il a offert ses services depuis son renvoi, ne tente-t-il pas à se concilier, bien qu'un peu tard, la ligue toute-puissante des créationnistes ?
Grâce à l'intervention du doyen, Walter Plank est cependant autorisé à se rendre sur place avec son ami, Jack Newsay, pour vérifier que ce repentir a au moins l'apparence de la bonne foi.

Le départ est rapidement programmé. Nos héros effectuent un long voyage en train jusqu'au Colorado et descendent à la gare minuscule de Mentiki. Ils s'aperçoivent vite que cette petite ville fait tout entière profession d'aider les archéologues, spécialistes ou amateurs, à déterrer les fossiles nombreux dans la région.

Après s'être installés dans l'unique hôtel existant, ils louent des chevaux qui les portent, lors d'une grimpée de deux heures et demi, jusqu'au chantier. Celui-ci est à l'abandon et il est visible que rien n'a été fait pour le préserver. Le professeur, furieux, courre jusqu'à la petite tente et constate que tout lui a été volé, ses fossiles, son coffret. Eleanore Homesick, ancienne élève à qui il avait laissé le soin de diriger les opérations en son absence, a disparu. Elle a même laissé derrière elle le carnet des fouilles. Son récit se termine, il y a un peu plus d'une semaine, par la mention d'un certain « Matheson », riche homme d'affaires qui devait visiter le site avant de donner son consentement à un financement.
Le professeur veut interroger John Lynn, alias « Johnnesy », son maître d'oeuvre qui après Eleanore était garant de l'intégrité du site. Dans le saloon du coin, seul un ouvrier vivant dans un état d'ébriété permanente peut être déniché. Il raconte qu'un homme d'affaires français a « racheté » toutes les découvertes à Johnnesy et que celui-ci a parcimonieusement distribué l'argent au sein de son équipe, arguant qu'il valait mieux être payé à moitié que pas du tout. Le Johnnesy en question a également quitté la ville, bradant sa maison à un rival en affaires. Deux pistes s'offrent toutefois pour prolonger l'enquête : Johnnesy voulait s'installer à Chicago et, quant au français, il parlait de retourner à « Independence Dome » sans qu'on sache bien où se situait cette localité.
Nos héros ne sont pas à bout de ressources. Ils se rendent à la gare et se font passer pour des agents de recouvrement. Là, il appert que tout ce petit monde a pris le train pour Chicago. De fait, c'est le terminus pour cette compagnie et ils n'auraient pu acheter ici de tronçons plus avant. Le nom de « Matheson » ne figure pas sur la liste, mais on y repère un français appelé « Dautremont ». De gré ou de force, mademoiselle Homesick a également voyagé.

Deux jours plus tard, nos héros parviennent à la gare de Chicago qui bruisse des allers et venues de ses passagers. Ils y apprennent que Johnnesy s'est illustré par son chargement et par les hululements entonnés par sa femme. Les nombreuses caisses et les porteurs houspillés ont fini par alerter deux policiers qui ont voulu en inspecter le contenu. Ils y ont trouvé des ossements de dinosaures ainsi qu'une caissette dorée. L'ensemble leur a paru suspect, bien que non frappé d'illégalité, et Johnnesy s'est présenté à eux comme un antiquaire. Ils l'ont installé à l'hôtel de la Gare, puisqu'il en cherchait un, et l'ont prié de les notifier de tout changement de domicile. Lorsque nos héros y débarquent Johnnesy et son épouse l'ont quitté depuis deux jours. Toutefois, un cab se souvient de l'homme encombré de bagages et est capable de donner sa nouvelle adresse, un hôtel miteux du centre-ville.
Nos héros s'y rendent dans la ferme intention d'élucider un mystère : si les ossements et la cassette en or sont partis avec Johnnesy, qu'est-ce que le français, Dautremont, a bien pu gagner dans l'affaire ?

Surpris dans un bar où sa femme l'a dénoncé, Johnnesy est facile à confondre. Ne sachant pas que nos héros ont déjà visité son épouse, il s'embrouille dans ses mensonges. La vérité, quand il finit par la lâcher, s'avère plus simple qu'il n'y paraissait. Il y a quelques années, un français nommé Dautremont se présenta à Mentiki. Il subventionna des fouilles dans l'objectif précis de mettre la main sur une cassette en or. Johnnesy flaira la bonne affaire et misa sur leur relation : un tel objet, dans les Rocheuses, n'avait aucune chance d'être déterré et les salaires, eux, allaient se succéder. Au bout d'un an, le français jugea qu'il avait assez payé et suspendit le contrat. Il donna toutefois à Johnnesy une boîte postale en Pennsylvanie et lui recommanda, si un jour il trouvait un tel objet, de lui écrire, promettant en échange une forte récompense. C'est ce qui se produisit et Dautremont refit surface avec trois hommes de main. S'étant emparé du coffret, il s'enferma dans la tente des archéologues pendant une heure. Il en ressortit avec un brassard étincelant, annonçant que c'était là le but de sa quête. Johnnesy obtint les ossements et le coffret évidé pour lui-même. Il distribua tout l'argent reçu dans son équipe, ce qui s'avéra insuffisant pour couvrir les créances, mais le français soutint qu'il ne s'était pas engagé à défrayer d'autres que le maître d'oeuvre. Finalement, ils prirent le train ensemble, ce qui déplut fort à son employeur. Ils se séparèrent à la gare de Chicago, Johnnesy s'arrêtant ici alors que Dautremont, les trois sbires et mademoiselle Homesick, poursuivaient leur chemin.



Crédits jeu:
La mini-campagne CPM2 / La Loi du Fer de Dieu est une série courte jouée avec les règles de All Flesh Must Be Eaten, éditées par Eden Studios. Elle s'inscrit dans le cadre plus vaste des "Contes pour les Morts", récits merveilleux et apocalyptiques, campés chacun dans un décor différent, que ce soit d'époque, de lieu ou même d'univers.


Crédits décor:
Les oeuvres suivantes, relevant du domaine public, sont entrées dans la composition de cette section:
La fresque nous fait pénétrer dans l'obscurité d'une forêt imaginée par John Bauer, illustrant une description de L'enfant échangé (1913), "Lorsqu´elle se réveilla à nouveau, elle était allongée sur la mousse dans la forêt".
Des corbeaux d'Arthur Rackham (1867-1939) ouvrent la série sous les auspices du dieu Odin (The Twa Corbies, illustration issue de Some British Ballads).
Les épisodes sont séparés par un cavalier barbare fuyant un destin cruel (Combat de cavaliers francs, Evariste Vital Luminais, 1822-1896).


CONTES POUR LES MORTS 2: LA LOI DU FER DE DIEU


EPISODE 3 : CONTRE LES FORCES DU MAL

Samedi 12 mai 2018, de 14h30 à 19h00. Missi dominici : Gontran de Cambrai, Yannick le Yaouanc, Bertrand le Boucher et Giboin.

Nos héros finissent par s'extraire de l'abbaye. Ils ont atteint le couloir qui en forme le coeur et ont poussé les lourdes portes de bois qui se sont ouvertes sur un jour naissant. Craignant plus de leurs poursuivants que pour leurs alliés, ils l'obstruent à l'aide de souches, de tonneaux désaffectés et d'une vieille charrue.
Leur course effrénée les conduit jusqu'au village en contrebas où ils sonnent le cor qui réveille brutalement les troupes. Une bande d'une quarantaine de cavaliers se forme aussitôt. Avec ces renforts, on retourne à la place assiégée.

Il est trop tard. Le monastère n'est plus que silence et désolation. L'entrée descellée révèle les corps de malheureux qui étaient parvenus jusque-là. Tous les cadavres affichent des traces de morsures, de griffures, de coups donnés pour tuer mais sans appétit, comme causés par des fauves dans un conflit de territoire. Des moines nus et en proie à la folie, il ne reste plus aucune trace. Même les membres tranchés sont manquants.
Giboin fait le tour des lieux et remarquent une poterne ouverte par laquelle les moines auraient pu s'enfuir.

La perte est irréparable pour l'armée des Francs. Dans les cellules et couloirs de ce lieu saint semblent avoir péri tous ses officiers, à l'exception d'un seul, un jeune homme qui s'était calfeutré et a pu épier les grognements de bêtes des assaillants ainsi que les cris d'effroi des défenseurs.
Des éclaireurs sont dépêchés alentours. Ils rentrent en fin de matinée avec trois autres seigneurs qui s'étaient enfuis par l'abbatiale et ont constaté à quel point leurs adversaires étaient réticents à les suivre par là. Ils témoignent de la férocité des combats : aucune douleur, aucune peur ne semblait ralentir les moines. La remontée des traces dévoilent qu'ils se sont retirés dans la forêt, tels des animaux s'éloignant pour panser leurs plaies.

Le jour a terminé de se lever et nos héros décident de rendre visite à Sidonius, l'enchanteur qui leur a rendu un si mauvais service. Ils le surprennent dans sa cabane et il comprend que les choses ont mal tourné. En compulsant ses grimoires, le vieillard parvient à une conclusion effrayante. Si les moines n'ont pas retrouvé leur conscience, c'est qu'ils n'étaient pas les sujets d'un sort de transformation. Il s'agissait d'un véritable sacrifice dans lequel leurs âmes avaient été aspirées, et leurs corps, sous forme d'arbres, était devenu une véritable extension de l'Irminsûl. On ne peut réparer cette erreur de diagnostic que par un exorcisme appliqué à chacun des rejetons, puisqu'il a placé en eux un peu de sa propre volonté. Sidonius est convié à l'abbaye pour participer à l'action. Il ne peut bien sûr effectuer d'exorcisme - c'est réservé aux serviteurs de Dieu - mais puisqu'il en a déjà été victime lui-même, il pourra donner quelques conseils pratiques.
Alors que nos héros passent une nuit à la belle étoile, entourant la cabane de l'enchanteur, ils sont réveillés en sursaut par Giboin. Celui-ci a vu des arbres s'affaisser, s'enrouler au sol, et former des structures humanoïdes. Elles se déplacent à présent vers nos héros, créatures muettes, déterminées et souples dans la clarté de la lune. Nos héros grimpent sur leurs montures après y avoir posté l'enchanteur. Gontran, qui n'a pu calmer son cheval, a dû monter en croupe avec Giboin.

Au petit matin, nos héros sont de retour à l'abbaye. Après une courte sieste, ils se rendent auprès des quatre seigneurs. Ceux-ci semblent inquiets de les voir avec l'enchanteur. Quelque chose se trame qui échappe à leur entendement. Et si les quelques maîtres survivants sont anxieux, l'armée le sera aussi. Gontran et Yannick ordonnent qu'on déplace une seconde fois cette dernière au niveau du village.
Le soir tombe. Nos héros se retranchent dans l'abbatiale dont le périmètre sacré devrait les protéger. Ils savent que les moines-arbres reviendront. Ce n'est pas Sidonius qui les attire, ce ne peut être que Yannick qui, 24 ans plus tôt, procéda à l'abattage du premier Irminsûl. En effet, par la porte de l'église, nos héros assistent à un spectacle effrayant. Dans le ciel obscur, des silhouettes agiles bondissent par-dessus le muret de pierres qui forme l'enceinte du jardin. A chaque apparition, les moines semblent avoir gagné en agilité. Mais ils s'arrêtent au sanctuaire que représente la chapelle, ils grognent, vocifèrent en choeur, s'arrachent les cheveux de frustration. Yannick entame la prière. A mesure qu'il en scande les paroles, il frappe d'eau bénite son auditoire maudit. Les êtres nus se contorsionnent sous l'aspersion. Finalement, nos héros bondissent hors de sécurité et touchent les premiers avec des croix. L'effet est immédiat : à peine le contact établi, les créatures s'effondrent. Il faut procéder de même avec ceux qui sont entrés dans l'abbaye et se présentent par la porte intérieure.

Le lendemain, nos héros sont rassérénés par leur succès de la veille. Ils ont dénombré une vingtaine de corps et savent toutefois que leur ouvre n'est pas achevée. De plus, ils vont manquer d'eau bénite ce qui les incite à envoyer chercher un prêtre.
Avec toute l'armée, ils se rendent en grande procession jusqu'à l'Irminsûl. Là, ils improvisent un rituel de profanation, abattent le chêne gigantesque à coups de haches, puis y mettent le feu alors que l'assemblée entonne un Te Deum.
La nuit revient. Nos héros se réfugient dans l'abbatiale alors que l'armée a regagné son campement près du village. Cette fois, une lueur surgit dans l'horizon, indistincte. Elle se précise bientôt en passant le muret : c'est une silhouette de feu qui a surgi. Toute une cohorte l'accompagne qui se déplace avec une fluidité féérique. Les êtres de feu encerclent l'abbaye, courent devant l'abbatiale en narguant ses occupants. Bientôt, on entend les chevaux qui piaffent et hennissent, se cabrent alors qu'ils rôtissent dans leurs stalles. Les flammes dévorent toute l'abbaye. Nos héros, enfermés dans le lieu saint, suffoquent sous la chaleur. A un moment, l'un des murs de pierre est emporté par l'effondrement du bâtiment principal. La fraîcheur s'introduit et revigore un peu les Francs, qui gisent sur le sol dur de l'abbatiale. Les créatures de feu sont parties. Ils peuvent dormir quelques heures en attendant le jour.

Lorsque le soleil se lève, nos héros savent que cette journée sera décisive. Ils n'ont plus d'eau bénite et le sanctuaire n'est plus intègre. Le prêtre qu'ils ont envoyé chercher les rejoindra soit avant soit après une nouvelle nuit d'horreur. Si c'est après, il est possible qu'ils ne soient plus là pour le guider.
Bertrand le Boucher s'acharne contre l'Irminsûl, lui mettant dans la journée toutes les bourrades qu'il a échouées à lui offrir la veille au soir.
Dieu est avec ses enfants ! Alors que le soleil décline, des cavaliers apparaissent avec un prêtre de province. Il est maladroit et ne parle pas latin. Qu'importe ! Il peut bénir l'eau et on lira pour lui. A la première heure de la nuit, les silhouettes enflammées se montrent déjà. Elles tournent, furieuses, autour de l'abbatiale restée seule debout et découvrent qu'un de ses murs est tombé. C'est dans cet encadrement qu'elles s'amassent, feu aveuglant, braillard, animé de mauvaises intentions. Nos héros reprennent la litanie du rituel. Ils ont, derrière eux, des quantités d'eau bénite dont ils inondent leurs ennemis. Ceux-ci ont également affûté leurs armes. Ils ont gagné, cette fois, la capacité de lancer de véritables missiles de feu. Le combat est terrible, chaque parti cloué de son côté du sanctuaire, tirant ses projectiles baroques, alors que retentissent les cris bestiaux mêlées aux versets latins enfiévrés.
Au petit matin, les quatre seigneurs qui dirigent encore l'armée visitent les ruines de l'abbaye pour prendre note du résultat final. Ils découvrent les corps épuisés, calcinés mais vivants, des missi dominici qui dorment du sommeil du juste contre les dalles de la chapelle.

C'est l'épilogue de notre histoire.

Après avoir constaté que les moines-arbres enflammés ne reparaissaient plus, nos héros considèrent l'Irminsûl détruit dans toutes ses incarnations. Ils rassemblent l'armée et commandent qu'on marche jusqu'au camp fortifié de Wulfred, le roi des Saxons. En chemin, ils constatent à quel point la discipline règne. Ce ne sont pas les quatre seigneurs locaux qui y sont pour quelque chose. Non ! Les soldats, en revanche, se savent menés par des saints, qui ont triomphés des forces du Mal au cours de trois nuits d'affrontements, écho symbolique à la Sainte Trinité.
Wulfred, à cette heure avancée, accueille nos héros dans le grand hall des commensaux. Les Francs paraissent irrités et il demande à ses féodaux de les laisser seuls. Alors qu'au départ les missi domini voulaient emmener le jeune roi auprès de l'empereur, par force s'il le fallait, celui-ci leur fait voir combien cette manouvre serait désastreuse pour la politique impériale. N'ont-ils pas mis un terme au culte de l'Irminsûl ? Est-ce que les Saxons n'ont pas fait preuve d'un esprit de repentir et de soumission ? N'ont-ils pas démasqué celui qui a perdu les moines, c'est-à-dire Arnoul ? Wulfred raconte alors comment le bâtard de Charlemagne fut d'abord renié par celui-ci, dissimulé dans un monastère où il fut rudement traité par le prieur Grimoald, qui ensuite devint abbé de Saint Boniface.
La vengeance restait à consommer.
Nos héros en sont quittes pour repartir avec une nouvelle lettre de Wulfred, dans laquelle il reconnaît des négligences, se place sous la mansuétude de son parrain, offre de regarnir à ses frais l'abbaye Saint Boniface et d'effectuer un pèlerinage à Rome.

EPISODE 2 : MUTATIS MUTANDIS

Samedi 31 janvier 2018, de 14h30 à 18h30. Missi dominici : Yannick le Yaouanc, Bertrand le Boucher et Giboin.

Ayant ouïe les confidences forcées de Rogr le Gaucher, nos héros voient deux pistes s'ouvrir devant eux. La première est celle de l'Irminsûl, ce grand chêne qu'on dit vénéré par les apostats. La seconde est l'implication d'Arnoul le Bâtard, fils illégitime de Charlemagne et gouverneur régional.

Ils se rendent d'abord sur les traces du culte interdit, l'emplacement de l'Irminsûl se trouvant non loin de leur présente localisation, à deux heures au nord du monastère. Ils traversent la forêt de nuit et, au clair de lune, découvrent une clairière dont le centre est occupé par un arbre monstrueux, jouxté d'une cinquantaine de rejetons. C'est avec horreur que nos héros croient reconnaître des formes anthropomorphiques parmi eux. Frère Ambroise ne peut réprimer un cri car il devine dans les replis d'un tronc la barbe d'un de ses amis. Ces végétaux rabougris et difformes attirent plus l'attention que leur roi immense, dont le tronc s'élève pourtant haut au-dessus des cimes ordinaires et aux branches duquel pendent des colliers, des bracelets, des armes offerts en sacrifice.

Hantés par cette vision de cauchemar, nos héros s'en retournent à l'abbaye où ils traversent des rêves agités.

Le lendemain, ils prennent la route de la forteresse où siège Arnoul le Bâtard entouré de ses sbires. Il faut deux jours pour y parvenir. Là, nos héros se divisent en deux groupes car ils craignent que ce séjour ne se transforme en traquenard mortel.
Le cor annonce les envoyés de Charlemagne. Dans la grand-rue, les badauds se pressent sur le bord de la chaussée, puis c'est le tour des soldats qui descendent du chemin de ronde et s'agglutinent pour observer le passage des plénipotentiaires.
Arnoul apparaît comme une force de la nature, haut de deux mètres, large comme un tonneau de vin, avec de longs poeils argentés sur des joues rebondies et un menton épais. A côté de lui, ses gens semblent miniatures. Ils attendent tous en rang serré, dans la cour, que les visiteurs mettent pied à terre.

Nos héros sont invités à banqueter avec les serviteurs locaux du gouvernement carolingien. Arnoul laisse Yannick présider, ce qui est conforme au protocole. Bertrand et Giboin, autorisés à la table des seigneurs, ont été placés à son bout le moins privilégié. Rien de concret ne s'échange pendant le repas.
C'est ensuite que le géant Arnoul reçoit les missi dominici dans le secret de son cabinet. Yannick évoque la résurgence du culte païen et la disparition des moines, deux phénomènes qui semblent liés. Arnoul tient, dans cette histoire, le rôle de l'ingénu. Il n'était au courant de rien, ce qui est en soit un tort pour ce chargé d'autorité. Et quant à la disparition des moines, il l'avait attribué à un pèlerinage collectif. Comme Yannick poursuit et cite des indices recueillis, Arnoul ne peut nier la gravité de la situation. Il appelle Clodion, chef de ses patrouilleurs dans la zone, qui se présente pour se faire gronder de mauvaise grâce. Nos héros se persuadent que ces deux-là jouent un jeu devant eux. Reste qu'à la fin, Arnoul s'engage à venir sur place et à confronter Wulfred aux accusations qui pèsent contre lui.
La soirée aurait pu se terminer avec cette malicieuse promesse mais le destin va apporter son aide à nos héros. C'est par des jets de cailloux que Bertrand et Giboin sont réveillés dans leur chambre. Un individu encapuchonné, depuis la cour, cherche à attirer leur attention. Ils le rejoignent dans une église où le confessionnal abritera leur entrevue. Ce mystérieux interlocuteur s'appelle Bazin. Il veut se confesser à eux car, dit-il, son âme ne supporte plus le poids de ses péchés. Voici toute l'histoire :

Il y a un mois, en tant que chef de groupe, Clodion, convoque deux de ses hommes pour une opération clandestine. Il y avait Bazin, bien sûr, et un certain Clodomir. Clodion explique qu'il veut organiser un rendez-vous tardif avec les moines de Saint Boniface et les tirer hors de l'abbaye sous un motif fallacieux. Le scénario est préparé d'avance.
Les trois larrons se font introduire auprès du père supérieur, Grimoald, pour demander l'aide de tout le monastère dans un exorcisme. En pays saxon, c'est chose presque courante et le père est réputé bon praticien. L'objet de celui-ci est la destruction rituelle de l'Irminsûl, ainsi que le retour des terres profanées dans le giron chrétien. La troupe sera en soutien. Elle attendra les moines dans la forêt pour couvrir leur action. Le père supérieur se réjouit, il croyait qu'Arnoul ne ferait jamais aucun effort contre la résurgence du culte, de peur de courroucer le roi Wulfred.
A l'origine, les trois soldats n'avaient pour mission que de conduire les moines à l'intérieur de la forêt, où les Saxons devaient les faire disparaître, puisque c'était un piège concerté avec eux (Clodion l'avait au moins sous-entendu). Malheureusement, tous les moines ne partirent pas pour l'exorcisme : les plus faibles étaient restés. Clodion dut improviser et ce qui n'était que complicité devint part active tenue dans trois meurtres odieux.

Un nouveau jour se lève, pendant lequel on fait les préparatifs du départ. Il faut jusqu'au soir pour convoquer le ban - ce qui est peu et démontre le pouvoir d'Arnoul - et plus de quatre cent hommes sont ainsi rassemblés. Seule une troupe aussi importante saurait prévenir une réaction belliqueuse parmi les Saxons, réaction que ces reproches n'auraient pas manqué de susciter.

Sous cette escorte, nos héros peuvent voyager sans crainte de mauvaises rencontres. En effet, la disparition de Rogr ne peut, sur le moyen terme, que provoquer un incident diplomatique. Le voyage n'est cependant en rien agréable, car c'est contre leurs protecteurs qu'ils ont maintenant des appréhensions.

Deux jours plus tard, ils sont de retour au monastère. Les hommes de troupe sont priés de monter un campement plus loin, aux limites du village. Tous les seigneurs sont invités à dormir sur place mais certains revendiquent le confort rugueux d'une nuit sous la tente. Arnoul veut en finir rapidement avec cette étape. Alors que le soleil se couche, il inspecte le monastère, secondé par les commentaires de nos héros. Puis, il déclare se rendre à l'Irminsûl pour espionner ce lieu de culte à la faveur de la nuit. Avec ses hommes, ils seront une quinzaine. Au contraire, il fait tout pour amoindrir le groupe de nos héros. Ces derniers craignent que l'excursion nocturne ne soit le moment propice de leur assassinat. A nouveau, le destin en avait destiné autrement.
Alors qu'ils approchent du sanctuaire païen, des voix leur parviennent, portées par le vent. « Arnoul. Arnoul.. Nous t'attendons ! Arnoul, le Christ seul est témoin de ce que tu nous as faits ! ». L'effroi se lit sur le visage du gouverneur. Ses hommes reculent. Mais bientôt, nos héros le mettent au défi d'aller plus loin car, disent-ils, on n'a pas fait tout ce chemin pour céder devant un murmure. Les yeux s'égarent entre les arbres mais n'y trouvent aucun plaisantin qui pourrait en être la source. Arnoul continue, mais il pousse Clodion devant lui. Soudain, les arbres s'abattent sur eux comme des serpents s'élancent pour mordre leurs proies. Avec leurs branches, ils tordent et lacèrent les corps qu'ils soulèvent comme un rien. Enfin, les malheureuses victimes retombent au pied de l'Irminsûl. Le vent s'est tu. Tout redevient immobile. Les arbres se sont rendormis. Nos héros pénètrent dans leur cercle armés de torches et marchent jusqu'aux cadavres mutilés. Lorsqu'ils se penchent pour les retourner, les branches s'agitent au-dessus de leur tête, comme un avertissement avant le réveil complet.

Prudents, les Francs retournent à l'orée de la clairière. Yannick prend sa voix d'autorité et invite qui sait quelque chose à parler. Son public reste muet, têtes baissées. Un sentiment de honte, celle d'être restée inactif devant la perte du chef, est sans doute partagé. Mais Yannick décèle des visages qu'une douleur plus profonde contrit. L'un d'eux est celui de Bazin, le repenti qui a déjà tout avoué à Bertrand et Giboin. L'autre est celui de Clodomir, le troisième larron. Interrogé, Bazin avoue du bout des lèvres en savoir plus qu'il ne souhaiterait. Clodomir panique et s'enfuit à toutes jambes. Heureusement, Bertrand et Giboin veillaient. Deux francisques volent aussitôt dans sa direction et intercepte sa course en lui perçant le dos. Le fuyard s'effondre, bientôt il est décapité. En aparté, Giboin et Bertrand informent Yannick que Bazin leur a déjà conté ses méfaits.

Après leur expérience de la veille, nos héros ne peuvent plus nier l'aspect surnaturel de cette enquête. Il n'existe pas de représentant de l'Eglise à proximité. Par Bazin en revanche, nos héros ont entendu parler d'un enchanteur, vivant retiré au milieu de la forêt, à quelques kilomètres du monastère. Il s'agirait d'un Franc exilé, un compatriote, mais acclimaté depuis longtemps au milieu saxon : et ce que la magie a fait, ne peut-elle la défaire ?
Yannick prend donc la décision de recourir à ses services. Après une journée de recherche, ils finissent par trouver la chaumière délabrée, dans laquelle il vit en ermite. Sidonius, l'enchanteur, est un vieillard courbé, traînant une longue barbe grise que supportent des joues ramollies et doublées de rides. Il a apparemment fui les territoires sous la coupe de Charlemagne en raison de l'avancée du christianisme, dont l'intolérance vis-à-vis de ses petites affaires l'a incité à se ranger. Pourquoi aiderait-il aujourd'hui des moines ? Mais le fidèle Bertrand, sans être grand clerc, sait convaincre les magiciens. Il l'empoigne par sa robe usée et menace de remplacer, séance tenante, le chaudron qui boue dans la cheminée par cet énergumène. Finalement, l'enchanteur se soumet. On lui décrie la situation, ce qui lui fait pousser les hauts cris devant la puissance de la malédiction ayant frappé les moines. Il compulse ses grimoires à la recherche d'un contre sort efficace. Une fois mis à jour, le rituel est couché sur papier et remis à Yannick. Ecrit en latin, il devra être déclamé par lui alors que ses acolytes répandront de la poudre de crapaud.

Forts de ce nouvel atout, nos trois héros font le trajet de retour et, sans s'arrêter à l'abbaye, se rendent directement dans le sanctuaire de l'Irminsûl. La nuit est déjà avancée, à tel point que le jour poindra dans quelques heures. Une lune gibbeuse projette sur la scène un halo blafard. La voix de Yannick se fait entendre : « Per Horus ! Et per Râ ! Et per Sol Invictus ! . ». Giboin et Bertrand aspergent consciencieusement l'air de poudre de batracien. Trois gardes sont présents : deux de l'escorte originelle et une sentinelle prise dans le contingent local. Au milieu du rituel, le ciel se couvre, une averse se déclare. Puis certaines branches commencent à se tortiller, un arbre s'effondre et se plie en deux, les corps se dessinent dans les entrelacs noueux. Lorsque Yannick a prononcé la dernière phrase, soixante-six moines gisent, nus, dans le sol humide, grelottant de froid. La magie a opéré.

Les moines, à présent debout, s'observent les uns les autres d'un regard vitreux. Ils semblent hébétés au sortir de ce sommeil qui a duré plus d'un mois. Nos héros les dirigent à travers la forêt et Yannick tente d'initier un dialogue auquel ils ne répondent que par des gémissements. Arrivés au monastère, il n'est pas possible de les coucher dans leurs cellules, car elles sont occupées par les dirigeants de l'expédition. Ils sont alors conduits au réfectoire où ils ne paraissent pas comprendre qu'ils doivent s'allonger. Inquiet de les voir errer à travers la pièce, Yannick informe un sergent de les tenir à l'oeil. Nos héros vont ensuite se reposer.

« A moi ! A la garde ! » crie-t-on à travers les couloirs. Leur sommeil aura été court ! Nos héros se dressent sur leur paillasse et s'arment à la hâte. Ils sortent de leurs cellules et voient le couloir envahi de moines aux corps glabres. Certains portent des éclaboussures de sang autour des babines. Deux cadavres dépecés recouvrent le sol pierreux d'une mare de sang. Ils sont encore assiégés par des moines gourmands. Nos héros doivent ferrailler pour échapper aux bras qui se tendent vers eux. Une autre porte s'ouvre plus loin. « Qui dérange mon sommeil ? » enrage un seigneur qui passe une tête enfarinée, avant d'être enseveli par les moines qui se jettent sur lui.
Il faut échapper à cette horde furieuse et nos héros commencent leur repli progressif. A quelques mètres, le couloir oblique par un angle qui marque le début d'une nouvelle rangée de cellules. C'est par là qu'il est le plus facile de s'échapper. Nos héros se heurtent toutefois à quatre moines titubant qui viennent en contresens. Ils croient pouvoir les passer rapidement mais il n'en est rien, car ces derniers, ayant mis les mains sur eux, les mordent à pleines dents, et ne se soucient pas de la douleur que peuvent causer les coups donnés en retour. Giboin et Bertrand jouent de la hache. Yannick doit lui-même intervenir avec son épée. Alors qu'ils sont ainsi ralentis, la horde ne cesse de progresser derrière eux...

EPISODE 1 : APOSTASIE EN PAYS SAXON

Samedi 17 janvier 2018, de 14h30 à 19h00. Missi dominici : Guillaume le Juste, Gontran de Cambrai, Yannick le Yaouanc et Giboin.

An 806. Voilà déjà 6 ans que Charles, le roi des Francs, a été couronné empereur d'Occident par le pape Léon III.

Malgré la splendeur de ce titre, son autorité est toujours contestée dans bien des territoires qu'il a nominalement soumis. Un moine se présente à la cour. Le visage tuméfié, les jambes branlantes, il dit avoir été rossé par le roi des Saxons, Wulfred, tout comme deux autres moines venus réclamer la dîme, et qui ne sont plus en état de voyager. Loin de l'anecdote, Wulfred a voulu donner une portée politique à son geste et a chargé ses victimes d'un message à Charles : « Va dire à ton roi que l'ordre ancien est rétabli, que l'Irminsûl fait à nouveau la jonction entre le Ciel et la Terre, et que Wulfred, le Saxon, n'accepte plus la loi de Charles le Franc ni celle du ressuscité Chrestos » .

L'empereur, en dépit de son âge avancé, bondit de son trône à cette provocation. Mais le fidèle Alcuin, son conseiller, est là pour le calmer. Le moine Ambroise n'a-t-il pas mentionné que le roi Wulfred avait bu avant leur altercation ? Les Saxons n'ont-ils pas déjà subi la Loi du Fer de Dieu, lors du tristement célèbre épisode de Verden ? Enfin, Charlemagne lui-même n'est-il pas le parrain de
Wulfred, celui qui a juré de l'accompagner sur son chemin vers la foi ?
Ainsi accalmi, Charles accepte d'écouter les paroles de modération d'Alcuin. Il est décidé d'offrir à Wulfred une chance de se racheter. Une lettre est rédigée en ce sens et remise à nos héros, les missi dominici, qui ont pour mission de la remettre au roi des Saxons et de confirmer si, oui ou non, il entend se révolter contre l'autorité carolingienne et se dédire de sa conversion au christianisme.

"Ecoute ceci mon fils :

Dieu - que son Nom soit loué ! - a bien voulu faire de moi le pasteur de nombreux peuples, et notamment il lui a plu que les fiers Saxons fussent évangéliser sous ma houlette.

Il ne nous appartient jamais de défaire ce qui Devait être fait.

Les tiens font désormais partis des bienheureux qui ont entendu Son message. Oublie tes superstitions païennes, brûle tes idoles de bois aux visages de bêtes, et implore Son pardon si tu as offensé.
Si tu te déclares apostat, alors ton crime est supérieur à celui que venait alléger l'ignorance de tes ancêtres. Le relaps, qui choisit d'ignorer Sa parole, connaîtra la Loi du Fer de Dieu. Là où j'ai charge d'âme, elle s'applique dans toute sa rigueur, comme il fut démontré au lieu-dit de Verden pour l'édification de tous, et fut confirmé par notre capitulaire De partibus Saxioniae.

Pour Son amour, soumets toi et reconnais Son autorité absolue. Rien ne me plairait plus que de m'en faire l'intercesseur si tu étais en proie aux vertiges du doute.

Ton parrain et conseil en Dieu,

Karolus, grand empereur romain, roi des Francs et des Lombards, protecteur de l'Eglise"

La délégation se composera de Guillaume le Juste, de Gontran de Cambrai, et enfin de Yannick le Yaouanc, trois grands seigneurs. En dépit de ses origines bretonnes, ce dernier est un collaborateur apprécié de Charles. 24 ans plus tôt, Charles confia à Yannick une mission que peu auraient eu le courage d'accepter : organiser la décapitation, à Verden, de 4500 apostats saxons.
Elle sera escortée par dix hommes sûrs, dirigés par Giboin, un joueur de francisques dont la réputation de spadassin n'est plus à faire.

Il faut une dizaine de jours pour rejoindre la Saxe. A mesure qu'ils avancent vers le Nord, la Saxe, et plus loin la Marche des Danes, le ciel s'assombrit et la température chute jusqu'à engourdir leurs membres. Sur la cime d'un haut sapin bleu, Gontran de Cambrai aperçoit deux corbeaux qui le narguent. Ne serait-ce pas Hugin et Munin, les éclaireurs d'Odin qui partent chaque matin espionner les Neuf Mondes pour le compte de leur maître ?

Avant de parvenir chez Wulfred, nos héros font halte par l'abbaye de saint Boniface, où frère Ambroise leur promet méditation et prières vivifiantes. Ils sont surpris, en fin d'après-midi, de ne pas voir les moines aller et venir devant ses bâtiments, rentrant leurs outils de jardinage. La porte de l'abbaye est entr'ouverte.
En fait, il ne subsiste aucune trace de ses occupants. A peu de choses près, ils semblent avoir déserté les lieux subitement. Ce peu de choses jette toutefois la confusion. Les animaux sont manquants mais le cellier paraît intact, bien qu'il soit possible que les moines aient été trop chargés pour le vider. Les statues de la chapelle ont été ôtées de leurs présentoirs, mais frère Ambroise révèle une cachette, dans la cave à vin, où les moines recelaient leurs biens les plus précieux : des bijoux et la relique de saint Boniface. Si le petit doigt a été emporté, ça n'est pas le cas des richesses, facilement transportables, qui partageaient sa niche.
Nos héros passent la nuit dans les cellules des disparus. Guillaume découvre alors que des marques de violence ont été effacées. Deux frères pourraient avoir été assassinés dans leur chambre, abattus par surprise. Il se trouve qu'ils ont en commun leur faiblesse : un vieillard sénile et un idiot, qui étaient souvent écartés des activités communes exigeant de la précision.

Le lendemain, nos héros sont interpellés par Guillaume le Juste. Il leur présente les trésors de l'abbaye qu'il doit avoir arrachés aux mains de frère Ambroise, lequel les avait dissimulés sous son grabat. Le frère s'embrouille dans ses explications mais, en tout état de cause, il est difficile de l'accuser d'avoir volé un trésor qui n'a pas quitté l'abbaye, d'autant qu'il est le dernier représentant de celle-ci.
Après cet intermède qui remet en cause la fiabilité du moine, nos héros traversent la Saxe qui est à l'époque une grande forêt parsemée de diverses essences, mais où les sapins surtout prolifèrent. La ville du roi compte plusieurs milliers de personnes. Derrière des palissades de bois, s'entassent les maisons de la cour et celle de la famille royale. Wulfred accueille nos héros dans un grand hall. S'y déploient une gigantesque table à tréteaux et des bancs taillés d'un bloc dans des troncs d'arbres, pouvant recevoir cinquante commensaux.
Auprès du roi se trouve Rogr le Gaucher, fidèle et taciturne lieutenant, au corps sec, musculeux et au visage couturé de cicatrice. Il écoute sans parler.
L'attitude de Wulfred va désarçonner les missi dominici. Le roi avoue d'emblée les mauvais traitements infligés aux moines. Il entre dans force détails corroborant le récit de frère Ambroise, détails sulfureux qui pourraient être confession libératoire autant que complaisance. Il demande à rencontrer sa victime afin d'obtenir son pardon.
Ambroise, qui a quasiment perdu un oeil dans l'histoire, se refuse à lui accorder, et finit par être sermonné par ceux venus chercher justice pour lui. Yannick le Yaouanc conserve par écrit le repentir du roi saxon et le fait signer de deux traits de plume. L'affaire ne peut pourtant pas en rester là. Où sont les moines disparus ? Le roi entend-t-il sincèrement promouvoir la foi chrétienne parmi ses sujets ? A la première question, Wulfred ne peut répondre que par ses propres interrogations. Il se serait présenté au monastère afin d'y faire pénitence, environ une semaine après l'affront. Le découvrant vide, il se figure que les moines ont pris peur et sont partis. Quant à la deuxième question, il veut démontrer lui-même à nos héros que le paganisme est en voie d'éradication. Pour cela, il les confie aux bons soins de Rogr le Gaucher, qui se fera leur guide et leur interprète pendant ces visites.

Au sortir de chez le roi, nos héros sont assaillis par les invectives de frère Ambroise dont l'oeil inerte les foudroie. Celui-ci n'entend pas s'en laisser conter. Wulfred ment, les moines ont été kidnappés par lui (voire tués) et Rogr le Gaucher n'est là que pour mettre les envoyés de l'empereur sur de fausses pistes. Nos héros décident de se fier au jugement de ce moine qui est l'un des seuls à connaître le milieu local et avoir des raisons de ne pas les trahir.

Ils annoncent à Rogr qu'ils veulent retourner à l'abbaye avec lui et l'utiliser pour développer leurs théories sur la disparition des moines. Ce dernier se prêtera volontiers à ce jeu. Il ne se doute pas qu'il s'agit là d'un traquenard.
Alors qu'ils chevauchent au milieu de la forêt, nos héros s'écartent du sentier en prétendant vouloir découvrir la végétation régionale. Le mensonge est trop gros et Rogr proteste. Il les accompagne sur une centaine de mètres, le temps d'expliquer son désistement, puis semble faire demi-tour. Il est trop tard. A un appel de Giboin, ses hommes lui donnent la chasse. C'est Guillaume le Juste qui finit par le renverser en frappant à la jambe sa monture. Ecrasé dans sa chute, Rogr se relève en piteux état. Un autre coup de Guillaume, sur son poignet brandissant un poignard, va achever de vaincre sa résistance. Dans le silence religieux des bois, nos héros questionnent le saxon retombé à terre et qu'une hémorragie interne va lentement terrasser. Ils apprennent que, d'un commun accord avec Wulfred, c'est un Franc qui a enlevé les moines. Il s'agit du seigneur local, Arnoul le Bâtard, fils illégitime de Charlemagne. De plus, Rogr atteste qu'un nouvel arbre-idole est adoré par les Saxons. L'Irminsûl ressuscité est un grand chêne qui se dresse à deux heures au nord de l'abbaye, tout près de Verden, le village du massacre expiatoire.


Crédits jeu:
La mini-campagne Les Gamins des Bois utilise les règles du jeu Libreté de Vivien Féasson publié aux éditions Sycko.


Crédits décor:
Les oeuvres suivantes, relevant du domaine public, sont entrées dans la composition de cette section:
La fresque se compose de deux personnages, l'un est un autoportrait avec une lampe du douanier Rousseau (1903) et l'autre La petite soeur de l'artiste (1850) réalisée par Léon Bonnat.


LES GAMINS DES BOIS


EPISODE 5 : LE RETOUR PERILLEUX

Jeudi 11 janvier 2018, de 19h30 à 21h30. Enfants ayant accepté de jouer avec nous : Shinobi (13 ans), Théo (8 ans) et Tiffany (8 ans).

Longtemps après avoir entendu les derniers pas au-dessus de leur tête, nos héros mettent le nez au-dehors pour vérifier que le stade a été entièrement déserté. Ils décident ensuite de dormir sur place, mais Tiffany et Shinobi s'isolent dans un vestiaire. Le lendemain, Théo tambourine à leur porte, un peu jaloux et agacé du privilège donné au petit ninja. Podzob le surprend et reçoit son coude dans le nez. Théo s'excuse de ce geste qui n'était pas intentionnel. Le pauvre Podzob, qui décidément agace tout le monde, reconnaît par habitude l'avoir mérité.

Un matin terne, rayé de quelques gouttes de pluie, est propice au retour vers la maison, où les enfants espèrent retrouver Tom. La montée est difficile. Le stade se trouvait au pied de la colline recouverte par la ville de Soissons et les enfants peinent, debout sur leurs vélos.

En fin de matinée, ils parviennent à la maison qui est éclairée de toutes parts. Ils sonnent à la porte et le petit Tom, qui s'était aperçu de leur absence mais sans l'expliquer, les accueille avec plaisir. Il explique avoir illuminé la maison pour attirer une adulte, une « maman » qu'il a eu au bout du fil. Les enfants ne sont pas rassurés par cette intervention extérieure. Ils n'imaginent pas un instant que cette mère puisse être réelle, c'est sans doute une sirène maligne que le benjamin a eu au téléphone.
Ils décident d'hâter leur départ, d'autant qu'il faut avertir Robin que le Maire souhaite s'en prendre à lui, ou en tout cas s'emparer de son trône.

Montés sur leurs vélos, nos héros prennent le chemin du Rétrorama. Ils savent que celui-ci serpentent par la forêt, dans laquelle ils avaient déjà expérimenté un peur subtile, instillée par ces grands feuillages noirs secoués par le vent, entre lesquels ils devinaient le mouvement de prédateurs.

Peu après avoir pénétré dans ce territoire sauvage, leurs craintes se réalisent. La pluie se mettre à battre leur dos et à noyer le macadam où la vitesse de leurs roues projettent une eau froide qui saturent leurs chaussettes. Le petit Tom, acharné sur son tricycle, les ralentit mais c'est le grand Podzob qui lâche le premier. Il s'arrête de rouler, rabat son menton sur son torse et respire bruyamment. Seul Théo décide de s'arrêter. Les autres continuent sans se préoccuper d'eux, tenaillés par la peur d'être rattrapés par les sirènes.
Théo apporte ses encouragements à Podzob mais ne peut le tirer très loin. Ce dernier pointe les châteaux d'eau du doigt, sur une petite élévation, priant qu'on y prenne un peu de repos. Théo accepte mais il n'est pas tranquille. Alors que son compagnon tombe dans un profond sommeil, il arpente la structure et cherche à voir au loin.

A un moment, il lui semble que Podzob ne respire plus. Il se penche sur lui. Désemparé, il n'a pas d'autre idée que de le secouer pour le ranimer. Le visage blafard ouvre deux yeux teintés de gris où la prunelle disparaît comme dans une mauvaise soupe. Les doigts squelettiques du dormeur leur enserrent les bras. Podzob lui crache au visage une salive poisseuse. Théo se débat, il frappe son adversaire puis, dans la mêlée qui s'ensuit, le fait rouler au bas de la colline. Théo attrape sa batte et bondit Podzob qui se relève mais l'autre le saisit par le cou, insensible à ses gestes, et écarte des mâchoires devenues énormes et dégoulinantes de salive noire.

Sur la route forestière, le trio ne s'est pas arrêté. Le petit Tom a donné toute son énergie dans ces quelques minutes de sprint. Il ralentit, supplie qu'on l'attende, mais les autres le distancent. En fait, Shinobi se désolidarise même de la jeune fille, qu'il perd à un tournant. Il doit toutefois s'arrêter pour souffler et finit par être rejoint par elle. Tiffany se rend compte qu'il est plus paniqué qu'elle. Elle cherche à le convaincre de se laisser rattraper par Tom, mais ne convainc pas. Elle propose alors de prendre un goûter pour se régénérer, ce qui revient au même. Shinobi se plie à sa suggestion et Tom finit par les retrouver. Mais, aussitôt les gâteaux avalés, Shinobi repart sans se soucier de lui et Tiffany choisit de se laisser protéger ce mâle, bien qu'il soit imprévisible et que cela signifie abandonner un plus petit.

Le couple parvient à la ZAC et descendent vers le Rétrorama. Ils sont accueillis par les enfants qui montent la garde dans une entrée perpétuellement éclairée, dressés sur un rempart de meubles en tout genre. Shinobi, qui semble devenu fou, déclare qu'ils sont suivis par une sirène ayant pris l'apparence d'un enfant.
Ensuite, ils s'introduisent auprès de Robin et, malgré Nadia qui dénonce la violation du protocole, se font entendre en parlant de l'hôpital. Robin semble très agacé par cette rencontre fortuite avec Podzob, dont nos héros rapportent qu'il était patient dans le même hôpital psychiatrique que le roi des Gamins des Bois. La conversation dévie rapidement vers son objet principal, qui était d'alerter sur les projets du Maire. Robin reconnaît le danger mais le minimise : le Rétrorama est bien gardé. Il félicite toutefois ces deux enfants qui sont revenus le consulter, alors qu'ils agissaient au départ comme des rebelles. Robin ménage la susceptibilité de ces deux transfuges. Il les invite à sa table puis leur offre une chambre où dormir à part, à l'abri du bruit et des autres désagréments du grand dortoir.

Nos deux héros acceptent avec plaisir ce traitement de faveur. Après un dîner un peu lourd, ils sentent que la fatigue les entraîne vers le sommeil.
Cependant, ils sont brutalement réveillés dans la nuit. Des enfants les saucissonnent avec des cordes. « Vous n'auriez pas dû revenir, décrète la voix autoritaire de Robin, vous avez appris des choses qui me déplaisent. Vous allez rejoindre le cimetière des enfants et vous y rencontrerez certainement des sirènes. J'imagine qu'elles n'ont pas mentionné devant vous le petit arrangement que nous avons ensemble ? »

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EPISODE 4 : LES BRANQUES

Jeudi 4 janvier 2018, de 19h30 à 21h30. Enfants ayant accepté de jouer avec nous : Shinobi (13 ans), Théo (8 ans) et Tiffany (8 ans).

La maison silencieuse s'anime bientôt des voix de Tiffany et Shinobi, qui se rapprochent tout en faisant la cuisine.

Théo se réveille, traîne sa jambe douloureuse jusqu'à eux et s'attable à côté de la fumée qui monte. Il est si mal en point qu'il dévore les saucisses ôtées une à une à des boîtes de choucroute pour garnir son omelette. Il s'aperçoit alors de l'absence du petit Tom. Houspillant les autres qui peinent à se motiver, il fouille toute la maison. L'enfant est introuvable. Un vasistas ouvert, dans le grenier, laisse supposer le pire.

Les enfants retournent sur les lieux de leur horrible nuit. Roboclop git dans une mare de sang séché. Les deux chiens abattus, eux, semblent littéralement se liquéfier, leur enveloppe noire se délitant et se répandant comme un fluide sur le sol. Shinobi embarque un peu de liquide dans un pot de confiture.

Il faut bien se résoudre à partir et Théo se promet de revenir chercher son petit protégé, pendant que les autres prennent de l'avance. Avec leurs vélos, ils tournent autour de la périphérie de Soissons. Pendant près de trois heures, le temps est de la partie - quelques gouttes tombent seulement -, si bien qu'ils parviennent au stade Léo Lagrange pour midi. L'endroit est vide mais chaleureusement décoré de ballons. Ici, le monde réel semble se confondre avec celui de l'illusion : est-ce que le stade a été apprêté pour un meeting électoral lié à la présidentielle ou est-ce que les Sirènes sont capables d'y avoir apporté leur contribution ? Ce qui est sûr, c'est que les affiches placardées en nombre n'auraient pas leur place dans la « réalité » d'où les enfants sont issus : les candidats Manu Micron, Jean-Luc Ménichon et François Fillou se disputent l'avantage dans un grand jeu de calembours et d'illustrations naïves.

A l'intérieur du stade, Tiffany et Shinobi inspectent les vestiaires, les douches, les toilettes et le sous-sol occupé par des salles techniques. Dans l'une d'elle, derrière d'épais tuyaux au contact brûlant, une personne a déplié son sac de couchage et mangé une petite collation. Shinobi, absorbé par ses réflexions, renverse un peu de liquide noir sur une pomme épargnée.
Au centre de la pelouse, Théo est inquiet. Il a vu une silhouette se déplacer rapidement dans les gradins puis y plonger. Il sait qu'avec sa jambe, il n'ira pas loin. La forme réapparaît et il se met à clopiner dans le sens opposé. C'est à ce moment que surgissent Tiffany et Shinobi qui le poursuivent afin de comprendre l'objet de sa peur. Théo s'agace des manières de Tiffany et Shinobi prend sa défense, jusqu'à renverser le pauvre Théo.

Les enfants se réconcilient bien vite autour du déjeuner. Alors qu'ils savourent celui-ci dans les gradins, la silhouette refait surface. Nos héros y reconnaissent un enfant, grand et malingre. Il est à la recherche du repas qu'il a abandonné sur un siège. Théo et Tiffany parviennent à le surprendre et le maigrichon, éberlué, renonce à s'échapper. « Des enfants ! » s'écrie-t-il avec joie.
Le nouveau venu s'appelle Grégoire mais il préfère son surnom de Podzob qui lui vient des patients de l'hôpital avec lesquels il partageait son quotidien. Nos héros comprennent que Podzob a été si malade qu'il a fallu l'interner et que, pour le guérir, on lui imposait des promenades dans un parc et qu'on le nourrissait à toute force de pâtes et de riz, lui qui n'aime que les pommes et les fruits secs. Plus instructif, il semble que Podzob ait fait partie du premier groupe d'enfants dans la région, qui s'était réuni dans l'hôpital Sainte Marie et s'était donné pour appellation « Les Branques ». Le groupe péri sous un assaut plus ou moins concerté des Sirènes qui survint il y a trois ans et ne laissa que deux survivants, Podzob et Robin, les deux faisant cavalier seul puisque Podzob désirait rester près de l'hôpital alors que Robin voulait s'aventurer loin de la ville pour y former une nouvelle compagnie.

Il est 17h30 lorsque les Sirènes se font entendre au-dessus des têtes de nos héros, qui s'étaient réfugiés dans le sous-sol pour éviter d'être surpris. La pluie tombe drue à l'extérieur. Les créatures qui se présentent n'ont en commun que d'être faites de ténèbres. Hormis cela, elles empruntent toutes les formes imaginables : des chiens féroces, des humanoïdes à tête d'éléphants, des infirmières avec des seringues, des êtres ronds comme des balles avec de tout petits bras. Toute cette ménagerie s'installe dans les gradins et cause un vacarme monstrueux, de pets, de glapissements, de rires, des messe-basses.
Celui qui les a convoqués se fait alors voir sur l'écran principal du stade. C'est un personnage moustachu à l'apparence drôlement humaine hormis la matière obscure dont son corps est imprégné. Il annonce la tenue des premières élections de la région afin de « s'unir contre les enfants ». Autant dire que les candidats qui se présentent ensuite n'ont rien de sérieux et n'appellent, au mieux, que l'hilarité du public, tel cet homme-éléphant qui tient un long discours de barrissements effrénés avant de saluer bien bas.
Enfin, l'organisateur se présente lui-même en tant que candidat. Il a adopté le titre prémonitoire de « Maire » et n'est connu qu'ainsi. Son programme consiste à opposer un front uni aux enfants qui bénéficient de leur cohésion contre les Sirènes, lesquelles ont été incapables de se coordonner jusqu'ici. Et c'est bien d'ailleurs le problème au moment de voter : chaque fois qu'il faut voter, les bras retombent ; au contraire, lors de l'intermède entre deux candidats, ils se dressent en forêt et cherchent à se placer les uns au-dessus des autres.

Le Maire intervient alors pour reconnaître qu'il n'y aura pas de gagnant ce soir, mais la décision n'est que remise à plus tard. Il s'engage à rapporter, devant cette auguste assemblée, l'objet « magique » qui permet aux enfants de se soumettre à un seul commandement : le trône du roi Robin. Le défi a le mérite d'inspirer un silence religieux. Devant cette promesse inédite, l'assemblée, stupéfaite, regarde le Maire prendre congé d'elle, dos droit et menton relevé.

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EPISODE 3 : LA MORT DE ROBOCLOPE

Jeudi 14 décembre 2017, de 19h30 à 21h30. Enfants ayant accepté de jouer avec nous : Shinobi (13 ans), Théo (8 ans), Tiffany (8 ans) et Tom (5 ans).

Le lendemain matin, nos héros se réveillent au centre d'une joyeuse pagaille, d'oreillers, de couvertures et de doudous abandonnés, sans aucun adulte pour y mettre un peu d'ordre. Une odeur de pain grillé les convie dans la grande salle où leurs hôtes, à moitié réveillés pour certains, déjà surexcités pour d'autres, prennent leur petit-déjeuner. Ils font la connaissance d'Eloi qui est l'intellectuel de la bande. Il a les yeux déformés par d'immenses lunettes et se promène toujours avec son dictionnaire. Il rappelle que Nadia doit leur faire passer un « bilan de compétences » pour leur trouver au sein la colonie un rôle qui leur conviendrait. Justement, cette dernière vient les saluer, orientale superbe et hautaine, pour remarquer finalement que Tiffany manque à l'appel.

La belle se rend auprès de Robin qui siège en bout de table. Roboclope est convoqué et dument sermonné d'avoir laissé échapper la petite. Il s'agit maintenant de la retrouver. Sortis avec leur « parrain » fautif, que son casque de motard protège du pâle soleil et de la honte, nos héros s'orientent rapidement vers le supermarché. Appelant à tue-tête, ils s'attirent sur le haut-parleur une demande de un mot de passe. Après une bonne nuit de sommeil, la brouille semble terminée. Nos héros découvrent que Tiffany a dormi dans la salle de contrôle et tombent par hasard sur le petit mot laissé en évidence. Ce rendez-vous au stade aiguille leur curiosité. Roboclope dit qu'il faut en référer à Robin.

Le petit roi, depuis son trône, interdit tout départ. « Bien trop dangereux ! dit-il, croyez en celui qui en a l'expérience ». Théo proteste. Tiffany s'insurge et Nadia, qui la jalouse parce qu'elle veut être l'unique princesse, vient se placer à côté de Robin. Finalement, ce dernier finit par rendre une décision sage : que les nouveaux s'en affranchissent de sa protection s'ils désirent voir du pays, mais il prédit qu'ils ne tarderont pas à faire demi-tour et, c'est là que, dans sa mansuétude, il leur ouvrira une seconde fois les bras. Roboclope, le parrain malheureux qui les raccompagne jusqu'à la sortie, n'est en rien obligé de les suivre. Mais c'était compter sans Tiffany. Elle le soumet à un vif questionnement dont le but n'est que de lui démontrer qu'il serait un lâche s'il n'escortait ses filleuls. Roboclope - alias Clovis - finit par relever le défi.

La première chose à faire avant de partir en voyage, comme l'enseignent les parents, c'est de s'équiper. Heureusement, ils peuvent puiser dans le supermarché tout ce qui leur fait défaut. Ils en ressortent chacun avec un sac à dos plein et montés sur vélos ou rollers.

La ZAC « La Chevrière » est nichée au cour d'une vaste forêt de pins et de hêtres. Les roues en caoutchouc tournent sur un macadam dont le parfait état contraste avec l'abandon. Leur roulement est la seule chose qui se fasse entendre, d'ailleurs. Autour d'un mince ruban de route goudronnée, la double lisière de la forêt enferme nos héros dans un silence inquiétant. Roboclope égaye un peu l'excursion en racontant des blagues et en clamant bien fort des chansons paillardes. Shinobi, toujours méthodique, joue les éclaireurs mais avec de fréquents retours pour ne pas perdre le contact. Si seulement nos héros avaient pris des talkie walkies ! La matinée s'écoule ainsi. Un ciel monotone surplombe tout cela, rayé par quelques gouttes de pluie qui tombent ici et là. La situation se gâte vers les 11h30. Des nuages s'amoncellent, obscurcissant la vue. L'écoulement s'intensifie. Shinobi, qui patiente à un embranchement entre les trombes d'eau, croit discerner des mouvements de troncs en troncs. Il pédale alors vers le groupe plus vite que prévu.

Shinobi a repéré des constructions droit devant. Le groupe décide d'accélérer la manouvre, avec la promesse rassurante de pouvoir s'y abriter et d'avaler un bon déjeuner. Ce sont des réservoirs d'eau. Depuis le sommet de l'un d'entre eux, Shinobi contemple l'horizon : à gauche, le château domine les environs depuis une colline ; à droite, Soissons s'étend, semi-rurale, avec le stade Léo Lagrange en bordure, et gravitant autour de son centre historique, la mairie, l'hôpital avec son grand jardin, la gendarmerie.

L'averse s'est tue et nos héros repartent, le ventre plein, rassérénés par des panneaux qui donnent Soissons à quelques kilomètres seulement. Ils parviennent vers 16h30 dans les faubourgs de la ville.

Tiffany, toujours féminine, se met en recherche d'une maison cossue dans laquelle passer la nuit au chaud. Il n'est pas encore tard mais la pluie tombe, abondante, et le meeting au stade n'a lieu que le lendemain.
Une villa s'offre aux enfants, un jardin bien entretenu et encadré de grilles proprettes donne sur une porte déjà ouverte. Ils retrouvent à l'intérieur les attributs d'une existence paisible, coussins moelleux, télévision et lecteur dvd, boîtes de conserve de légumes qui offrent un dîner ordinaire.
Shinobi et Théo sont stimulés par ce retour à la civilisation et toutes ces demeures vides qui ne demandent qu'à être visitées par d'apprentis cambrioleurs. Ils commencent par une maison toute proche, ceintes de murets décatis jonchés d'une haie touffue. C'est un imposant 4 x 4 qui les y a interpelés et ils espèrent y trouver une carte de la région, bien que Shinobi ait déjà envisagé sa configuration depuis le sommet de la citerne. Roboclope les y accompagne.
La porte du véhicule résiste. Théo s'empare alors d'une lourde pierre qu'il jette maladroitement et échoue à briser la vitre. Shinobi brandit sa petite hache et la fait exploser, provoquant le retentissement d'une alarme. Ces hurlements stridents résonnent dans tout le voisinage. Shinobi s'engouffre dans la voiture et parvient à la stopper. La boîte à gants, par bonheur, contient une carte.

Echaudés, nos héros se préparent à quitter les lieux de leur forfait lorsque Roboclop chute lourdement devant eux. Il est happé par quelque chose sous la haie broussailleuse et se met à crier. Shinobi et Théo saisissent son bras et le tire alors qu'il supplie qu'on ne lui déchire pas la jambe. Au bout de celle-ci, c'est un étrange doberman sombre qui vient d'apparaître. Shinobi lui frappe le crâne de sa petite hache mais le molosse, secouant la tête, semble plus interloqué qu'apeuré. Un autre doberman surgit derrière eux et se signale par un grognement. Le temps qu'il réagisse, le ninja s'est carapaté et il fait face au seul Théo, qui décide de lui aussi de s'enfuir.

Théo coure, haletant. La bête le rattrape dans l'allée et sa mâchoire claque comme un piège à ours autour de son genou. La douleur fulgure. Théo manque de basculer, mais évite le pire. Pivotant sur sa jambe enserrée, il assène plusieurs coups de battes sur le dos de son attaquant, qui finit par s'effondrer.
Voyant là une opportunité de sauver Roboclop, évanoui à l'arrière, Théo fait demi-tour, mais il le trouve à moitié dévoré par le chien à la gueule fendue. Dégoûté par cette vision, Théo frappe le monstre avec le bois dur de son arme, il frappe à répétition, enchaînant les coups furieux, puis il repart en direction de la maison.

Tiffany lui ouvre. La porte se referme derrière lui, mais c'est un homme qui vient s'écraser contre elle. Il y frappe plusieurs fois, ordonnant qu'on lui ouvre, puis demandant qu'on lui pardonne et le laisse revenir au foyer. Cet homme emprunte la voix de Kevin, le beau-père de Théo. Il finit par se lasser et le silence revient avec la nuit. Mais les enfants commencent à comprendre les tours des Sirènes.

Si nos héros ont survécu à leur première rencontre avec les abominations de ce monde, leur moral est en berne. Leur « parrain », Roboclop, git à quelques mètres de là, son grand corps déchiré et baignant dans son propre sang.
Tiffany s'agace devant les pleurs répétés de Tom et le bambin s'enfuit après avoir été giflé. Il va se terrer dans un endroit où il se sentira invisible. Il va repenser à ces aboiements, échos de son jeune passé, qui lui rappellent de rudes chiens noirs, ceux que le présumé kidnappeur de son frère interposait entre lui et les journalistes. Théo, souffrant, a étendu sa jambe pansée entre le canapé et un fauteuil ; il cherche le sommeil au milieu du salon. Plus taciturne que jamais, Shinobi s'est enfermé dans une chambre à l'étage.

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EPISODE 2 : ROBIN ET SA BANDE

Jeudi 16 novembre 2017, de 19h00 à 21h30. Enfants ayant accepté de jouer avec nous : Shinobi (13 ans), Théo (8 ans), Tiffany (8 ans) et Tom (5 ans).

Alors que l'avertissement de Tiffany résonne dans le supermarché, Shinobi se dissimule dans une de ses allées obscures. Lui aussi, n'a basculé dans ce cauchemar très récemment. Il était à la réunion vicinale près de Soissons mais n'avait pas rejoint les équipes de football, préférant se perdre dans les bois loin d'enfants dont il ne connaissait rien, sinon parfois un prénom.

Nos héros retrouvent leur bonne humeur. Tiffany ordonne une partie de cache-cache sur les ondes. Tom et Théo n'y participent qu'un court instant. Bientôt, ils ont repris la course de caddie. C'est alors qu'ils approchent de l'entrée du magasin que des voix se font entendre à nouveau. « Ils sont par ici ! Défonce-les, Roboclope ! ». Cette fois, ce sont les inconnus, et ils sont retournés en force.
Le petit Tom ne reconnaît que le timbre - pour lui rassurant - de voix enfantines et il se jette à bras ouverts sur les nouveaux venus. Il tombe sur un carré de sept enfants, se couvrant l'un l'autre, armés de chaînes, de fourches, brandissant des barres de fer. Leurs visages sont enfoncés dans un heaume de fortune ou déformés par des peintures de guerre. Le plus grand a la tête surmontée d'un casque de motard, visière sombre rabattue, et une fumée aigre s'en échappe. Le casque pivote lentement, puis le géant bondit dans sa direction, hurlant à tue-tête que son heure a sonné.
Le petit Tom courre, éperdu, avant d'arriver au niveau de Théo qui le défend en bombardant son poursuivant de boîtes de conserve. Elles finissent par faire mouche, l'une d'elle cognant dans la partie la moins capitonnée, c'est-à-dire entre ses jambes. Roboclope s'effondre. Il pleure de douleur, d'abord pour celle qui remonte de son bas-ventre, puis pour la cigarette qui pénètre dans sa joue comme un dard enflammé.
Nos héros s'enfuient à l'arrière du magasin où ils se réfugient dans la salle de contrôle aux côtés de Tiffany. Le suivant à s'y présenter est Shinobi, qui est dans la même situation qu'eux mais ne s'était pas montré. Ils ne veulent pas lui ouvrir. Shinobi bloque la porte avec sa pelle et prie qu'on veuille l'y autoriser. Heureusement, les enfants reconnaissent ce nouvel arrivant.

La fuite collective se répète vers l'arrière. Les enfants poussent une porte de secours qui déclenche l'alarme stridente. Ils débouchent sur une petite cour à l'extérieur, par laquelle se font les livraisons. Un camion figé dans l'action se trouve ici et ils l'escaladent avant de chercher le moyen de le faire démarrer.

« Arrêtez ! » crie une voix depuis l'extérieur. « Nous ne savions pas que vous étiez des enfants ! »
C'est Roboclope, tout feu éteint, qui les supplie à présent de lui pardonner sa hargne. Les enfants hésitent puis, devant un avenir par trop désespéré (la nuit est tombée et ils croulent de fatigue), décident d'accepter son repentir.
Tous ceux qui les ont attaqués, à présent, désarment et prennent entre leurs mains leurs protections faciales.
« Je m'appelle Clovis, avance Roboclope, en révélant un visage avenant et grassouillet, à la joue marquée par la pointe de la cigarette. »
En gardant leurs distances, les enfants écoutent le récit de Clovis qui leur parle d'un monde abandonné par les adultes. Ils ne peuvent toutefois se résoudre à l'idée qu'ils ne verront plus ni papa ni maman. Clovis les met en garde contre les « Sirènes de l'Orage », des créatures furtives, voraces, qui viendraient les cueillir s'ils passaient la nuit dehors. Il les convainc d'aller jusqu'au Retrorama, magasin de meubles installé à quelques dizaines de mètres, et où les Gamins des Bois ont établi leur quartier-général.

Le bâtiment s'avère gardé par des enfants qui ont encombré son hall de meubles renversés ou levés pour former une palissade, couronnée d'un chemin de ronde. A l'étage, la vie est plus gaie. Les enfants reconnaissent les pépiements des tout petits, d'un âge inférieur à quatre ans, chaperonnés par des jeunes filles elles-mêmes en âge d'être à l'école.
A l'étage, l'indolent Robin leur est présenté. Sur un sofa, on a disposé des pneus pour former une sorte de trône sur lequel il se tient assis. A ses côtés, debout pour l'occasion, la belle Nadia conseille le monarque en lui susurrant à l'oreille.
Robin, le chef des Gamins des Bois, se présente comme le plus expérimenté de la bande. Il n'est pas le plus âgé - c'est Clovis, 13,5 ans - mais il réside depuis plus de quatre ans dans ce qu'il appelle les Terres Humides, cet environnement terne et mystérieux, dépourvu de présence parentale, où la pluie ne cesse jamais vraiment de tomber. Robin aurait autrefois été membre d'un groupe qui tenait son fief à Soissons. Ce choix s'est révélé dramatique. Les Sirènes de l'Orage, des change-formes insaisissables, avaient fait de la ville leur territoire de chasse. Le groupe a été anéanti. Robin s'est installé avec ses nouveaux partenaires à l'orée de la forêt. Sous son règne sourcilleux, les mouvements sont limités au maximum et la ville, surtout, est évitée car elle est le berceau de toutes les mésaventures.

Après cette entrevue, nos héros sont invités à se rapprocher de la belle Nadia qui, sachant écrire, dressera leur profil et les aidera à trouver une activité pour laquelle ils ont talent et inclination. Ils visitent alors le garde-manger, salle approvisionnée régulièrement par le pillage d'un supermarché qui, étrangement, ne désemplit jamais.
Au cours du dîner, Tiffany s'offense d'une remarque faite par le petit Tom. Elle lui met un bon coup de pied pour lui communiquer son dépit. Il éclate en pleurs bruyants ; ceux qui y assistent défilent un à un pour le consoler, glissant parfois à sa tortionnaire un blâme mérité.

Tiffany n'en peut plus d'être rabrouée. En dépit du danger, elle se sauve, elle s'isole. Il fait froid sur le grand parking et la lune blafarde est déjà haute. Effrayée, Tiffany se réfugie dans la salle de contrôle qui l'avait accueillie autrefois. Elle observe les écrans montrant des rayons inanimés puis, se coulant dans un grand fauteuil de cuir, tente de s'endormir.
Toc ! Toc ! Toc !
Quelle heure est-il ? On frappe à la porte. Tiffany en reconnaît aussitôt le bruit caractéristique : le visiteur frappe avec une canne au lieu du dos de sa main.
« Ce sont les huissiers, Madame Parfeuil ! Nous sommes venus saisir votre télévision ! »
Tiffany tremble de tout son corps.
« Il faut vous mettre en conformité avec l'article L.650 du Code de Procédure Civile ! »
Heureusement, Tiffany a positionné une chaise derrière la porte. Les huissiers poussent, se heurtent plusieurs fois au mobilier qui leur bloque le passage, puis finissent par renoncer.

Tiffany restera plusieurs heures aux aguets cette nuit-là, roulant des yeux baignés de larmes, avant de sombrer dans un sommeil agité.
Le lendemain, elle trouve une assignation à comparaître, passée sous la porte :
« Le mardi 4 avril à 18h au stage Léo Lagrange »
« Presles-les-Soissons, le long de la N31 »
D'apparence anodine, cette inscription est en fait très remarquable. C'est exactement à la même adresse et à la même heure que les affiches des deux candidats à l'élection présidentielle annonçaient tenir leur meeting.

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EPISODE 1 : COMMENT LES ADULTES ONT DISPARU

Jeudi 12 octobre 2017, de 20h00 à 22h00. Enfants ayant accepté de jouer avec nous : Théo (8 ans), Tiffany (8 ans) et Tom (5 ans).

Théo, Tiffany et le petit Tom vivent à Soissons, la cité du Vase.

Nous sommes le dimanche 2 avril 2017 et le premier tour des élections présidentielles va bientôt annoncer l'élan que la France prendra pour le quinquennat à venir. Les affiches de propagande parsèment les rues et envahissent les murs des bâtiments publics, jusque devant l'école Aristide Briand.
En ce dimanche printanier, soissonnais et habitants des villages alentours (Courmelles, Pommiers, Pasly, Bucy-le-long, etc) se réunissent pour un barbecue intercommunal, dans un espace aménagé à l'orée de la forêt. L'assemblée bruisse de la dernière nouvelle : Mr Poirain, le maire de Soissons, a rejoint le mouvement En Marche !

Les enfants se soucient peu de cet événement qu'ils ne comprennent pas. Théo mène la partie de football contre l'équipe concurrente. Tiffany applaudit. Tom a été intégré dans l'équipe et courre après la balle en levant les bras.
C'est alors que ce qui n'était que quelques gouttes de pluie se transforme en méchante averse. Les trombes créent un rideau qui sépare les enfants de leur environnement. Tom se tapit sous une table, bientôt rejoint par Tiffany.

Ces violentes précipitations ne s'arrêtent qu'au bout d'une vingtaine de minutes. Tandis que le voile se lève, Théo, Tiffany et Tom découvrent que tous les invités ont disparu. Les chaises sont vides, y compris dans l'espace sous les tentes qui préservaient de la pluie. Les assiettes entamées ont été laissées à l'abandon. Des ustensiles gisent, délaissés sur la nappe.
Les enfants appellent, se mettent en quête des adultes. Au début, cela ressemble à une plaisanterie et l'insouciant Théo grignote les saucisses qu'on lui avait interdit de tirer du feu parce que c'était « trop dangereux ». Mais bientôt l'inquiétude gagne aussi son esprit audacieux.
Tiffany s'aventure jusqu'au parking. Le petit Tom lui emboîte le pas en serrant sa peluche, Nours, dans ses bras. Il n'y a rien que des voitures qui se font face.
Théo a repéré les clés d'une Volvo sur l'une des tables. Il propose à ses deux camarades de les ramener à la maison. Malheureusement, son brusque démarrage choque le petit Tom, qui bascule dans le coffre au-dessus duquel il s'était penché et pleure longuement.

Les enfants retrouvent d'instinct le chemin de la maison. Après tout, ça n'est qu'à une vingtaine de minutes. Tom conduit debout sur l'accélérateur, menton relevé par-dessus le volant. Au bout d'un moment, il rencontre son premier feu rouge et s'arrête obligeamment. Malheureusement, il lui est ensuite impossible de redémarrer : il n'avait trouvé la manipulation d'origine que par hasard.
Il faut alors se résoudre à marcher mais les panneaux indicateurs sont encourageants : « Soissons, 5 km ». Sur une borne, les enfants retrouvent les familières affiches électorales. Elle semble néanmoins avoir changé. Elles parlent à présent le langage des enfants !

Nos héros sont encore loin d'être chez eux mais ils sentent la nuit tomber. Sur leur droite, s'étend la ZAC « La Chevrière ». Un vaste parking sépare des magasins gigantesques qui ressemblent à des entrepôts. Les caddies vides jonchent le passage entre les voitures. D'autres affiches électorales, enfantines, se révèlent.
C'est une lumière dans un bâtiment qui a attiré leur attention mais les enfants ont faim, ils se dirigent alors vers le supermarché dont les portes automatiques s'ouvrent devant eux. Pour leur âge, embarqués dans un caddie, c'est un formidable terrain de jeu. Tom se saisit d'une épée en plastique et d'une cape, avant de dévaler les allées encombrées de promotions. Théo fait provision de confiserie. Quant à Tiffany, elle découvre la salle de surveillance sur le chemin des toeilettes. Les écrans lui permettent de contrôler tout le magasin et elle découvre deux enfants pillant le rayon des viandes, l'un - fluet - déposant les produits dans le sac de l'autre, bien plus costaud.
Utilisant le haut-parleur du magasin, Tiffany les interpelle comme des voleurs et les deux lascars lâchent leur butin pour s'enfuir à toute jambe.




Crédits jeu:
La mini-campagne Le Poing Enflammé du Dragon est un scénario en plusieurs épisodes, inteprété avec les règles de Feng Shui 2 éditées par Atlas Games.


Crédits décor:
Les oeuvres suivantes, qui sont du domaine public sauf exceptions notées, sont entrées dans la composition de cette section:
Un portrait de la "déité" Zhong Kui, le Chasseur de Démon, réalisé par King muh et posté sur Wikipedia (en) le 6 juin 2015 sous licence "Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International". Un portrait assis, réalisé par un anonyme, de l'empereur Gaozong de la dynastie des Song (960-1279). A Fisher in Autumn, oeuvre de Tang Yin (1523) dont ont été extraits deux pêcheurs embarqués sous un arbre.
















# LE POING ENFLAMME DU DRAGON #



LE POING ENFLAMME DU DRAGON / EPISODE 3 : Le Maire se Salit les Mains
Artistes martiaux : Kuan-Ti (le maire), Zou (la fille du maire), Bruce (le flic chevronné), Xin (le père du maire).

Les gyrophares des voitures de police éclairent sporadiquement les façades meurtries de la villa du maire : vitres brisées, impacts de balles, traînées de sang, douilles scintillant dans le gravier de l'allée. Les corps des morts ont disparu. Richard a été retrouvé indemne. On cherche encore Wynona dans les environs, où les policiers espèrent qu'elle ait pu se réfugier auprès de ses voisins. Le maire redoute un enlèvement. Après de brèves explications, le commissaire Qing propose de reporter le récit exact des faits au lendemain, dans son commissariat, à têtes reposées. Si Wynona a été kidnappée, les ravisseurs feront connaître leurs revendications. Lorsqu'il offre de laisser un policier en faction pendant toute la nuit, le maire s'insurge, et ses propos dépassent l'outrecuidance. La jeune Zou entre en scène, hystérique, serinant que « la police ne fait pas son travail ». Les dents serrées, le commissaire Qing concède trois policiers, mais il n'oubliera pas l'humiliation.

Au commissariat cette nuit-là, Qing entend la version de ses deux lieutenants, Bruce et Richard, qu'il préférait connaître préalablement à celle du maire. La garde à vue de Fang et Fu-Tsai ayant été prolongée de 24 heures du fait de l'intercession maladroite d'un avocat du maire, nos héros ont encore la journée suivante pour enquêter. Ils devront débusquer, dans ce laps de temps très limité, les preuves qui rendront tangible une inculpation.
Les événements prennent un tour nouveau, alors que Bruce ramène Richard jusqu'à la villa. Les lumières des néons de l'autoroute qui défilent rappellent celles de gyrophares sur le lieu d'un crime. Richard rompt le silence. Il commence par rappeler une quasi-évidence : il ne sera pas possible, en un jour, d'obtenir légalement et légitimement de tels arguments. De plus, il peut attester que Wynona a bien été enlevée, ayant surpris ses appels à l'aide alors qu'il combattait, lesquels se sont tus à la fermeture d'un coffre de voiture. D'après ses collègues de la Financière, Fang possède dans la baie un porte-containers, le Yang-Tsé, qui est son quartier-général mobile, toujours prêts à s'évanouir dans les limbes des eaux internationales. Richard suppose que Wynona aura été emmenée là-bas.
Bruce observe le visage impassible de son collègue. Cet agent transféré au moment opportun semble en savoir plus long sur le Poing Enflammé du Dragon que Linda Jenn. Il remarque alors que la veste de son partenaire est troué d'une balle et sa chemise noyée de sang. « Es-tu blessé, Richard ? » « Une éraflure, répond laconiquement celui-ci. » Mais Bruce n'en peut plus de toutes ces demi-vérités, il stoppe la voiture sur la bande d'arrêt d'urgence et menace Richard de l'emmener à l'hôpital. Le survivant, que cette idée semble effrayer, est contraint à de biens étranges aveux.
Richard n'est pas un policier. Ce n'est pas non plus un être humain mais un dragon transformé. Il existe depuis 1200 ans. Avec un complice, qui a pris le rôle du jeune juge ayant autorisé l'enquête contre DaPing, ils luttent contre le Poing Enflammé du Dragon depuis un temps immémorial. Leur objectif est d'empêcher le retour du dragon Ma-Jura qui dominait autrefois le monde et a été « détruit » dans le passé. C'est ce retour que DaPing essaie d'obtenir à Hong Kong via l'aménagement de la tour Banks en un autel sacrificiel. Zou serait l'Elue dans laquelle Ma-Jura se réincarnerait, ce qui justifie l'acharnement contre sa famille.

Aussi farfelues ces révélations puissent-elles paraître, Bruce sent bien leur véracité, aux yeux de Richard au moins. Elles correspondent aussi à l'esprit de cette société secrète dont les activités criminelles seraient au service d'une cause mystique, précisément définie et comprise du seul cercle des initiés : le Sorcier, les Crocs, les Ongles.

Au manoir Chang, la sonnerie du téléphone met tout le monde en alerte. Un policier accourt avec un magnétophone. Le maire décroche : « Allo ? ». Ce ne sont pas les ravisseurs qui appellent, mais Kuan-Ti reconnaît la voix chevrotante et autoritaire de son vieux père. Celui-ci a vu ces deux fils à la télévision, s'unir dans l'arrestation d'un certain Fang à la réputation sulfureuse, il désire les féliciter. Mais son appel téléphonique n'est qu'une forme de politesse, puisqu'il est descendu de sa montagne et se trouve à quelques centaines de mètres de la villa. Cinq minutes plus tard, la face ridée de Xin Chang apparaît dans l'écran de contrôle du portail automatisé.

Autrefois homme d'affaires, le vieillard s'est retiré du monde à la mort de sa femme pour se dédier à la passion que lui avait transmis son propre père : les arts martiaux. Ce revirement a aussi changé sa relation avec ses fils. Alors que Kuan-Ti, qui semblait marcher dans ses pas, était son fils préféré, il a commencé à se rapprocher de Bruce à qui il reprochait de n'avoir pas voulu emprunter le sentier tracé par lui vers un succès matériel. Xin avait néanmoins toujours conduit ses affaires en courageux adepte du confucianisme, ce qui explique qu'il préféra faire donation de la majeure partie de ses gains à des organisations caritatives, épargnant à ses enfants l'indolence d'une vie trop facile.

Nos héros vont se coucher, épuisés par ce jour finissant qui a marqué leur entrée en guerre contre DaPing et au cours duquel la première bataille a aussi été livrée.

Le lendemain matin, c'est Richard qui les accueille, revêtu d'une robe de chambre chamarrée, faisant crépiter omelette et bacon dans les poêles, sous la surveillance inquiète des domestiques.
Sans entrer dans le détail de ces motivations, ni de sa véritable identité, il expose à la famille Chang son projet d'aborder le Yang-Tsé pour y délivrer Wynona le soir-même. Cette déclaration se heurte bien sûr à de nombreuses objections, qui pour des raisons morales, légales ou seulement pratiques reviennent à la question : si la police sait où la femme du maire est détenue, pourquoi son groupe d'intervention rapide ne prend-t-il pas l'endroit d'assaut ?
Le dragon transformé peine à convaincre, puisqu'il ne peut pas utiliser ses principaux arguments voués au secret. Il obtient toutefois le ralliement spontané de la jeune Zou qui ne comprend pas - avec toute la force de son adolescence - que la famille Chang accepte de se laisser malmener sur son terrain et s'en remette à d'autres qu'elle-même pour laver l'affront.
Finalement, la famille accepte de participer à cette opération clandestine, Richard ayant dû concéder qu'il ne tenait pas l'information de la présence de Wynona d'une source officielle, et qu'il faudrait sans doute déplacer les indices trouvés dans un autre lieu ensuite, pour rendre leur découverte recevable au sens de la procédure pénale. Linda Jenn, présente, se joindra à cette action en tant que Sabre.

Le soir venu, nos héros se retrouvent à un point isolé de l'immense port d'Hong Kong, recouverts de vêtements sombres. Richard les attend avec deux canots pneumatiques qui les conduiront à travers la baie jusqu'au Yang-Tsé. A bord de ces fragiles esquifs, le maire distribue des armes automatiques qu'il emprunté à des « amis » ; Linda et Xin les refusent, la première se fiant mieux à ses sabres, le second à ses poings nus.
La traversée dure trois heures, pendant lesquelles il faut pagayer pour arracher au ressac le moindre mètre.

Arrivée sur l'immense navire dont le pont s'élève à une dizaine de mètres au-dessus de la ligne de flottaison, nos héros s'aperçoivent, consternés, qu'ils n'ont pas les moyens de monter à bord. Chacun s'attendait à ce que l'autre ait apporté un grappin. C'est le vieux Xin, malgré ses muscles fourbus, qui parvient le premier à atteindre le bastingage d'un bond prodigieux. Les autres sont réduits à compter qu'il leur jette une corde. Or, le vieil homme tergiverse. Il commence à explorer le bateau et assomme une sentinelle, mais recule lorsqu'il en rencontre deux de plus. Il passe alors à l'étage supérieur et se promène entre les conteneurs. Enfin, il consent à découper le filet qui retient les bouées de sauvetage et suspend cette échelle de corde improvisée au-dessus de l'ancre, à laquelle nos héros se hissent pour accéder à ce second niveau.
Le vieil homme entraîne nos héros dans le labyrinthe des conteneurs. Etant passé devant une salle occupée par trois marins occupés à jouer aux cartes, nos héros se glissent dans le quartier d'habitations. Ils tombent nez-à-nez avec serveur encombré de cinq flûtes de champagne. L'homme prétend que Monsieur Fang fait la conversation à une jolie étrangère nommée Wynona, savourant un bon dîner dans une cabine réservée. En vérité, le serveur ne connaît pas Fang, il n'est que l'employé d'un traiteur récemment contracté.
Afin de s'assurer de sa présence, le vieux Xin endosse le costume du serveur et, vidant une flûte pour se donner du courage, s'élance vers la salle de réception. Il y trouve, serrés autour d'une table ronde dans une cabine ordinaire, la jeune femme et quatre hommes. Aucun d'eux n'est Fang. Mal habillés, partageant un physique ordinaire voire disgracieux, ils ne pourraient passer ni pour des maîtres du crime ni pour des tueurs professionnels. Après avoir posé les quatre coupes, le vieux Xin se fait chasser parce qu'il a omis de livrer la cinquième. Il revient en force, son fils aîné pointant vers les convives le bout métallique de son arme.

« Monsieur le maire !, s'écrie aussitôt l'un d'eux. »

Kuan-Ti ne se laisse pas démonter par cette expression de sa popularité. Il somme l'insouciant de décliner son identité. « Je ne suis que le comptable ! s'exclame le malheureux, qui craint qu'on ne l'assimile à du beau monde. » Nos héros ne tardent pas à comprendre qu'ils sont tombés sur du menu-fretin, des subalternes à qui on a confié la mission de distraire Wynona pendant son dîner. Zou brandit alors un talkie-walkie qu'elle a récupéré sur le garde assommé par son grand-père. Ayant appris que les plus hauts gradés sur ce bateau sont deux Ongles, Kuan-Ti ordonne au comptable de les joindre sur la fréquence radio et les faire venir jusqu'à eux au prétexte que son épouse fait un malaise.

Mécontents, les Ongles font entendre leurs pas dans le couloir en menaçant qu'il vaudrait mieux les déranger pour une bonne raison. Lorsqu'ils arrivent à la salle de réception, Wynona feint l'inconscience sur le sol, un vénérable serveur penché sur elle. Une porte latérale s'ouvre brutalement derrière les Ongles et le maire leur intime l'ordre de se rendre, fusil mitrailleur à l'appui.
Vif comme l'éclair, l'un des Ongles se saisit du canon alors que la paume de son autre main s'écrase sur le nez du maire. De l'autre côté, le vieux Xin a abandonné son mime, bondissant sur la table ronde, il se lance dans un moulinet de coups de pied. Seul Xin est en position d'agir librement car ses alliés sont compressés, en file indienne, dans le couloir. Les Ongles sont à demi-pris dans le couloir et à demi-présents dans la salle du dîner, là où le vieil homme les abreuvent de coups de sandale. Plusieurs fois, le fusil mitrailleur retentit mais est détourné de sa cible et ne fait que des dégâts mineurs. La jeune Zou, qui s'était cachée derrière la porte de la salle du dîner, jette une poivrière au visage de l'Ongle qui est exposé. Surtout, son grand-père pousuit les mouvements qui semblent dérouiller ses vétustes articulations, jusqu'à ce que ces moulinets mettent à terre l'un des Ongles. Le second, qui n'a toujours pas réussi à ôter l'arme des mains de Kuan-Ti, déclare alors forfait et propose un « deal » à l'américaine (ce qu'il imagine sans doute être la coutume à Hong Kong).

Le maire insiste pour qu'il se mette à genoux et croise les mains derrière la tête, ce qu'il s'est refusé à faire jusqu'ici. Cette fois, il cède, pour appuyer sa volonté de transiger. Expliquant qu'il enlevé Wynona de sa propre initiative, il suggère à nos héros de s'en aller avec la personne qu'ils sont venus chercher. Ce faisant, il promet de ne pas faire feu sur eux. Pour ce qu'il en sait, le conflit entre le Poing Enflammé du Dragon et la mairie pourrait bien en rester là car la jeune Zou, que la société secrète pensait au départ sacrifier pour faire renaître le Dragon, ne semble plus présenter d'intérêt pour eux : le fait qu'elle soit l'Elue a toujours été discutée et Fang, qui seul s'entêtait dans une affirmation positive, pourrait bien admettre son erreur.
Kuan-Ti, qui a eu le nez cassé par les coups de paume répétées, rejette le deal. Il veut en appeler à la police et faire venir à bord des agents qui arrêteront tout ce petit monde. Les autres sont plus mitigés. Non seulement il faut espérer tenir jusqu'à l'arrivée de cette dernière, mais encore : comment justifier de la présence du maire et de sa famille à bord ? Selon les usages qu'il a lui-même établi à Hong Kong, le maire lève alors le canon de son arme et tire une balle dans la tempe de celui qui est agenouillé. En temps normal, la disparition de l'autre partie contractante aurait mis un terme à la possibilité même d'un deal. Mais sa traîtrise soulève les protestations familiales. A présent, si la police débarquait, il faudrait justifier de ce qui ressemble fort à une exécution sommaire. « Je n'hésiterai pas à te balancer !, s'agace la petite Zou, qui devient la championne du parti négociateur. » Richard, qui s'était éclipsé pendant le combat, revient avec plusieurs documents qui incriminent Monsieur Fang de faits de corruption de fonctionnaires. Il révèle aussi l'existence d'un message qui semble adressé par le Sorcier à Fang, incitant ce dernier à renoncer à son projet de sacrifier Zou, pour lui un mauvais choix s'agissant de la réincarnation. Cédant aux récriminations de ses proches, le maire accepte le deal.

Nos héros sortent du quartier d'habitation rapidement. Afin de se garantir le respect du cessez-le-feu, ils transportent celui des Ongles que grand-père Xin a mis K.O. L'extérieur est silencieux, hors une brise marine lugubre qui leur souffle dans le cou. Marins et gardes ne se montrent pas, pendant qu'ils descellent un petit bateau à moteur suspendu au niveau du bastingage.

Le canot pétaradant les ramène vers les lumières d'Hong Kong.




LE POING ENFLAMME DU DRAGON / EPISODE 2 : Un Maire Ne Devrait Pas Dire Ca.
Artistes martiaux : Kuan-Ti (le maire), Zou (la fille du maire), Bruce (le flic chevronné).

Dans le décor feutré du salon, à la lumière des abat-jours et sous les yeux indiscrets de la petite Zou, Linda Jenn - alias Sabre - n'en finit plus de se confesser.
Le maire comprend que la Sûreté d'Etat, organe de contrôle purement chinois, a pu constituer grâce à elle un dossier complet sur ses malversations. Le seul recours qu'il lui reste est alors d'accepter la collaboration qu'elle lui offre et de participer au démantèlement du Poing Enflammé du Dragon.
Zu, le responsable de la sécurité, s'excuse à un moment de la conversation. Par pudeur, il ne voulait pas surcharger celle-ci mais a souffert, dans l'action, d'une balle reçue dans le ventre qui l'entraîne au bord de l'évanouissement.

La sonnerie du portail retentit. Le majordome revient peu après avec les deux policiers, Bruce et Richard, pendant que Wynona s'enquière depuis le haut des escaliers du nom de ces visiteurs : serait-ce pour ce gala de charité, qu'elle parraine pour le compte d'Enfance Sans Frontière ?
Le frère du maire somme Linda de tout lui exposer mais celle-ci, cherchant désespérément le regard de son amant, n'avoue qu'à demi-mots des liens avec la société secrète. Le majordome alerte alors sur le fait que Zu, couvert de sang, a perdu connaissance dans les toeilettes.

Les policiers accompagnent le maire à l'hôpital Bellevue. Cet établissement a accueilli en parallèle, transportés par ambulance, deux des responsables de l'embuscade qu'ils vont interroger. Houchi, blessé à l'épaule, vit de petits boulots et n'a été recruté que pour ce job. Il transfère toute la responsabilité de l'opération à Yueyou, qui est dans la chambre voisine. Ce dernier, criminel de vocation, ayant trempé dans toutes les affaires sordides de l'ancienne colonie, se meure d'une balle logée dans le poumon gauche. Yueyou était en contact avec le commanditaire. Au cas où ils devaient être séparés, Houchi avait pour consigne d'appeler un numéro de portable. Si Linda était en vie, il devait dire : « Si la pizza est froide, nous vous remboursons la course ». Si au contraire elle était décédée, le mot de passe était : « La plat sera à réchauffer ». La captive était à emmener dans un entrepôt désaffecté des gigantesques docks hong-kongais.
Nos héros ne prennent même pas la peine de s'y rendre. Ils se doutent que le Poing Enflammé a cloisonné chacune des étapes de l'opération avec le zèle qu'on lui connaît.

La tornade est passée. Nos héros regagnent leurs appartements respectifs pour la nuit.

Le lendemain, les deux policiers se rendent sur les docks, dans un entrepôt de la douane. Les marchandises sont amassées ici le temps qu'une enquête administrative soit terminée. Ce chargement, c'était la seconde piste de nos héros. Ils se souviennent que, dans la villa de Fang, une conversation téléphonique faisait référence à sa prochaine libération. L'officier des douanes les accompagnant s'en explique. Il leur confirme que, toutes les diligences ayant été menées, le blocage a été levé ce matin et que DaPing pourra récupérer les caisses dans quelques heures.
Bruce grimpe sur la plus haute d'entre elles. Il fait tomber un pan de bois qui dévoeile la statue hérissée d'un dragon, griffes en avant, s'élevant sur deux mètres et demi de hauteur. La livraison ne contient que des pièces de ce type. La douane les a identifiées comme les ornements d'un temple bouddhique vietnamien. Elles furent précédées d'un chargement de pierres, en grand nombre, qui n'avait pas attiré l'attention, mais devaient englober le temple lui-même. Les statues étant plus facilement reconnaissables, elles ont fait l'objet d'une déclaration séparée qui, sans surprise, devait heurter la conscience professionnelle des douaniers. Seulement, le gouvernement vietnamien a attesté par écrit que l'ensemble n'était pas considéré comme relevant de son patrimoine culturel protégé. Il était donc devenu impossible de le retenir.

Le maire, Kwan-Ti, sait pertinemment quelle est la destination de toutes ces antiquités : c'est la tour Banks, dont DaPing a fait l'acquisition pour y établir le siège de sa filiale, et dans les sous-sols de laquelle Fang voulait installer un véritable lieu de culte. Cette tour maudite, installée au centre de Hong-Kong, doit sa création en 1882 à la famille Banks, des magnats de l'opium, qui la firent restaurer entièrement dans les années 30, et ne cessa de l'occuper qu'en 1989, à la mort du dernier représentant connu.
Depuis lors, elle resta vide à l'exception de la misérable tentative d'un anonyme britannique pour se l'accaparer. En 1997, le mystérieux acquéreur, vint en ville prendre possession de son fief mais, dès son entrée dans les lieux, fit une chute mortelle causée par le délitement des escaliers.

C'est justement cette après-midi que la tour, sous son visage neuf, est inaugurée. Kwan-Ti s'y rend, ainsi que sa femme Wynona, sa fille Zou, et sa directrice de la communication Linda Jenn. Un intrus se glisse dans la foule, c'est Bruce, qui a profité du carton d'invitation « A Monsieur le Maire et sa famille » pour s'imposer. Fang l'aperçoit et veut le faire chasser par ses sbires, mais Bruce est sauvé par l'intervention de son frère. En revanche, Richard son coéquipier est éconduit.

Entraînant derrière eux une cohorte de journalistes, nos héros se laissent porter par les ascenseurs de la tour qui les conduisent au dernier étage pour une réception cocktail. Bien sûr, la visite du sous-sol, ancien Service Courrier, transformé en lieu de culte bouddhique, est incontournable pour la clôture de l'inauguration. Bruce repère un émetteur qu'il a glissé dans la gueule du dragon, mais celui-ci est placé sur un piédestal et il lui est impossible de l'atteindre sans l'escalader. L'événement tire à sa fin et la foule des reporters se disperse. Restent ceux qui, désirant couvrir plus complètement l'événement, veulent recueillir quelques mots de Monsieur Fang et du maire en toute intimité.

Tous ces messieurs se dirigent vers le parvis de la tour où attendent les voitures.

Après avoir serré les dernières mains, Fang se plie en deux pour entrer dans la Mercédès dont un garde du corps lui tient la porte. Il fait un dernier geste au maire quand, soudain, l'éclat métallique d'une menotte s'abat sur la main du garde qui le surplombe. « Vous êtes en état d'arrestation, déclare Bruce, qui est derrière ce revirement. L'homme qu'il déclare appréhender, c'est Fu-Tsai, dont Linda jure qu'il est l'un des Ongles, ayant travaillé pour son ex-compagnon. Ce que la police possède contre lui est bien mince en vérité mais un juge, aiguillonné par le maire, a accepté de signer un mandat d'arrêt contre lui. A la vue de son homme ligoté, Fang sort de ses gonds. Il bondit hors de l'habitacle, agite les bras de façon menaçante, et agonit d'insultes le maire et son jeune frère. Le policier retourne alors le gros bouddha, qu'il étale sur le capot lustré, avant de l'habiller d'une seconde paire de menottes que vient de lui confier Richard : « Monsieur Fang, je vous arrête, pour outrage à personnes dépositaires de l'autorité publique. »

C'est ainsi que la voiture banalisée, surmontée d'un gyrophare, emmène au loin le directeur de la branche locale de DaPing, devant quelques journalistes médusés.
Au commissariat, King accueille avec circonspection les deux hommes, qu'il ne pourra maintenir que peu de temps en garde à vue.
Le maire, affichant une mine sereine malgré les invectives et l'essai d'intimidation, joint au téléphone un avocat de ses amis. Il demande à celui-ci de défendre Fang qui, étant nouveau en ville, n'a pas de représentant au pénal. Il précise que son souhait est aussi qu'il provoque l'extension de la garde à vue par des propos mal avisés. L'avocat hésite devant un acte qui ternira sa réputation ; il finit par se soumettre sous le ton impérieux du maire.

Bruce et Richard réalisent qu'ils n'ont contre Fang que peu de causes d'inculpation. Les pires méfaits qui lui sont attribués ne le sont que par le biais de soupçons, rien n'est étayé.
Le soir venu, ils mettent à profit l'absence du directeur pour visiter sa villa. Située en périphérie de la ville, elle est encadrée d'une grille noire qui dissimule un luxuriant jardin. L'édifice lui-même est étalé sur un étage et presque toutes les parois y sont de verre transparent. Un potentat moderne et qui n'a rien à cacher ! Il fait chaud et une sentinelle fume près de la porte d'entrée. Les deux policiers l'attirent et l'assomment près d'un buisson. Ils s'introduisent dans le bâtiment par la porte d'entrée, en évitant soigneusement le salon où d'autres boivent en jouant aux cartes.
Au rez-de-chaussée, Bruce découvre le bureau depuis lequel Fang dirige ses affaires durant l'indisponibilité de la tour Banks. Il y receuille de nombreux documents officiels qui ne trahissent aucun caractère illicite. En revanche, le jeune policier met la main sur ce qui semble une communication du Sorcier à son fidèle lieutenant : « Dans la cité de l'opium, un corps enfantin qui suit la voie royale ». Les mots ont été griffonnés par Fang mais Linda prétend que le Sorcier, imbu de pouvoirs thaumaturgiques, s'inspire de rêves prémonitoires pour annoncer le retour du Dragon. Dans un tiroir, Bruce trouve des dossiers sur plusieurs personnalités, notamment le maire et sa famille. Le plus étonnant est que le plus épais est celui traitant de la jeune Zou. La précision des renseignements indique qu'elle a fait l'objet de filatures, notamment à son lycée, le Victoria Regina's College, ou à son entraînement de kung-fu à l'école Wei. Bruce emporte les classeurs.

L'adolescente, justement, attend les policiers à l'entrée du jardin. Elle qui guettait, a surpris leur manège et les a laissés conduire cette perquisition officieuse. Les policiers la ramènent à son père, avec lequel il est temps d'avoir une explication.

Le maire est retourné dans son manoir, qui domine les gratte-ciels illuminés depuis les hauteurs d'une colline. Il est soucieux. Bien qu'il se soit détaché de l'influence de DaPing, les arrestations de cette après-midi l'ont pris de court. Il n'a plus d'autre choix que de s'allier à la police. Vis-à-vis du public, ou de DaPing, cette alliance est déjà effective, il ne peut donc opter pour une autre stratégie.
L'édile corrompu peut-il s'ériger en pourfendeur d'un trust sans foi ni loi ? Celui qui, dans peu de temps, comparaîtra devant le comité Ethics and Compliance de la mairie va-t-il se racheter une conduite ? Ce sont les questions qui accaparent l'esprit de Kwan-Ti quand il est rejoint par les policiers et sa fille.

En mettant bout à bout les indices recueillis, ils ne tardent pas à donner corps à un nouveau récit. Il semble que le Sorcier, ou au moins Fang, estime que l'adolescente soit la réincarnation du Dragon. Si c'est le cas, elle risque d'être kidnappée dans les prochains jours et « le Sorcier sera là pour le rituel » assure Bruce.

Brusquement les lumières de la villa s'éteignent. Un objet lourd et ovale atterrit et roule sur le sol. Nos héros comprennent qu'il s'agit d'une grenade et se réfugient dans la cuisine attenante. Des coups de feu sont échangés. La grenade n'a pas explosée mais dégage en sifflant une vapeur suffocante. Par une fenêtre de la cuisine, on peut atteindre le jardin et quitter la maison. Pendant que Bruce renvoie une seconde grenade d'un coup de pied, Kwan-Ti fourre son dossier dans la cuisinière qu'il remplit de gaz, dans l'idée de faire sauter la pièce en partant. Il se ravise finalement, voyant que leur évacuation va prendre trop de temps. Le dossier sous l'aisselle, il se laisse alors couler par la fenêtre, l'arme à la main, contourne la maison pour atteindre le garage et doit affronter deux hommes qui s'interposent. Il est bientôt rejoint par Bruce et Zou, avec qui il s'enfuit en voiture sachant que sa fille est peut-être la cible principale de cette attaque.

Il ne reviendra qu'à l'arrivée de la police.

La relation entre le maire et DaPing, qui était si bonne qu'elle lui avait valu des reproches de concussion, a dégénéré en guerre ouverte. C'est par la voie de la légalité, que nos héros espèrent encore triompher du Poing Enflammé du Dragon. Mais est-ce une limitation raisonnable ? Monsieur Fang et Fu-Tsai, emprisonnés, ne pourront être convaincus d'avoir commandité l'attaque, d'autant que leurs communications transitaient via un avocat appointé par le maire.




LE POING ENFLAMME DU DRAGON / EPISODE 1 : La Mairie Fraternise.
Artistes martiaux : Kuan-Ti (le maire), Zu (le responsable de la sécurité), Zou (la fille du maire), Bruce (le flic chevronné), Richard (le transfert de la Brigade Financière).

Kuan-Ti Chang est l'honorable maire de Hong Kong. Rien ne se fait dans la métropole à son insu et rien d'extraordinaire sans son consentement. Sauf ce soir.

Pendant que le maire festoie avec Monsieur Fang, un homme d'affaire venu s'installer sur son territoire, deux policiers conduisent une enquête secrète. Sous la férule d'un jeune juge à peine diplômé, ils ont mis sur écoute le patron de la future usine pharmaceutique DaPing. C'est le même homme qui, en ce moment, avale son bol de soupe sous les yeux du maire.

Cette usine dont le maire a favorisé l'ouverture, à grands coups de défiscalisation, signifiera la création de 2 000 emplois, directs ou indirects, et l'accès pour DaPing à un hub mondial. Autour d'un repas traditionnel, on trouve, outre les deux principaux protagonistes, Zou, la fille du maire, et Zu, son responsable de la sécurité, mais sa directrice de la communication, Linda, et son responsable juridique, Eliott.

Ce bleu de juge semble avoir eu le nez creux. Les allées et venues devant la villa de Monsieur Fang ont laissé penser aux policiers qu'il donnait abri à des malfrats. Certains de ces hommes, tous de sa suite, portent une arme sous leur manteau et semblent se livrer à du trafic illicite. Ce soir-là, nos héros épient la conversation suivante, à partir des micros installés : (probablement une conversation téléphonique avec Fang)
« Les colis ont passé la douane, patron. Ils ont été mis en sûreté dans l'entrepôt. Oui, nous avons initié les contacts. Soyez sans crainte, nous allons nous occuper très vite de notre vieil(le) ami(e). »

En rentrant de leur mission nocturne, nos héros dressent un rapport qui vise à développer l'enquête dans deux directions. La première, c'est celle de l'entrepôt, possible lieu de stockage d'une marchandise illégale. Le second, c'est ce « vieil ami », qui pourrait prochainement devenir la cible des malfrats.

Le lendemain, nos héros organisent une filature. Bruce, policier aguerri, est le frère renégat du maire Kuan-Ti Chang. Richard, transféré depuis la brigade financière, semble parachuté sur l'affaire. Afin d'affirmer sa crédibilité, il sort devant son collègue le dossier que son ancien département a monté sur DaPing.
Cette entreprise de l'industrie pharmaceutique est noyautée par une société secrète connue sous le nom de « Poing Enflammé du Dragon ». Fang est l'un de ses leaders les plus en vue. Il appartient aux quarante Crocs, groupe qui rapporte directement au Sorcier, le maître de la confrérie. En-dessous d'eux, les initiés sont appelés des Ongles, tueurs professionnels et fanatiques.
Il y a peu expatrié au Vietnam, où il avait en charge la création d'une succursale, Fang a brillamment réussi et gagné la confiance du Sorcier. Il s'est vu confier une tâche stratégique : asseoir l'influence stratégique de DaPing sur ce carrefour logistique qu'est Hong Kong, une porte ouverte sur le monde.

Pendant que Bruce se fait lire les grands traits du rapport, les bandits débarquent sur l'avenue qui mène au Jardin Ornithologique. Ils s'arrêtent au numéro 188. Bruce les suit à l'intérieur d'un immeuble. Il retrouve leurs traces au dernier étage, une trappe à demi-ouverte trahissant leur passage sur le toit. Embarrassé sur la conduite à tenir, Bruce décide de les y enfermer. En bas, dans la rue, son collègue Richard repère trois hommes qui se penchent du haut du toit. Il appelle les pompiers, craignant un « suicide » arrangé. Ensuite, il rejoint Bruce sous la trappe. La soulevant, il observe à la dérobée les trois hommes sur le toit. Ils semblent indiquer du doigt le bâtiment situé de l'autre côté de la rue. Richard laisse alors la trappe ouverte et propose de s'en aller.

Le soir-même, Monsieur Fang vient se plaindre au maire que des policiers enquêtent sur ses hommes, les distrayant de leurs importantes obligations. Kuan-Ti fait mine de n'avoir pas de moyen de pression sur la justice. En réalité, les juges qui ne sont pas déjà doublement soldés par lui sont ou renvoyés ou en sursis. Après le départ de l'homme d'affaires, il appelle le jeune juge qui a lancé la procédure. C'est un nouveau venu en ville. Interrogé par le maire, il dit en référer directement à la Sûreté d'Etat qui est sa source d'information.
Le maire raccroche. Il ne veut pas jouer de son influence cette fois-ci, ses actes étant sous surveillance. Récemment, il a publié un livre de confessions intitulé « Un maire ne devrait pas dire ça ! », sous l'influence de sa directrice de la communication. Ces révélations lui ont valu une brutale chute de popularité. Elles ont éclairé d'un jour nouveau certaines de ses activités passées. Winshu « Charlie » Xi, du parti écologiste de la ville, en a appelé à une enquête contre lui au comité « Ethics and Compliance » de la mairie. L'opportunité de cette enquête doit être confirmée par un vote du comité dans deux semaines. En cas de vote négatif, les investigations ne dépasseront pas le niveau préliminaire. Sinon, le concours de la Justice sera demandé.

Les deux policiers n'ont eux pas de contact avec le juge, ses ordres transitent par le commissaire King. Toutes les révélations sont attribuées à un mystérieux agent nommé « Sabre » .

Le jour suivant, les policiers planquent devant l'immeuble que les malfrats surveillaient. Ils ignorent encore quel appartement était leur cible, il devait appartenir aux étages les plus élevés.

A la mairie, le directeur du Service de Sécurité, Zu, reçoit un appel de Linda en fin de journée. Elle vient de quitter le travail et lui annonce qu'elle est suivie par une mystérieuse voiture. Pendant qu'elle s'obstine à le semer, Zu grimpe à bord de la berline aux vitres teintées qu'il utilise pour ses sorties incognito.

Tout s'accélère. Linda déboule sur l'avenue menant au Jardin Ornithologique. Elle passe devant les policiers qui surprennent son regard apeuré et comprennent qu'elle est la personne qu'ils recherchaient. « Nous avons trouvé Sabre » affirme Bruce en sautant dans sa voiture banalisée.

Zhu, derrière ses vitres teintées, leur passe aussi sous le nez. A sa demande, Linda fait un brusque demi-tour devant le Jardin Ornithologique. Zhou accélère et emboutit la voiture des brigands qui voulait la suivre. Il fait monter Linda dans sa voiture et s'enfuit, laissant - sans le savoir - les policiers aux prises avec les truands. Lorsque la fusillade éclate, la berline est déjà loin. Elle file par les boulevards périphériques, prenant la direction de la maison du maire.

Kuan-Ti rédige sa déclaration de revenus sur le bureau du salon. La petite Zou, sur le canapé, est avachie devant un télé-crochet. Dans la seconde télé, sur la droite, un feu brûle en n'émettant aucune chaleur.
Linda arrive brutalement dans cette atmosphère feutrée. Le maire se lève. Il est affreusement gêné de voir sa maîtresse fouler le sol du domicile familial. Wynona, son épouse originaire du Texas, est à l'étage. Sa fille lève les yeux sur le visage dur de la directrice de la communication.

Linda Jen n'a plus le choix. L'extrême situation dans laquelle elle est empêtrée l'oblige à la confession. Elle avoue connaître depuis de nombreuses années le Poing Enflammé du Dragon, ayant été la concubine d'un de ses Crocs. Elle ne connaît pas Fang personnellement, mais un de ses sbires l'a reconnue. Elle devait pourtant être à Hong Kong anonymement. La Sûreté d'Etat l'y avait logée et lui avait confiée la surveillance de son maire. Tout en collectionnant les notes sur ses collusions, Linda a fini par tomber amoureuse de lui. Elle a alors conclu un marché avec les services secrets, en prétendant parler pour lui. Elle s'engageait à piéger Monsieur Fang avec le maire et, en échange, son amant devait bénéficier d'une amnistie.

Pour que cela fonctionne, il fallait laisser le temps à DaPing de tisser les ramifications qui la trahiraient. La brusque ouverture d'une enquête sur DaPing, au moment où la succursale ouvre ses portes, pourraient tout bouleverser.


Crédits jeu:
La mini-campagne L'Escapade de Calico Jack et du Misbehavior utilise les règles du jeu Savage Worlds déclinée dans le contexte de son avatar 50 Fathoms publié par Pinnacle Entertainment Group et Studio Publishing.


Crédits décor:
Les oeuvres suivantes, relevant du domaine public, sont entrées dans la composition de cette section:
La fresque se compose de deux personnages tirés de tableaux de Winslow Homer, Eagle Head, Manchester, Massachusetts (High Tide) (1870) et After the Hurricane, Bahamas (1899).
Un extrait de Moonlight (1874) et un extrait de The Gulf Stream (1899) pour le requin, également de Winslow Homer, servent de séparation entre les épisodes.


L'ESCAPADE DE CALICO JACK ET DU MISBEHAVIOR


EPISODE 3: METAMORPHOSES A GOGO

Dimanche 2 octobre 2016, de 14h30 à 19h. Enrôlés dans cette aventure : Jean-Gaston de Pigeon de Boisjoli, Yann Kergoullouec, Robert Neuville, Théodos.

Le lendemain matin, nos héros sont convoqués par une tisserande chez le roi de Shatangu. C'est Blake qui distribue louanges et blâmes, les concubines ayant apparemment fait une relation détaillée de leurs ébats à celui-ci. Seul Jean-Gaston a failli à une copulation cordiale, minimum attendu de tout invité, et il a gravement offensé son hôte. Blake propose de dédommager sa Majesté en asservissant Jean-Gaston pendant une durée de trois ans, mais celui-ci voudrait rechercher une forme moins contraignante de dédommagement.

Au-delà du jugement qu'il porte sur leurs performances, sa Majesté (ou Blake) a aimablement considéré l'envie de nos héros d'être retournés sur leur Terre. Un échange de bons procédés doit avoir lieu. Nos héros participent à la restauration de l'Empire de Shatangu et, une fois cet événement survenu, le roi mettra à leur service ses meilleurs sorciers pour les renvoyer d'où ils viennent.
Cette « restauration » doit prendre une forme bien précise, puisqu'une prophétie affirme que des êtres humains redonneront vie à la cité impériale en en réveillant l'esprit protecteur, un élémentaire de corail. La prophétie ne révèle pas les moyens de ce renouveau et, en vérité, ne mentionne pas les Humains, mais plutôt des « étrangers ». Or, depuis l'apparition des Humains sur le monde de Caribdus où ils étaient inconnus, les hommes-pieuvres sont convaincus qu'il s'agit d'eux.
Calico Jack n'a rien fait pour les détromper, au contraire. Lorsqu'il a tenté de les berner en fabriquant un faux élémentaire de corail, à partir d'un géant de bois, Blake Langue-de-Pute a pris la relève. Il se propose d'ailleurs de sacrifier son ancien compère et tout son équipage au dieu Shatanger. Un sacrifice est, après tout, une forme d'intercession de sa victime auprès de la divinité.

Nos héros quittent la tente impériale avec plus de soucis qu'ils n'en avaient en entrant. Comment raviver la grandeur d'un empire décadent dont la capitale est sous la mer ?

Ils ont obtenu de Blake un peu d'aide dans leur tentative. D'abord, ils font retirer de la fosse-prison huit Anglais, membres de l'équipage du Misbehavior, pour utiliser leurs bras. Puis, ils s'attachent un interprète shantagais-anglais, un certain Polypadiou, homme-pieuvre aventurier, recruté dans une auberge par Blake.

Nos héros font venir le Profit devant la plage où les autochtones paressent entre les vestiges de leur passé glorieux. Ces monuments effondrés se dressaient autrefois sur l'aire la plus haute de leur cité, restée émergée après le déluge.
Bientôt, on signale des lueurs au fond de l'océan et le Profit fait volte-face avant de jeter l'ancre à une encablure.
L'interprète explique à nos héros que, toute proche de la plage, se trouve une allée de statues gigantesques, douze de chaque côté. Elle conduit à un temple, protégé sur ses autres façades par d'autres rangées formant une croix. Jadis, les jeunes guerriers de la capitale se défiaient sur ce terrain sacré. Celui qui, étant passé d'une statue à l'autre, avait échappé à leur regard mortel, avait réussi le rite de passage. En effet, les statues se préservaient l'une l'autre et jamais ne braquaient le regard sur leurs vis-à-vis.

C'est Yann Kergoullouec, le second commandant, qui va explorer les lieux. Il s'est totalement métamorphosé en un homme-poisson : son corps ondulant lui confère un mouvement plus rapide sous l'eau où, à travers le filtre de ses ouïes, il peut respirer.


Il glisse près du sol spongieux et disparaît parmi son tapis d'algues avant de grimper vers le sommet d'une statue, qu'il énuclée avec une dague. Les deux orbites qui glissent dans son sac sont des perles géantes.

Yann partage sa découverte avec le commandant Le Varnos. Celui-ci comprend que son second se met en danger et qu'il ne parviendra pas à travailler vingt-quatre statues sans être atteint par leur regard. Il invite Yann à haranguer les hommes et appeler des volontaires à la transformation.
Cette tentative est mal accueillie. Frère Jérôme, le père Charles-Antoine - le prêtre défroqué -, et même Augustin, le précepteur, crient au sacrilège. Seul le Diable peut être derrière cette apparence ! Un jeune homme, néanmoins, se déclare prêt à se sacrifier. Il rencontre Yann en aparté et lui avoue s'être toujours mal senti dans sa peau d'« homme ». Il s'offre de rendre son acte plus spectaculaire en l'accomplissant via une cérémonie publique. Le Varnos le soutient.

Le rituel heurte les esprits. Le jeune homme l'utilise pour tendre un piège à un autre marin qui a fait de lui son souffre-douleur. Lui jetant une des perles, il le manque, et touche un innocent.

Les douleurs accompagnant la métamorphose leur arrache à tous deux des cris pendant la nuit. Il est évident, même à ce stade, qu'ils se changent en des créatures aquatiques qui ne ressemblent à pas à Yann.

Le lendemain, Yann se blesse en voulant ôter un oeil à l'une des statues et décide d'attendre la fin des deux métamorphoses.
Les mutants s'attaquent à l'allée menant de la plage au temple et font tomber toutes les perles dans un filet. Le temple est enfin accessible.

La fresque gravée sur son frontispice, étouffée par des algues bulbeuses, raconte une drôle d'histoire. Un être humanoïde se tient par-dessus des pieuvres véritables ; il les bénit et leur offre un corps pareil au sien ; les hommes-pieuvres, sous son égide, conquièrent les archipels ; puis ils se retournent contre lui. Au sommet de la fresque, un poulpe aux tentacules étend au récit son patronage.
Une lumière intense provient du temple. Elle est émise par une perle gigantesque, pour moitié enfoncée dans une cavité, pour moitié entoeilée sous une structure de pierre, grosse comme une fontaine. Cette structure, c'est une pieuvre figurée couvrant de ses appendices froids l'objet lumineux.
Une inscription en caractères cunéiformes domine la scène depuis le plafond :
« Shatanger a dit :
Les étrangers reviendront du ciel/de l'horizon
Au contact du coeur impérial, ils raviveront la grandeur de l'ancienne cité
Sang et encre ! Sang et encre !
Et le peuple des mers sera tiré de sa léthargie
Il renaîtra avec elle (la cité)
Sang et encre ! Sang et encre !
Le Shatangadon sera son gardien/geôlier
Il retient dans son bec l'avenir du monde
L'avenir est écrit sur son tentacule
Sang et encre ! Sang et encre ! »

Nos héros pressentent qu'ils sont proches de la solution. Ils grattent les tentacules de pierre et de corail pour y faire apparaître une instruction ; ils veulent s'emparer de la perle dominante.

Depuis la découverte de la cité engloutie, la majesté et l'ancien pouvoir des hommes-pieuvres ne peuvent être niés. Cette révélation fascine et dégoûte à la fois.

Le vieux Robert se laisse séduire par la promesse d'une nouvelle vie. Il fait un discours remarqué sur le pouvoir des perles, dont il attend l'éternelle jeunesse. Quelques barbons le suivent et ils rééditent la cérémonie tant décriée.

Les transformations se multiplient. Le Varnos y participe et les encourage.

Frère Jérôme revient sur ses déclarations avec autant d'emphase qu'il avait mise la première fois. Mais, à présent, il veut se métamorphoser. Saint-Ignace lui a conseillé, en rêve, de se lier à ce monde et de l'évangéliser au nom du dieu unique. Même la main, relique de son saint patron, qui se trouve animée comme par miracle, va muter en pince en touchant la perle.

Nos héros ne comprennent pas que leur salut réside là-dedans. Au contraire, ceux qui se changent volontairement en créatures aquatiques semblent renoncer, implicitement, à un retour sur Terre. Jean-Gaston est le seul officier à résister. Théodos devient un crabe savant ; Le Varnos lui apprend alors qu'il est son père. Jean-Gaston est empoisonné par Théodos mais le dénouement est proche et il ne parviendra qu'après au bout de sa mutation.

Mathilde, la fille de l'armateur, que sa laideur a maintenu toute sa vie dans une position d'exilée, décide de se transformer. La malheureuse hurle de douleur sous les soleils couchants de ce monde.
Son corps se boursoufle et se détend. Un derme rugueux et pourpre émerge de sa fine peau en la déchirant.
Elle doit être mise à l'eau pour échapper à la curiosité de l'équipage. L'eau salée semble l'apaiser mais ses membres multiples disparaissent sous l'écume. Elle devient le Shatangadon, l'élémentaire de corail.

Nos héros se rendent auprès du roi. Ils savent que seul Blake peut les sauver. Des éclaireurs à bord de barges volantes leur rapportent que leur bateau, le Profit, a été brisé en deux par un monstre marin. Blake abandonne le roi à son sort et emmène certains avec lui, à bord du Corrupted Judge, où ils sont entourés de pirates. Jean-Gaston et Théodos sont de ceux-là.

Yann et le vieux Robert ont choisi de rester. La plage est évacuée car elle peut être ravagée par le Shatangadon. Mais le reste de l'île sera épargné et, si un jour il est découvert, sera protégé de l'extérieur par ce nouveau cerbère.

Le Corrupted Judge a pris la place d'un autre vaisseau, qui a été transféré dans l'autre monde, au cours d'une tempête fantastique.


Au matin, les soleils jettent des rayons qui se prennent dans ses voeiles. Robert, assis sur un promontoire à fumer la pipe, le voit arriver de loin : c'est la Belle Odile.

EPISODE 2: GLORIEUX EMPIRE DE SHATANGU !

Dimanche 18 septembre 2016, de 14h30 à 18h30. Enrôlés dans cette aventure : Jean-Gaston de Pigeon de Boisjoli, Yann Kergoullouec, Robert Neuville, Théodos.

Alors qu'ils échafaudent des plans pour s'emparer du Misbehavior, nos héros entendent les bruits lointains d'une canonnade. Ils sautent dans des chaloupes mais savent déjà qu'ils arriveront trop tard. La longue-vue, malgré la semi-obscurité des trois soleils au plus bas, révèle l'échappée d'une épaisse fumée noire vers le ciel étoeilé.

Là où se trouvait ancré le Misbehavior, des débris de bois, des tonneaux, des voeiles déchirées sont portés par les remous des vagues. Jean-Gaston croit apercevoir un tapis volant qui s'éloigne et disparaît. Sur la plage, un marin agonisant regrette sa trahison. Mais quelle trahison ? Celle des hommes-poulpes du glorieux empire de Shatangu que le capitaine Jack Rackham a odieusement berné.

Le lendemain matin, une équipe d'hommes du Profit ratisse la plage, parmi lesquels le vieux Robert. Ceux qui ont été sélectionnés pour cette tâche ne sont pas les plus hardis. Ce sont du menu fretin comparé aux membres d'équipage qui se sont vus confier la mission de récupérer, au fond de l'eau, les maudites Larmes du Léviathan.
Parmi ces valeureux, le second commandant Yann Kergoullouec conduit les opérations de plongée. A partir d'une chaloupe, les téméraires se jettent dans les eaux troubles à la recherche de perles dans le sable mobile et parmi le varech. Autour d'eux, ils voient bouger les silhouettes massives des crabes impériaux qui guettent, se tapissent dans la pénombre, prêts à cisailler les premiers passant à portée. Afin de détourner leur attention, des chaloupes sous la supervision de Jean-Gaston trempent régulièrement jusqu'au fond de l'eau des cadavres anglais lestés de sacs de cailloux.

A bord du Profit, la situation est bien différente. On observe les activités extérieures avec une douce curiosité rehaussée par le plaisir d'être le spectateur d'un travail pénible. Théodos recherche des objets lourds dans toutes les cabines, et remarque des sacs de pièces d'or chez Hortense Bonassieux. Ce moment de quiétude ne pouvait pas durer. Le second commandant, qui a repéré des canons submergés dans la baie, met à contribution les passagers qui doivent hisser des centaines de kilos de fonte à bord.

Sur la plage, les hommes semblent s'égailler depuis qu'ils ont mis la main sur un tonneau de vin local. Les recherches ont été fructueuses : mousquets, sabres, poudre noire, rations séchées, cordages,. Tout a été rassemblé en tas avant que les marins se donnent du bon temps. Surtout, le vieux Robert a mis la main sur deux perles géantes, sans doute propulsées par l'explosion du Misbehavior au-delà de la plage. Il les prend dans les rets d'un filet avant de s'adonner lui-même à la boisson.
Jean-Gaston, en tant que troisième officier, se fait déposer à terre et intervient pour ramener de l'ordre. Il ne peut que s'émerveiller de voir le résultat de ces fouilles légères, puisque deux perles sur trois ont déjà été retrouvées. S'emparant négligemment du filet, il en fait d'ailleurs tomber une sur son pied, ce qui lui arrache un cri de douleur, mais heureusement la sphère a rebondi sur sa chaussure. Il se rappelle la malédiction qui frappe celui-ci dont la peau nue entre en contact avec ces objets sacrés.

Le travail de plongée se résume à présent à la remontée des canons et, surtout, à la quête de la troisième perle manquante que Jack Rackham ne parvenait pas lui-même à récupérer. C'est grâce à son système de cadavres anglais utilisés comme appâts que Yann parvient à éloigner un crabe impérial de son antre. La créature s'enfuit en ayant coupé une jambe à l'un d'entre eux. Sa prise en bouche, elle s'éloigne pensant faire échapper sa proie à la convoitise. Le second commandant, en apnée, s'empare à pleines mains de la sphère qui s'était glissée sous un rocher.

A bord du Profit, Yann Kergoullouec, qui a tant de fois évité les coups meurtriers quand il était dans la marine de guerre, fait fi de la malédiction. Sous les yeux effarés de ses hommes, il attrape les trois perles et les dépose délicatement dans une caisse. Ce geste irrévérencieux pourrait-il leur coûter la vie à tous ?

Merry Dick a présenté les hommes-pieuvres de Shatangu comme la race décadente d'un empire oublié, qui s'étendait autrefois sur des centaines de kilomètres d'îles et d'archipels. Ce sont malgré leur héritage et leur puissante sorcellerie des êtres naïfs, qui se laissèrent bernés par Jack Rackham. Celui-ci, jouant d'une légende annonçant l'arrivée d'un étranger accompagnant la renaissance de l'Empire, édifia en bois un faux élémentaire de corail, symbole des défenses de la cité impériale. Il confisqua alors les trois perles sacrées, enleva un sorcier ainsi que son fils comme otage, et partit au loin accomplir la téléportation.
La décrépitude de l'ancien Empire est attribuée par les hommes-poulpes à une corruption de leur race ayant causé une chute du nombre de naissances. Ses habitants comptent sur différents expédients pour la rétablir. Les trois perles, qui sont pour eux un symbole phallique, sont leur canal de communication vers la Déesse de la Joie et du Foyer. Elles n'ont en elles-mêmes qu'une valeur limitée, car ce matériel est plutôt commun dans les parages, mais les rituels de bénédiction exercés sur elles leur confèrent une aura particulière. Un autre moyen de lutte contre cette infertilité fut la réactivation d'une coutume ancienne dans les îles. Il s'agissait de recueillir la semence de voyageurs pour féconder les femelles du harem impérial et ainsi ajouter un sang neuf au lignage le plus noble.

Le Profit fait voeile vers l'île de Shatangu qu'il doit atteindre en deux jours. Merry Dick, qui ne se montre pas avare de conseils, meten garde contre une approche frontale du village. Celui-ci est en effet bâti sur la partie haute de la cité impériale qui a été engloutie et son côté face recèle de nombreux dangers pour les bateaux.

C'est de leurs yeux que nos héros peuvent le constater. Trois oiseaux géants que les autochtones humains surnomment les « condargents » suivent le bateau dans son périple, probablement parce qu'il est lié dans leur esprit à des repas gratis. L'un d'eux, se risquant au-dessus des eaux interdites, est heurté par un rayon venu de la mer où il retombe en torche.

Autour de l'île, des barges de bois flottant dans les airs s'intéressent à l'arrivée du Profit et l'escortent de loin.

Cela fait deux jours que le second commandant n'est pas sorti de sa cabine. Maximilien Le Varnos l'encourage à le faire lorsque les hommes se sont installés à l'arrière de l'île pour un barbecue. Yann Kergoullouec a complètement changé d'apparence. Après deux jours cloué dans son lit par la fièvre et de violentes démangeaisons, il a perdu tout son épiderme qui a fait place à une cuirasse d'écailles. Son visage s'est allongé et il ressemble aujourd'hui plus à un homme-poisson qu'à un humain de la Terre. Ainsi se manifeste la malédiction des perles sacrées qu'elles donnent à celui qui veut quitter Caribdus, par leur truchement, toutes les raisons d'y rester.

Cette apparence laisse sans voix la plupart. Robert Neuville exprime tout haut ses doutes quant à la confiance qu'il est possible de placer en une telle créature mais est vivement rabroué par Yann qui veut même le faire pendre. Le Varnos intervient pour éviter le drame et offre à tous un petit « remontant » sous la forme d'une nouvelle bacchanale.

Le lendemain matin, une petite délégation se rend au village de Shatangu dans l'intention d'établir des relations amicales. Robert Neuville, pressenti pour remplacer le présent bosco, en fait partie au grand dam de Yann qui y voit une remise en cause de son autorité. Le jeune Théodos, qui a l'affection de Le Varnos à qui il rappelle sa jeunesse, est également de la partie.
Le reste de l'équipage attendra, fébrile, le retour de ses ambassadeurs en pays inconnu. Quant au pauvre Yann, difficile toutefois de dire de quel monde il est le porte-parole.

Merry Dick avait alerté nos héros sur le fait que certains pirates étaient restés auprès des autorités de Shatangu. Ces gens-là avaient certainement été mis en difficulté par l'entourloupe et le départ précipité de leurs congénères.
La délégation découvre un village d'hommes-pieuvres plongé dans la plus complète anarchie. Il ne comporte pas de sentinelle ; d'une manière générale, les résidents ne semblent pas avoir de fonctions particulières ni travailler dans un but collectif. Untel est improvisé messager royal s'il a eu le malheur de passer au moment où le besoin se faisait sentir.
Les pirates intégrés en revanche, qui sont à la botte d'un certain Blake Langue-de-Pute, ont gardé des réflexes d'organisation pour lesquels ils ne sont pas réputés dans leur monde.

Nos héros sont introduits un peu au hasard dans la hutte impériale. Les hommes-poulpes n'ont pas le souci de construire en dur mais se contentent d'utiliser dans leurs abris fragiles les reliefs de leur ancienne grandeur en pierre. Il faut attendre une vingtaine de minutes que l'élite du village se rassemble et encore ces longues minutes sont-elles l'occasion de chamailleries entre les exégètes du protocole.
Le roi finit par s'exprimer par la bouche de Blake. Nos héros vont comprendre que, la barrière du langage empêchant tout vrai dialogue, ils se retrouvent en fait à négocier avec le pirate.

Yann, sous l'apparence de l'homme-poisson qu'il est devenu, prétend parler au nom d'humains fraîchement arrivés et désirant repartir. Il fait mine d'offrir au roi les trois perles sacrées qu'il a ramenées dans leur caisse. Puis, il les ôte à la vue. En fait, il souhaite les échanger contre l'aide du royaume.
Sans doute parce que l'étiquette l'exige, Blake demande un temps de réflexion pour le roi. Nos héros se trouvent alors livrés à eux-mêmes. Ils ne sont ni invités ni prisonniers. Personne ne s'occupe de les nourrir et sept heures se perdent ainsi. Une sorte de pêcheur vient ensuite les appeler chez le roi avant de disparaître.

Blake Langue-de-Pute, devant les notables qui ont bien voulu se déplacer pour une deuxième entrevue, leur présente le rite de fécondation. Il fait partie de l'intégration normale des visiteurs. Il permet aussi de les jauger. Nos héros se voient attribuer chacun une case dans laquelle ils seront appelés à copuler avec une concubine du harem. Le pirate insiste sur la lenteur qui caractérise les actions ou la pensée des hommes-poulpes, et qu'il serait bienvenu d'instiller dans ces ébats.

Nos héros ne reculent pas, a priori, devant cette tâche.
Yann Kergoullouec reçoit une femme-poulpe d'une insigne laideur, large trois fois comme lui ; il s'applique à lui donner du plaisir sans en ressentir lui-même.
Le vieux Robert, qui joue les vert-galants, est visité par une femme jeune et fraîche, avec un corps sculpturale qui retient toute son attention et lui fait oublier les vilains tentacules qui s'agitent au-dessus de son front ridé.
Le jeune Théodos fait la connaissance d'une jeune poulpesse aussi inexpérimentée que lui et qui apprécie sa délicatesse. Toutefois, ses atermoiements finissent par la vexer et, en gentleman précoce, il accepte de la couvrir quelques minutes.
Quant à Jean-Gaston, lui qui se voulait un officier exemplaire, il fait fuir sa belle visiteuse alors qu'il semblait s'être mis au lit pour la gâter. Ayant appris quelques mots désagréables d'une interaction précédente, il s'offre le luxe de l'éconduire dans sa langue maternelle.

EPISODE 1: SUR UNE ILE PERDUE

Dimanche 7 août 2016, de 14h à 19h. Enrôlés dans cette aventure : Jean-Gaston de Pigeon de Boisjoli, Yann Kergoullouec, Robert Neuville, Théodos.

23 mai 1716.

Alors qu'ils bénéficient de quelques jours de répit à Saint Domingue, Théodos et Robert sont surpris par leur bosco à l'auberge. Celui-ci les enjoint à rembaucher dès le lendemain matin. Le départ du Profit est avancé à la demande de l'armateur ; la paie sera doublée.
Le même soir, le commandant du Profit, Maximilien Le Varnos, offre à Jean-Gaston d'embarquer en tant que lieutenant. Il s'agit de remplacer le titulaire du poste qui est cloué au lit par une fièvre tenace.

Le lendemain matin, dès potron-minet, Jean-Gaston et Robert se retrouvent sur la passerelle. Ils sont les premiers d'un long défilé. Outre l'équipage, presque au complet hormis le commandant et son second, quelques passagers montent aussi à bord.
Il y a d'abord un homme de noble stature, portant la chasuble des prêtres, qui y est traîné par trois lascars à l'air peu amène. L'un d'eux est bien connu des marins : c'est Gaspard, gros bras qui se loue à qui veut le prendre, en général pour des missions de recouvrement musclées.
Ensuite vient un frère bénédictin vêtu du froc des moines, qui tire avec peine un énorme sac de toeile.
Derrière se présente un quarantenaire à l'air sinistre, posture guindée, tenant un large sac de cuir de sa main droite.
Puis c'est au tour d'une magnifique blonde d'arriver, dans le décolleté de laquelle tous les marins plongent leur regard. Elle est accompagnée par un enfant d'une dizaine d'années, qu'elle appelle Honoré, et par des serviteurs qui portent ses bagages.
Enfin, avec une suite plus vaste encore, apparaît Monsieur Chavrin, l'armateur du Profit. Le dessus de son énorme tête luit de graisse et reflète un rayon de soleil. Sa fille, d'une vingtaine d'années, est son portrait craché à l'exception d'une chevelure blonde épaisse qui jaillit de son crâne et tombe en masse touffue sur ses épaules.

Pour pallier à l'absence du second commandant qui est introuvable, le commandant Le Varnos s'est résolu à un remplacement de dernière minute. Il toque à la porte de Yann, qui, ensommeillé, lui ouvre la porte et s'enthousiasme à la mention d'un grade si élevé.

Ayant assemblé tout son équipage, Le Varnos présente les nouveaux officiers et confirme la présence inattendue de l'armateur pendant la traversée.
Ces substitutions dans la chaîne de commandement ne sont pas les seuls événements qui vont dérouter les hommes du Profit.
La veille au soir, Robert, Théodos et Yann ont écouté avec attention les rumeurs circulant dans les bars à marins de Saint Domingue. La plus inquiétante est la menace d'un navire anglais, le Misbehavior, qui rôderait dans les environs et aurait déjà envoyé par le fond un trois-mâts français. Ce navire n'est autre que celui du pirate Jack Rackham, alias Calico Jack, à peine moins célèbre qu'Anne Bonny et Mary Read qu'il compte dans son équipage de forbans. Le Misbehavior est décrit d'une façon presque religieuse par les marins, qui l'ont vu apparaître dans un brouillard zébré d'éclairs. Yann tient ses informations de première main, puisque son ami Apollinaire a vu le navire de ses propres yeux.

Le Profit s'éloigne à présent du port de Saint Domingue. Nos héros remarquent qu'un autre navire se désolidarise du quai et s'élance derrière lui. Le commandant Le Varnos explique qu'ils voyageront de conserve avec la Belle Odile ; c'est un heureux hasard, car Apollinaire s'y engagé pour le temps de la traversée.

La première journée de navigation se déroule sans encombre, bien que le vent un peu faible laisse à désirer. L'armateur s'en désole car, dit le commandant, il doit marier sa fille à la mi-juillet. Il faudra donc faire vite. Toutefois, Le Varnos est réticent à espérer des vents trop rapides ; il sait que le Profit est parti abandonnant - faute de temps - la moitié de son chargement. Il est donc bien plus léger que ne le voudrait une tenue optimale sur les flots.

Le soir venu, l'équipage s'endort en souhaitant avoir fait suffisamment de chemin pour tenir à distance le Misbehavior. Mais c'est quelque chose de différent qui l'a accompagné dans sa course. Une brume envahissante recouvre le pont. Plus inquiétant, l'air est lourd, chaud, et semble crépiter d'étincelles. Un orage éclate. Yann, qui regarde par-dessus bord avec une longue-vue, finit par comprendre que la Belle Odile appelle son attention. Son équipage lui indique une silhouette au fond du décor, un troisième navire. Il s'approche et le pavillon de la flibuste se révèle dans le ciel obscur !
Yann alerte aussitôt les hommes. Le commandant ordonne qu'on arme tous ceux en état de se battre : il faut se préparer à un abordage. Toutefois, le Misbehavior a poursuivi sa course et dépassé la Belle Odile. Il a même semblé en traverser la proue. Il ne montre pas de signe d'agressivité ; peut-être a-t'il renoncé à son attaque au vu de l'orage terrible qui s'annonce ?

Le vaisseau pirate a disparu mais, maintenant, c'est l'état de la mer qui pose problème. Les flots agités promènent le navire sur leurs crêtes comme une feuille sur un ruisseau. Le Profit tangue ; la cargaison bouge et appuie ses mouvements. Théodos a profité de la confusion pour s'aventurer dans la cale et chercher quelque butin. Dans le sac du moine, chargé de graines, il découvre une main momifiée qu'il replace aussitôt. Dans d'autres sacs faciles à ouvrir, se montrent des étoffes indigènes, sans doute apportées en Europe pour leur exotisme.
Depuis que la Belle Odile, qui a failli éperonner le Profit, a été évité, celui-ci n'a pas retrouvé sa direction. Il ne cesse de tourner, comme pris dans un tourbillon. Il s'enfonce ! estiment certains marins pour qui la moindre variation de flottaison est apparente.

Le navire s'enfonce dans les eaux mais c'est eaux-là ne dupent qu'un seul sens, la vue. En effet, elles ne charrient aucune odeur, n'ont pas de goût, et ne partagent pas la texture visqueuse de l'eau. En revanche, on y voit tout comme à travers un filtre déformeur. Les membres y sont anamorphosés. Yann tente une évacuation mais, le temps qu'il parvienne à la chaloupe avec des passagers, le rideau aquatique s'est élevé jusqu'à hauteur des épaules.

Alors que le navire est submergé, l'eau s'éclaircit, s'étiole comme un gaz coloré que le vent emporte. Le Profit repose sur une mer d'un bleu sombre à l'écume scintillante. L'eau dans lequel il est tombé, au contraire, s'est dégradée jusqu'à devenir ciel autour et au-dessus de lui.

« Terres ! » s'écrie Le Varnos en pointant l'horizon du doigt.

Le Profit se dirige alors, poussé par un léger vent de traverse, vers une île déserte. Elle présente une structure en forme de cloche, probablement volcanique, observée de ce point de vue. Elle est recouverte d'une forêt luxuriante. Son socle est une longue plage de sable blanc où pullulent de petits crabes d'un rouge vif.

Une chaloupe est mise à la mer. Yann, Jean-Gaston, Robert et Théodos sont de la partie, ainsi qu'un marin non-chaland nommé Rémi. Nos héros apprécient le contact grésillant du sable chaud. Ils déposent leur esquif sur la plage puis s'enfoncent dans la jungle.

La pente est raide mais les tiges et les troncs donnent de nombreuses prises. Nos héros sont parfois suspendus à des fougères élastiques comme à des cheveux sur un front allongé. Au sommet, ils constatent que le flanc opposé de l'île s'étale indéfiniment, dans une pente si douce qu'elle en est imperceptible. La longue-vue leur permet d'apercevoir le Misbehavior dans une baie rocailleuse. La jungle qui en sépare intrigue. Elle est parcourue de petites formes qui jettent des éclairs entre ses fougères ; serait-ce les pointes de sabre ? Non, car elles décrivent, infatigables, des cercles irréguliers.

Seul Théodos, le plus gracile, se risque dans ce nouveau territoire. A la limite du territoire de ces choses mobiles et brillantes, il tombe sur le cadavre d'un serpent gigantesque. Il est vaguement enroulé dans une posture défensive. Toutefois, à l'exception de sa peau, son corps a été vidé de sa substance. Sa gueule demeure ouverte dans un écart exagéré, ses orbites ont été nettoyées de leurs pupilles, l'intérieur se laisse voir sans substance autre que du cartilage rogné. Théodos s'approche plus près de la carcasse mais il éveille l'attention de ces petites créatures miroitant la lumière solaire, qui se mettent à le chasser en groupe. Heureusement très près d'une limite invisible au-delà de laquelle elles s'arrêtent, Théodos échappe à une mort atroce.

Il continue sa longue descente jusqu'à l'autre extrémité de l'île. Là, il peut observer tranquillement le Misbehavior qui a mis en mer une petite barque. Il repère un autre visage, non loin de lui sur la falaise, qui exerce la même surveillance. C'est un vieil homme, dont le bandeau noir couvre le crâne au-dessus de ses pattes de cheveux blancs. Théodos revient avec ses compagnons et ceinture l'inconnu alors qu'un coup de canon retentit au loin.

Le retour vers le Profit est pénible car la première pente est trop raide pour être descendue sans se blesser. Nos héros doivent effectuer un long détour pour revenir à la plage où ils ont hissé leur chaloupe.

Nos héros font au capitaine Le Varnos le récit de leurs aventures et questionnent le prisonnier devant lui. Merry Dick était marin sur le Misbehavior avant d'en être évincé pour incompétence. Le vieil homme devait veiller sur un sorcier monstrueux, mi-homme mi-pieuvre, asservi par Calico Jack et ses deux furies. Il le tenait via un otage, un enfant de la même espèce arraché à son village. Les pirates avait opéré cette prise subsidiaire tout en volant les Larmes du Léviathan, trois perles gigantesques ouvrant un portail dimensionnel. Pour faire échouer le sort d'ouverture, le sorcier fit tomber l'une de ses perles sur le pont du bateau. Le geôlier la regarda passer par l'un des huit sabords qu'il avait dans son dos. Il ne leva pas un pied pour la stopper. Il craignait la malédiction qui frappe les Humains osant mettre la main sur une perle. Depuis, Calico Jack ne décolère pas. Il a déjà perdu deux de ses hommes en voulant récupérer la perle au fond de l'eau ; encore, sa localisation précise n'est pas certaine. Des crabes gigantesques se repaissent des imprudents puis repus, sommeillent, dans l'eau troublée, jusqu'à la prochaine descente. Les pirates veulent donner du canon contre leur carapace.

Nos héros comprennent que dans ces trois perles géantes, ces Larmes du Léviathan, réside leur seul espoir de quitter ce lieu maudit.


Crédits jeu:
La mini-campagne Le Bolide Tombé du Ciel utilise les règles et le contexte du jeu Atomic Highway édité par Radioactive Ape Designs et Cubicle 7.


Crédits décor:
Les oeuvres suivantes, relevant du domaine public, sont entrées dans la composition de cette section:
La fresque provient est extraite d'un tableau d'Egon Schiele, Le Pont (1913).
L'illustration séparant les épisodes est le Le Vieux Grenier, du même auteur (1913).







LE BOLIDE TOMBE DU CIEL









LE BOLIDE TOMBE DU CIEL / EPISODE 3: VENUS D'AILLEURS.
Samedi 4 juin 2016, de 14h15 à 18h45. Membres du gang impliqués: Dolf Mendel, Juan-Andrey Illitch, Natalia Petrovna Korsikova et Vladimir Vassilievitch.

Au Manoir, une vingtaine d'hommes jouent au football à côté de la piscine. Lorsque la balle échoit dans celle-ci, elle est renvoyée par un delphirex qui bondit hors de l'eau et la heurte de son museau.
Skip organise les opérations. Il annonce que les équipes de recherche seront divisées suivant les quatre points cardinaux. Chacun de nos héros devra utiliser son propre véhicule pour explorer le territoire assigné, à l'exception de Natacha qui est conviée à son baptême de l'air. Dolf accueille à bord de son buggy un latino nommé Brownie. L'habitacle du van de Juan-Andrey reçoit un géant surnommé Lil' Joe dont les jambes pliées occupent tout l'espace. La destination de ce groupe sera l'ouest et le camp des Déserteurs.

Pendant le trajet, tous les trois essaient d'obtenir de leur interlocuteur qu'il fasse des confidences. Comme la poursuite concerne des meurtriers, nos héros commencent par en revenir au moment de leur forfait. En faisant cela, ils rapprochent le sujet du crash. Que ce soit Skip, Brownie ou Lil' Joe, ils tournent tous autour du pot. Ils évoquent au mieux un « objet technologique » pour se référer à la navette.

Nos héros approchent maintenant de la gare ferroviaire. Ils en ont des sueurs froides car c'est leur cachette. Heureusement, elle est vite dépassée et les poursuivants ne s'attardent pas à visiter les hangars.
L'itinéraire se poursuit le long de l'installation d'extraction du gaz et du pétrole de schiste. Les hommes du Manoir refusent de s'y arrêter en raison des émanations toxiques. Nos héros se promettent d'y revenir en raison du matériel susceptible d'y être réutilisé.

Les véhicules débouchent dans des champs retournés à l'état sauvage. Valodia avise une silhouette gracile qui s'enfuit entre les épis et les mauvaises herbes. Depuis l'hélicoptère, Natacha voit qu'elle se dirige vers le bord de la parcelle où l'attend une moto avec un passager. Les hommes du Manoir décident de l'effrayer. Valodia se lance à travers champs et finit par rattraper une belle jeune femme à la queue de cheval blonde.

Ce n'est qu'un jeu pour les hommes de Skip qui s'orientent à présent vers une ancienne zone industrielle. Un immeuble de bureau rectangulaire sur trois étages, entouré d'une barrière et d'un vaste parking, est le lieu de séjour des Déserteurs.
A l'entrée de la zone, la lourde barre se lève pour laisser passer les véhicules. Les hommes du Manoir sont bien connus ici. Les Déserteurs, qui ont pourtant été chassés par eux de la demeure qu'ils occupaient, ont fini par nouer des relations cordiales.

Un personnage obèse, au type des îles, habillé de défroques militaires, sort des bureaux en souriant. C'est Fat Fidjo, alias « el Commandante » pour ses gens qui presque tous d'origine latino. Fat Fidjo salue Skip en lui serrant la main. Ensuite, il invite Skip, Natacha et leurs deux gardes du corps à pénétrer dans le bâtiment. La réunion se déroule dans une salle dédiée à cet effet.
Skip se contente de prendre un air paternel et Fat Fidjo se justifie comme un allié dont la loyauté est en doute. Il nie avoir participé aux meurtres des hommes du Manoir. Quel intérêt y aurait-il eu d'ailleurs ? Il promet en revanche de patrouiller la région pour dénicher les assassins de ses puissants voisins.

A l'extérieur, Juan-Andrey a remarqué une voiture-bélier dont le parechoc renforcé est parsemé d'une peinture suspecte. Il pousse Lil' Joe à s'y intéresser.
Valodia et Dolf ont approché Lito, un mécanicien qui entretient la vaste flotte de véhicules des Déserteurs. Mais c'est son grand-père qui va mériter leur déplacement. Avide de nouvelles de l'extérieur, il est prêt aussi à en échanger. Il conte à nos héros la chute du bolide dans le désert. L'événement n'est passé inaperçu de personne ici. Et tout le monde sait que ce sont les hommes du Manoir qui ont abattu un vaisseau à l'aide d'un lance-rocket à très courte portée. En fait, les survols du périmètre par les navettes étaient devenus réguliers depuis quelques jours. Le Manoir avait interdit aux Déserteurs de les cibler. C'est parce qu'il comptait les réserver pour lui-même.

Skip revient de sa réunion très aviné. Juan-Andrey se joint à lui pour lui parler de la voiture-bélier. Le chef ne semble pas réceptif, sans doute parce qu'il s'attend à ce que Juan-Andrey lui reproche une attitude inqualifiable avec sa compagne ou que lui-même pense avoir été trop loin pour être à l'aise. Cette intervention semble l'intéresser à moitié. Juan-Andrey insiste et cherche à créer un conflit avec Fat Fidjo en misant sur leur état d'ébriété. Mais Skip a l'esprit assez clair pour savoir qu'il se ferait massacrer s'il en venait aux mains dans ce lieu fermé et acquis aux Déserteurs. Profondément agacé par un Juan-Andrey qui le tance, il croit deviner une moquerie dans le sourire d'un petit anonyme, à la moustache remontée en un sourire joviale. Il lui décoche un bon coup de poing. Fat Fidjo juge sage de ne pas réagir à cette agression ridicule sur son groupe.

Les véhicules repartent et nos héros ont l'impression que Skip ne met pas vraiment d'énergie dans les recherches. Peut-être sait-il qu'on ne retrouvera pas les meurtriers ? C'est d'ailleurs ce qu'il disait à Natacha dans l'hélicoptère, émettant l'hypothèse qu'il s'agissait d'une bande de scélérats opportunistes, ayant mené une attaque-éclair et déguerpi aussi vite.

Revenus au Manoir, Skip annonce un barbecue avec bière et sodas, ce qui est une occasion rare. Il souhaite sans doute faire oublier à ses hommes la mort impunie de trois d'entre eux, et notamment à Brownie qui a perdu son frère.

Juan-Andrey veut toujours provoquer Skip. Il lui rappelle que les vrais hommes utilisent des armes et pas leurs poings dans une bagarre. Skip ignore ou feint d'ignorer l'allusion. Comme Natacha propose un concours de tir, il répond qu'il sera l'opportunité de juger des talents de Juan-Andrey.

Alors que l'ensemble des convives se déplacent vers le stand situé au niveau du parking, Valodia prétend se rendre aux toeilettes, sous le regard impassible de Tomahawk. Quant à Dolf, il le rejoint un peu plus tard dans la maison.
Valodia monte directement au premier étage. Il y entend jouer de la musique classique. Entrebâillant une porte, il devine un cabinet de curiosités emplis de félins et d'oiseaux empaillés. Il y entend les bruits de couverts traçant des sillons dans une assiette. Il se retourne alors pour tester la porte d'en face. Elle s'ouvre sur une salle d'opération. La créature sur la table ressemble à un énorme insecte humanoïde à la peau chitineuse. Ses yeux énormes et bruns sont dissimulés sous des paupières fines. Sur les côtés, il découvre un appareil photo retraçant par l'image les différentes étapes de la dissection, ainsi que des notes prises pendant celle-ci, à travers lesquelles il reconnaît l'écriture et le style du bon docteur.
Dolf a pris le même raccourci que son ami. Afin d'élargir le champ exploré, il commence par le bout du couloir. Ce qu'il voit ne le déçoit pas, puisque la porte qu'il pousse donne sur un être humain enfermé dans une cage. L'homme est entièrement nu et, caractéristique évidente dans ces conditions, ne présente aucun poeil à l'exception de ses cheveux.
« Sacha ? » lance Dolf à tout hasard.
« Da ! » répond le prisonnier, dont le visage s'illumine.
Dolf cite alors les noms de Yuri et Victor pour lui montrer de quel côté il est. Il lui remet de quoi écrire un petit mot à ces derniers.

Pendant ce temps, Juan-Andrey atteint un score plus qu'honorable au tir de canettes de soda. Skip a fait moins bien à son tour. C'est à Natacha de montrer ses talents. Mais Juan-Andrey n'en a pas fini avec Skip. Comme ces premiers mots n'ont pas été assez percutants, il fait fi de toute allusion et se montre très direct :
« Tu n'as pas vraiment été à la hauteur Skip, lorsque nous étions chez les Déserteurs... »
Skip fait mine de regarder Natacha mais ses yeux sont embués par l'alcool et ses oreilles le ramènent en arrière.
« Tu as vraiment été en-dessous de tout », continue Juan-Andrey.
Natacha fait tomber sa première canette et la foule s'enthousiasme.
« J'estime qu'un homme doit savoir s'imposer... » poursuit Juan-Andrey en tirant sur son jus d'orange.
Natacha touche une deuxième canette. Le poing de Skip se referme jusqu'à être blanchi par l'apparition de ses os.
« ...Surtout lorsque cet homme prétend command. »
A ce moment, un choc sourd attire l'attention de tout le monde vers les derniers spectateurs. Le visage de Skip est devenu vermillon, son bras est encore tendu dans la flexion du crochet qu'il vient d'asséner. Juan-Andrey, dont l'uppercut a trouvé la mâchoire côté droit, gît inconscient sur le sol.

Tout le monde se penche et tente de le ranimer, en lui tapotant les joues, en criant, en lui bourrant les cotes de petits coups de pied. Un anonyme plaisante : « Et si on le jetait dans la piscine pour l'aider à reprendre ses esprits ? ». Natacha, qui devine la suite, prétend le réveiller en lui jetant un verre d'eau mais échoue. On le prend par les bras et par les jambes. Déjà, on l'emmène.

Natacha rejoint Skip sur la terrasse alors que le cortège passe.
« Tu ne vas pas laisser faire ça quand même ? »
« Allons, Natacha ! Ce sont des gosses qui jouent. Ils ne vont pas vraiment le jeter dans le bassin. »

Natacha rattrape le groupe alors qu'il vient de tourner à l'angle de la villa.
« Je vais aller chercher le Docteur. Il saura le ranimer. »
Cette fois, elle a su trouver les mots. Refroidi par le nom de leur employeur, tous les hommes laissent Juan-Andrey sur la terrasse. Dans leurs cages toute proche, les Silicon Dogs tournent en rond, glapissent ou frétillent, cette carcasse inerte déposée devant leur cage leur rappelant quelque chose.

Dolf et Valodia ressortent et découvrent leur ami inanimé. Ils n'ont pas de meilleure idée que de plonger sa tête dans la piscine. Natacha distrait les delphirexs en leur lançant la balle.
Juan-Andrey ayant retrouvé conscience, ils font le récit de leurs découvertes. Valodia notamment leur démontrent que les soi-disant « russes » sont en réalité des extra-terrestres prenant l'apparence humaine. Yuri leur a menti. Après tous ces efforts pour l'aider, nos héros sont dégoûtés. Ils décident de lui jouer un vilain tour.

Ils reviennent vers leurs hôtes et leur annoncent leur départ pour l'exploitation pétrolière et gazière.
Ils s'y rendent en effet et Dolf, équipé d'un masque protecteur, récupère des démarreurs sur des engins de chantier et plusieurs pièces d'échafaudage.

Forts de ce vrai-faux alibi, ils retournent à la villa où ils rencontrent Kewl. Ils lui déclarent avoir croisé, chemin faisant, un homme revêtu d'une combinaison spatiale. Skip est aussitôt appelé. Leur découverte retient toute son attention et il leur promet, contre la localisation exacte et vérifiée, le plein de tous leurs véhicules, des bidons de 20 litres d'essence chacun, deux fusils d'assaut avec chargeurs, et un fût de vin représentant 350 litres.
Les véhicules du Manoir se mettent à vrombir et plusieurs d'entre eux s'en vont aussitôt en expédition.

Nos héros patientent de l'autre côté de la villa, à siroter du soda sous les parasols auprès du silencieux Tomahawk.
Au bout d'une heure et demi, les rotors de l'hélicoptère se font entendre. Il se pose à son emplacement habituel, remuant les eaux du bassin de la piscine et provoquant les aboiements des chiens.

Nos héros se présentent pour assister à la descente de Skip mais Valodia leur susurre de se retourner. Ce sont Yuri et Victor qui les premiers sortent de l'appareil. Ce dernier, totalement nu, est propulsé en avant par le canon d'un fusil.

Skip affiche une mine réjoui.
« Après un coup d'éclat comme celui-là, soyez sûrs que le Docteur va vous accepter dans la villa ! Je lui en parle dès ce soir. Revenez demain matin et votre emploi démarrera ! »

Déclarant profiter d'une dernière nuit à Fort Kindrall, nos héros reprennent la route.
Loin d'envisager une seconde ce travail dans lequel ils seraient vite démasqués, ils repartent vers de nouvelles aventures. Ils sont bien plus riches qu'en arrivant et admirent cet énorme fût attaché sur le van de Juan-Andrey, pour lequel il a fallu abandonner les fauteuils en cuir de la navette.
Ils repartent surtout avec une belle histoire à raconter aux leurs, lors des veillées au coin du feu. Ce récit fabuleux, c'est celui du bolide tombé du ciel et des extra-terrestres qui voulaient se faire passer pour des russes.

LE BOLIDE TOMBE DU CIEL / EPISODE 2: LE MANOIR.
Samedi 28 mai 2016, de 14h00 à 19h15. Membres du gang impliqués: Dolf Mendel, Juan-Andrey Illitch, Natalia Petrovna Korsikova et Vladimir Vassilievitch.

Afin de pénétrer dans le manoir du Docteur Micro, nos héros décident d'exploiter les liens forts que celui-ci a établis avec Fort Kindrall. Ils se présentent donc au poste de sécurité de cette ancienne base militaire de l'armée US. Le territoire est encadré par une grille métallique peinte en vert foncé et surmontée de fils de fer barbelés. Il y a une seule entrée et une file de véhicules patiente au seul point de contrôle. Nos héros sont invités à y laisser leurs armes.
Une fois entrés, ils garent leurs véhicules dans un parking installé sur la droite. En fait, toute l'animation se déroule entre le fort lui-même et la ligne grillagée. Elle ressemble à une véritable kermès. Nos héros y font de nombreux échanges. L'intérêt d'un marché, dans un système de troc, est qu'il est plus facile d'y convertir une valeur pour lui donner la forme voulue par l'interlocuteur choisi. Par exemple, si l'armurier veut une roue de moto contre son chargeur, il faut d'abord échanger les bouteilles d'huile de moteur que l'on possède contre une roue, dans un autre stand, avant de revenir vers le vendeur de munitions. Il y a cependant des biens appréciés de tous et qui font office de monnaie : l'alimentation, l'alcool et les cigarettes.

Au milieu des stands, se trouve la buvette mobile de Skip, un homme dont nos héros apprennent qu'il travaille au Manoir. Celui que l'on appelle simplement le Manoir est le principal employeur des environs, essentiellement pourvoyeur d'activités viticoles. Mais les gens qui travaillent là-bas doivent toujours s'acquitter de basses ouvres annexes : la nourriture et le nettoyage des cages, des animaux du Manoir.
Cette propriété appartenait autrefois à un couple d'acteurs célèbres, Brad Larewitz et Alicia Belle. Couple fortuné, ils achetèrent le domaine peu avant le Cataclysme pour s'y lancer dans la production de vin. Ils étaient également des parents généreux et l'on raconte qu'ils adoptèrent plusieurs enfants de par le monde qu'ils installèrent dans le Manoir.

Dolf Mendel est le premier à se rendre à la buvette et à aborder Skip. Il lui annonce directement qu'il recherche un emploi. Skip a l'habitude de ce genre de candidature parce que l'offre de travail est rare et qu'il en est souvent l'intermédiaire. Un seul poste est à pourvoir, c'est celui de mécanicien, en raison du décès brutal de son ancien titulaire. Dolf ne connaît que des généralités sur le sujet mais il postule à tout hasard. Natacha rejoint la conversation et joue de ses charmes, avalant plus de verres de vin qu'elle ne peut en supporter. Juan-Andrey et Valodia se présentent à tour de rôle, faisant valoir aussi des talents de mécanicien. En professionnel du recrutement, Skip invite les trois hommes à concourir lors d'une épreuve le lendemain, en début d'après-midi. La jolie Natacha sera évidemment attendue mais elle devra se faire discrète, car le Docteur Micro ne supporte pas les femmes.

Pour la nuit, nos héros ont loué deux abris en tôle, équipés chacun d'un grand lit. Dolf et Valodia doivent le partager avec Yuri. Dolph remarque que l'étrange cosmonaute se lève quand tout le monde dort. Il le suit à l'extérieur et le voit sortir de son pantalon une cigarette et un briquet, qu'il a dû troquer contre quelque chose au marché. Yuri semble également parler tout seul.

Le lendemain matin, Dolph interroge Yuri et évoque cette vision nocturne avec les autres. Yuri confirme qu'il possède un système de communication qui diffuse dans les casques de ses coéquipiers, mais il n'a obtenu de réponse de personne. Cela rappelle à Natacha qu'elle possède un talkie-walkie. Elle veut le troquer mais se heurte aux questions du marchand sur sa provenance. C'est le même modèle qui est utilisé à la municipalité de Fort Kindrall. Natacha constate que l'appareil possède deux canaux, « MAN » et « FOR », pour l'instant silencieux. Alors qu'il prend sa douche, Natacha, Dolf et Valodia fouillent dans les affaires de Yuri. Ils notent que la ceinture est garnie d'un équipement étrange, comme une trousse à outils, mais n'en comprennent pas le fonctionnement.

En début d'après-midi, nos héros se rendent au Manoir. Sur le chemin, ils dissimulent la voiture de Juan-Andrey car elle a servi de bélier récemment. Elle recèle aussi, attachée sur le toit, les sièges en cuir de la navette.

Les carrés de vigne qui entourent le Manoir sont exploités par de nombreux enfants qui travaillent sans grande surveillance. Nos héros dévalent l'allée terreuse jusqu'au centre de la propriété situé dans une légère cuvette. La vue du Manoir est encombrée de cages sur la gauche où s'agitent et piaffent des animaux de toutes sortes. En face, une piscine se trouve dans l'alignement de la porte, et dans ses eaux bleu clair tournent cinq silhouettes agiles ressemblant à des dauphins. Un museau armé de dents extérieures les distinguent de leurs congénères. Sur la droite enfin, nos héros voient l'hélicoptère, ses pales au repos, jouxté par plusieurs barils de carburant.
Trois hommes armés de fusils d'assaut similaires à ceux de Fort Kindrall s'avancent. C'est Skip, c'est un quarantenaire jovial nommé Kewl et il y a aussi un indien taciturne baptisé Tomahawk.
Natacha est invitée à rejoindre la terrasse qui se trouve de l'autre côté de la maison, pendant que ces messieurs vont réparer le système d'air conditionné du vivarium souterrain. Valodia l'ausculte sans parvenir à comprendre d'où vient le problème. Juan-Andrey le remplace.
Dolf se sent vaseux. Il craint que les haricots qu'il a avalés dans la maison d'hôte ne soient en train de lui phagocyter l'intestin. Il se réfugie dans les toeilettes mais Kewl l'avertit qu'ils sont bouchés car de nombreux habitants les utilisent. Natacha est prise de la même envie alors qu'elle discute avec Skip dans le salon. Après s'être soulagée, elle insiste pour voir les monstres « trop drôles » qu'il avait promis de lui montrer. C'est là qu'elle fait la rencontre de créatures mutantes semi-intelligentes dont la ressemblance avec des êtres humains est frappante. Il y a entre autres Flappy, hase glabre et humanoïde aux oreilles tombantes, Mima, genre de tournesol au visage féminin, et Jollyface, qui a tout d'une petite fille rieuse mais émet des phéromones qui enthousiasment Natacha.
Valodia profite de toutes ces distractions pour visiter la maison. Dans la bibliothèque, il trouve un livre ouvert sur les reptiles et un carnet avec des notes manuscrites sur la possible existence d'un être fait de pure énergie. Il grimpe à l'étage et y découvre un stock de produits médicaux ainsi qu'une de salle de bain aménagée de façon quasi professionnelle, avec du gel stérilisant et des gants.
Juan-Andrey finit par ressortir du conduit d'aérien en annonçant qu'il a repéré la source du problème mais qu'elle nécessite des pièces pour être éliminée, notamment des pièces électroniques. Skip le conduit à une autre partie de la propriété. Il y a là un hangar pourvu pour le pressage du raisin, des tonnelles où reposent les futs en fermentation, puis, derrière eux et en ligne perpendiculaire une suite de véhicules avec un atelier de maintenance. Juan-Andrey relève parmi eux, un véhicule blindé de transport de troupes sur lequel a été monté un harpon. Tout au bout de la rangée, sous une bâche, se dissimule la navette qu'il connait bien. Il s'occupe ensuite de rechercher du matériel dans l'atelier où il trouve plusieurs circuits imprimés.
Pendant que Juan-Andrey répare le système d'air conditionné du vivarium, Valodia gagne une partie de cartes. Il joue contre deux hommes installés dans l'hélicoptère, qui en sont le pilote et le mitrailleur.

Quand enfin un peu d'air frais pénètre dans leur espace humide, l'excitation des reptiles émerveille tout le monde.
Skip s'engage à parler au Docteur pour l'emploi de Juan-Andrey mais se désole de ne pouvoir embaucher les autres. Ceux-ci renchérissent si bien que Skip propose d'accomplir une deuxième mission, qui finira de convaincre le Docteur, y compris d'embaucher une femme comme Natacha, si elle était un succès. Cette mission consiste à retrouver et éliminer le gang qui a assassiné trois des hommes du Manoir. Nos héros approuvent. Rendez-vous est pris pour le lendemain matin.

Sur le chemin du retour, Dolf Mendel exprime ses doutes quant à la nocivité des personnes qu'il vient de rencontrer. Il s'attendait, après la première rencontre avec leur groupe, à trouver des vandales avec une force de frappe militaire. Ici, il n'a trouvé que peu de combattants, se conduisant en hôtes courtois, disposant d'un armement supérieur et utilisé de manière défensive. Il a l'impression qu'en s'attaquant à eux, il s'en prendra à des survivants ordinaires qui ne cherchent qu'à prolonger leur existence en se protégeant mieux. De plus, assiéger le Manoir, c'est se mettre tout Fort Kindrall à dos.

A Fort Kindrall justement, nos héros retrouvent Yuri qui paraît très excité. Il a pu contacter Viktor, qui n'a pas été capturé malgré les tentatives du Manoir pour y parvenir. Ces derniers ont en effet passé la matinée à patrouiller en hélicoptère et, l'ayant repéré sur le coup de midi, l'ont traqué tout l'après-midi à bord de véhicules légers. Viktor est retourné sur le lieu du crash. Nos héros partent donc l'y rejoindre avec Yuri. Sur place, il est vite reconnu grâce à son costume. Yuri et lui se saluent placidement puis échangent dans leur langage.

Nos héros se dirigent vers la gare de Knockville. Là, ils s'installent dans un hangar à wagons où ils avaient déjà caché la voiture-bélier de Juan-Andrey. Comptant l'utiliser le jour suivant, ils lui ôtent le logo « Rousstek » qu'ils s'étaient amusés à lui coller et détachent les sièges de la navette de son toit.

Au coin du feu, Viktor, le dictionnaire dans une main, la gamelle dans l'autre, narre ses mésaventures en quelques mots mal prononcés.
Il ressort de son charabia que la navette a été endommagée par un missile sol-air lorsqu'elle était à environ 5 000 mètres de hauteur. Il devait s'agir d'un missile tiré par un lanceur portatif et disposant d'un guidage infrarouge ; Viktor semble s'y connaître.
Cette navette faisait partie d'une opération de repérage impliquant trois vaisseaux du même type, ayant pour objectif la cartographie du territoire autour de Knockville. En effet, cette ville dispose d'infrastructures d'exploitation d'un gisement de gaz de schiste et un pipeline presque intact la reliant à un port de la côte Ouest. Elle devait faire l'objet d'une réhabilitation par Rousstek. Dans ce cadre rappelle Yuri, nos héros deviendront d'importants personnages à la mise en opération de l'usine. Ceux-ci se proposent de rendre visite au lieu qui fera leur fortune mais en sont dissuadés car, pour le moment, son territoire pourrait être infesté de sulfure d'hydrogène.

Au matin suivant, nos héros prennent la route en direction du Manoir, en laissant dans le hangar Yuri et Viktor. Ils savent qu'ils vont être confrontés à la poursuite la plus difficile de leur carrière : la leur.

LE BOLIDE TOMBE DU CIEL / EPISODE 1: YOURI.
Samedi 19 mars 2016, de 14h00 à 19h00. Membres du gang impliqués: Dolf Mendel, Juan-Andrey Illitch, Natalia Petrovna Korsikova et Vladimir Vassilievitch.

Dans une Amérique dévastée par un conflit nucléaire dont les ramifications restent inconnues, une poignée de citoyens vivotent, se nourrissant aux ruines de l'ancien monde, cherchant à échapper - ou parfois y concourant - à la barbarie généralisée.
Nos héros s'appellent Juan-Andrey, Natacha et Vladimir. Ce sont des états-uniens, russes d'origine mais totalement américanisés, vivant dans la région de Reno, ancien Etat du Nevada. Ils voyagent de concert avec un biker qui leur a rendu de fiers services, le taciturne Dolf Mendel.
Alors qu'ils sillonnent les boulevards périphériques de Vegas, ville dévastée par les bombardements, s'étant arrêté dans un bouge nommé le No Man's Hand, ils assistent à un étrange phénomène atmosphérique. Une sorte de comète à la trajectoire oblique, produisant un feu bleu dans sa friction avec les gaz terrestres, s'écrase dans l'horizon désertique. En pleine nuit, nos héros font pétarader leurs moteurs pour se rendre les premiers sur place. Leur instinct de charognards leur dit qu'il y aura peut-être là matière à s'enrichir.

Le bolide est tombé à une centaine de kilomètres d'eux. Le convoi file sur l'autoroute délabrée, dont les lampadaires ne produisent plus aucune source de clarté. Il passe la frontière du Nouveau-Mexique.
Peu de temps après, les phares du convoi éclairent un panneau indicateur. Sans précision de distance, se situe vers la droite la bourgade de Knockville et sa gare ferroviaire ; à gauche, le fort Kindrall, indiqué par un écusson sur la pancarte comme un bastion militaire. Nos héros poursuivent tout droit leur trajet vers le nord de l'Etat. Le bolide a percuté le sol à environ 500 kilomètres du bitume, il faut donc s'enfoncer dans l'étendue de sable sans relief.

Des pillards sont déjà sur place. Les rotors bruyants d'un hélicoptère sont l'avant-garde de leur présence. Nos héros avancent tout phare éteint puis descendent de leurs véhicules pour approcher encore. La navette échouée est flanquée de cinq voitures customisées qui la maintiennent dans la lumière de leurs phares. C'est Vladimir - Valodia - qui se risque le plus près. Il distingue de nombreux hommes armés discutant autour de l'épave : « il en reste encore un à trouver » puis « c'est le Docteur qui va être content ». Sur la droite, au pied d'un parechoc, Vladimir aperçoit un corps recouvert d'un drap spécial, trahi par ses bottes. Natacha observe la scène à travers la lunette de son fusil. Sur les côtés de la navette, elle reconnaît des caractères cyrilliques.

Finalement, quatre véhicules sur cinq s'en vont. Nos héros investissent la place. Au début, l'objectif est de tester les réactions des gardiens, mais Juan-Andrey, qui anticipe sur le développement de la scène, percute la voiture blindée laissée sur place. Une sentinelle à pied fait feu sur lui et le blesse. Juan-Andrey repositionne son véhicule bélier et lance une nouvelle charge. Dolf arrive en parallèle avec son buggy et fait feu sur l'homme à pied. Ce dernier, en plus de la balle reçue, est projeté au sol par la voiture qui est poussée. Natacha ouvre le feu avec son fusil. Vladimir, qui n'a pu intervenir efficacement, se jette sur le capot de la voiture défoncée et en extirpe un survivant via le pare-brise en miettes. Le malheureux ne pouvant ou ne voulant en dire plus long sur son employeur, Valodia lui étrille la nuque à coups de chaînes.

Le calme revient après cette explosion de violence.

Nos héros inspectent la navette. Ils s'étonnent de la voir en relativement bon état malgré la chute vertigineuse. Le cockpit en est ouvert et révèle un habitacle de quatre sièges. Tous les accessoires et les éléments mobiles ont déjà été pillés. Natacha, qui ne compte pas la patience parmi ses vertus, s'emploie à démonter un tableau de bord incompréhensible dont elle remarque seulement les indications répétitives ; après avoir arraché ce qu'elle peut de fils et de circuits intégrés, elle s'en prend aux quatre fauteuils qu'elle désosse un par un.

Il y a sans doute bien plus à récupérer que des dossiers en cuir et des câbles, nos héros le savent intuitivement. Mais leurs connaissances techniques ne leur permettront pas d'exploiter un matériel aussi high-tech. Toujours préoccupés de bénéfices immédiats, ils s'attaquent aussi à la structure, mais elle résiste. Ils assemblent alors une mèche gigantesque à partir de rideaux découpés et la plonge dans le réservoir d'ergol. C'est Valodia qui y met le feu avant de détaler avec sa moto.

Dans un bruit de fracas métallique, une explosion se produit et des débris volent un peu partout. Nos héros reviennent sur place. Ils sont parvenus à éventrer la navette mais pas à en morceler la tôle. Au contraire, sa structure s'est évasée comme un chou-fleur. Les projectiles qui s'en sont échappés étaient des pièces démontables, venus de ses entrailles. En attendant, une fumée noire montant très haut signale les pillards et il est temps pour eux de déguerpir.

L'histoire du bolide tombé du ciel aurait pu s'achever avec cette explosion. Il n'en est rien. En faisant volte-face, nos héros repèrent un homme dans un étrange scaphandre qui venait dans leur direction mais, ayant assisté au dynamitage, s'est mis à courir en sens inverse. C'est Valodia qui le rattrape avec sa moto et le renverse d'un coup de botte.
Le fuyard possède une combinaison blanche qui le recouvre entièrement. Sur ses épaules, on reconnaît le symbole de son gang dont nos héros n'ont jamais entendu parler. Il porte un casque de motard presque standard si ce n'est que sa visière se décline en reflets irisés. L'homme est incapable de s'exprimer en anglais mais nos héros finissent par saisir les grands traits de ses explications. Le rescapé s'appelle Youri. Il était l'un des quatre passagers de la navette. L'un d'entre eux n'a pu s'éjecter et se parachuter hors d'elle. C'était Elena (prononcer : « Yelena »), probablement le cadavre que nos héros ont vu embarquer. Deux sont encore dans la nature, il s'agit de Sacha et Victor. Mais nos héros doutent qu'ils soient perdus dans le désert, les hommes qui étaient sur le lieu du crash les ayant probablement récupérés.

Voulant en savoir plus, nos héros font la route jusqu'à Reno où ils vont passer la nuit. Lors de la veillée, leur grand-mère traduit du russe vers l'anglais. Youri travaille pour une organisation à très grande échelle qui s'appelle « Rousstech ». Il a été missionné, ainsi que ses collègues, pour enquêter sur la possible réouverture de l'exploitation de Knockville. Remettre en service cette usine d'extraction du gaz de schiste, c'est une des orientations stratégiques de la Rousstech qui anticipe une pénurie de carburant à moyen terme. La base des astronautes se situe à Vladivostok, de l'autre côté de l'océan pacifique. Youri supplie nos héros de lui venir en aide, c'est-à-dire d'enlever ses collègues aux mains des pillards et d'organiser leur retour vers Vladivostok. Nos héros, qui ne voient toujours que les bénéfices certains et immédiats, peinent à se laisser convaincre. Que Youri leur propose de s'installer à Vladivostok ou de faire d'eux des gens riches localement, ils doutent toujours de sa parole, car il parle au nom de sa « société » mais rien n'indique qu'il en soit le chef. Ils finissent toutefois par accepter.

Le lendemain, ils retournent sur le lieu du crash. La voiture accidentée y est toujours mais la navette a été remorquée. Les traces mènent à une vingtaine de kilomètres de là, près d'une grande propriété. Il s'agit d'un ensemble de trois bâtisses blanches, au centre de champs de vigne parfaitement entretenus. Nos héros sont réticents à s'engager dans l'une de ses allées. D'abord, ils seront prisonniers de celle-ci, parce qu'il ne sera pas aisé d'en déborder ; ensuite, et malgré l'obstacle qu'elles représentent, les vignes ne seront pas assez hautes pour les cacher. Les habitants de cette villa semblent posséder de quoi répondre à une attaque, notamment un hélicoptère et un char d'assaut, repérable par les sillons qu'il a laissé dans le sable.
Afin de se renseigner, nos héros se rendent d'abord à Knockville, en pensant y trouver du monde. Un malheureux, occupant avec sa femme et ses deux enfants les ruines d'une maison, les en détrompe. La capitale régionale est le fort de Kindrall, dont les murailles servent à abriter les honnêtes gens des fous de la route. La villa entourée de vignes est celle du Docteur Micro, une sommité locale, qui peut se payer le luxe de vivre loin de fort Kindrall, entouré de ses propres gardes. Le Docteur Micro est un collectionneur et il a enfermé dans sa villa un exemplaire de toutes les monstruosités que le cataclysme a créé, même lorsque lesdites « monstruosités » semblaient diablement humaines.


Crédits jeu:
La mini-campagne Les Migrants utilise les règles et le contexte du jeu Würm publié par les Editions Icare.


Crédits décor:
Les oeuvres suivantes, relevant du domaine public, sont entrées dans la composition de cette section:
La fresque provient d'un ouvrage de Llewelyn Lloyd publié en 1854, Scandinavian Adventures: During a Residence of Upwards of Twenty Years; Representing Sporting Incidents, and Subjects of Natural History, and Devices for Entrapping Wild Animals. With Some Account of the Northern Fauna.
Les illustrations séparant les paragraphes sont issues de Lewis and Clark on the Lower Columbia peint en 1905 par Charles Marion Russell et Long Horned European Wild Ox peint autour de 1920 par Heinrich Harder.

Les Migrants










LES MIGRANTS / EPISODE 3 : GENS DE LA MONTAGNE.
Samedi 6 février 2016, de 14h00 à 16h30. Le clan du Lièvre-Tonnerre : Brindille-Sournois, Feu-Follet, Lynx-Hargneux et Ruuk.

Les Migrants sont arrivés aux portes de la montagne qui abrite, de ses escarpements massifs, le campement de nos héros. Seulement, ils n'ont pas l'air pressé. Au lieu de cela, ils prennent tranquillement un déjeuner de grillades odorantes à l'abri de leurs tentes.

Plusieurs membres de la tribu du Lièvre-Tonnerre défilent sur le promontoire pour apercevoir ces Migrants dont on dit tant de mal. A cette distance, pris dans le fumet de viande grillée, la communauté semble hospitalière.

La journée s'éternise. On dirait, à voir leurs déplacements, qui les Migrants chassent du petit gibier. Des lièvres peut-être !
Dans l'après-midi, Oie-Sauvage est aperçue en compagnie d'un homme, auquel elle semble indiquer des emplacements en pointant son bras vers le col.

Le soir finit par tomber et nos héros reviennent au campement.

Les Migrants veulent-ils s'emparer de la montagne à la faveur de la nuit ? Cela annulerait l'avantage lié à la position haute des défenseurs mais, en même temps, les assaillants risqueraient de s'égarer ou de se blesser dans le noir.

Nos héros veillent à ce que personne n'allume de feu dans leur nouveau campement, dissimulé près du sanctuaire et surplombé par une source clapotant, qui dévale les pentes rocheuses, se changeant dans son cours en une chute d'eau sonore. Les Lièvres-Tonnerre, les Révora et les Crovères laissent passer douloureusement la nuit, transis de froids malgré leur couverture.

Au matin, alors que Brindille-Sournois se rend au point d'observation, il aperçoit en contrebas des traces de passage dans une neige laissée intacte la veille. Il rejoint le défilé et détermine que les pas sont ceux de deux hommes revenus ensuite en arrière. Mais, au moment du retour, ils semblent s'être séparés, l'un revenant par le chemin de l'aller, l'autre escaladant la montagne. La reconstitution des faits conduit Brindille-Sournois sur la voie de son propre point d'observation. Il y parvient plus tard et remarque une lance fichée dans le sol à travers laquelle sont passés trois lièvres. Offrande, provocation ou réserve de nourriture destinée à une future intrusion ? Brindille-Sournois s'embusque.

C'est Feu-Follet et Ruuk qu'il surprend. Le premier avait promis de le remplacer au point d'observation après le zénith du soleil. Les arrivants lui apprennent que, avec l'aide de Lynx-Hargneux, ils ont remonté les pas des visiteurs jusqu'à leur ancien campement. Celui-ci semble avoir été retourné, en quête d'objets enterrés, ce qui est pratique courante lorsqu'on prévoie de regagner un refuge après une longue absence.

Tout signale la visite, pendant la nuit, de deux éclaireurs. Il est improbable qu'ils aient découvert la cachette montagneuse des clans réunis.
Du côté de la plaine, le camp des Migrants semble en effervescence. Une quinzaine de guerriers en sort. Ils portent des sortes de panneau en cuir qui cachent leurs figures et leurs torses. Puis c'est une sorte de créature gigantesque, ondulante comme un long-cou, qui s'extraie de la foule. Au centre de son corps, un petit monticule cornu fait penser à l'Homocéros assis et agrippé au dos de sa monture. Nos héros s'enfuient, pris de panique, abandonnant le point d'observation sur la plaine.

A leur campement, dissimulé par le toupet de la montagne, ils avertissent leurs aïeuls. Lynx-Hargneux prend position en altitude, pour surveiller le défilé. Deux heures plus tard, il entend des voix se répercuter dans le col. Ce sont les guerriers qui réitèrent la même question rituelle que celle jetée par leur écho : « Gens de la Montagne, avez-vous trouvé notre cadeau ? ».

N'ayant pas rencontré âme qui vive, la délégation des Migrants finit par se retirer.

Une nouvelle nuit passe.

Le lendemain, les Migrants s'engagent dans le défilé. Cette fois, ce n'est pas une ambassade guerrière suivie par un monstre féroce, mais c'est l'ensemble de leur groupe qui avance. La bête est encore là. Elle est suivie par un second groupe de guerriers, puis des jeunes femmes, dont le ventre replet et la main qui le couvre indique la venue prochaine d'un enfant. Un troisième groupe de guerriers ferme la marche. Nos héros n'ont jamais vu pareil rassemblement.
Les visages des guerriers disparaissent entre leur panneau de cuir et la capuche fourrée de leur habit. Brindille-Sournois, qui observe de haut, note chez eux la présence d'étranges ornements, des objets à la forme ronde ou ovale et marqués de sillons ou de circonvolutions. Nos héros ont déjà troqués ce type d'ornement avec les Revora : on appelle cela « coquillage », une variété de fleur minérale dont la corole prend une multitude d'aspects.

Le cortège finit par dépasser le coude du défilé où se trouvait l'ancien campement du clan du Lièvre-Tonnerre. Brindille-Sournois intime l'ordre à Pierre-de-Seuil, son jeune frère, et à Duvet-de-Chardon, qui sont avec lui, d'avertir leurs parents. Il descend ensuite de son promontoire et suit les Migrants dans leur avancée. Ces derniers s'éloignent sans se retourner. Brindille-Sournois, quant à lui, finit par faire demi-tour. Il rencontre Lynx-Hargneux qui était parti à sa recherche.

Les Migrants ont disparu. Ils ont continué leur inexplicable marche vers l'Ouest.
Sans doute les sauvegardes naturelles de la montagne, la façon imprécise dont ils localisaient leurs adversaires, les ont-ils fait renoncer à l'affrontement.

Le clan du Lièvre-Tonnerre a vécu un traumatisme et ne sera plus jamais le même. Les individus en âge de chasser y sont devenus une faction réduite à son minimum vital. Ils en prennent d'autant plus d'importance. Nos héros ont retenu de cette expérience que l'univers de glace autour d'eux n'est pas immuable. Des forces nouvelles peuvent en surgir, destructrices, envahissantes, utilisant des moyens de tuer inconnus jusqu'alors.
Nos héros se sont emparés d'une lance dont ils admirent la robustesse. Oublié dans le campement des Migrants, ils découvrent également un sachet de cuir contenant une pâte malléable. Réchauffée, elle devient modelable mais, en refroidissant, elle peut fixer entre elles deux pièces d'armes avec une cohésion certaine.

Nou préside à une réunion d'action de grâce au Lièvre-Tonnerre. La fuite annoncée par les augures a été l'instrument du salut et le sanctuaire s'est transformé en une forteresse inexpugnable. Les trois lièvres sacrifiés sont le signe que l'esprit animal s'est laissé meurtrir pour que les Migrants épargne ses fidèles, tel un lièvre qui croise la course d'un autre et devient la proie saisie par son prédateur.
Le chaman désigne Ruuk comme son héritière. Heureux-Hasard, qui convoitait peut-être ce titre, quitte à ce moment-là la cérémonie.

Les Mowans finissent par arriver, peu nombreux, mais armés et porteurs de nourriture qui aidera à passer l'hiver.


LES MIGRANTS / EPISODE 2 : LA HARDE DE L'HOMOCEROS.
Samedi 23 janvier 2016, de 14h00 à 20h00. Le clan du Lièvre-Tonnerre : Brindille-Sournois, Feu-Follet, Lynx-Hargneux et Ruuk.

Ayant placé sous leur protection Duvet-de-Chardon, et laissé la belle Papillon retourner auprès des siens, nos héros s'en retournent vers leur tente. Ils n'ont pas l'intention d'approcher plus près des Migrants. Les informations données par Papillon seront suffisantes pour qu'Oeil-de-Givre se fasse une idée de la situation. Alors que nos héros plient bagages et annoncent leur volonté de repartir chez eux, Duvet-de-Chardon les supplie de venir en aide aux membres les plus fragiles de son groupe. Ils n'ont pas été exterminés par les Migrants, ni incorporés, mais simplement laissés à l'abandon. Or, sachant les hommes-ours du clan des Crovères dans la même déveine, ils ont été les rejoindre dans une seconde grotte. Une dizaine de vieillards et d'enfants se trouvent là-bas.

Nos héros se laissent gagner par la pitié et prennent donc la direction du nord. Il leur faut traverser la grande plaine pendant deux jours. Arrivés à la montagne, ils ne sont pas longs à trouver l'entrée de la grotte. Elle est bien plus large mais aussi plus basse que la précédente. Un deux-jambes adulte ne peut y pénétrer qu'en s'accroupissant. A quelques mètres en avant, ils aperçoivent une vieille femme qui débarrasse les vestiges d'un repas. Ils la reconnaissent, c'est Duvet-Gracile, l'une des Revora, dont les cheveux, semblables par leur texture à ceux de Duvet-de-Chardon, ont pris la couleur de la roche grise.

« Hé là, mammy ! » commence Lynx-Hargneux.

Nos héros découvrent là les dépendants des deux familles, Crovère et Revora, qui sont ravis de recevoir la visite, présageant l'aide, de jeunes gens en plein possession de leurs moyens. E effet, nos héros organisent le paquetage de toutes les affaires que les Migrants n'ont pas cru bon d'emporter avec eux.

Ils s'orientent à présent vers l'est.

Le chemin de retour, toutefois, va s'avérer bien plus ardu que l'aller. D'abord, parce que c'est un chemin inconnu, qui passe au nord du trajet usité par nos héros. Ensuite, parce qu'il faut marcher moins vite, avec cette cohorte de personnes à charge dont l'allure est réduite. Du côté des Revora, il y a un vieillard (Heureux-Hasard), deux vieilles (Chardon-Gracile et Petites-Mains), deux garçonnets (Bâton-Ciel et Nuit-Nuit) et une fillette (Oui-Mais). Comme le patriarche décédé, Voit-dans-la-Nuit, ils sont tous censés avoir un lien fort avec le monde des esprits. Du côté des Crovère, c'est-à-dire des hommes-ours, se trouvent deux fillettes (Croane et Cromène) et deux garçonnets (Crilin et Crodo), aucun grand-parent n'ayant survécu.
Les deux groupes sont très unis par une amitié de longue date et ils partagent une foi commune en l'Etre des Profondeurs.

Nos héros récupèrent également dans la plaine un vieux compagnon de voyage : l'hyène des cavernes qui, affamée, a repris sa poursuite. Elle se contente de rôder autour du groupe à distance et ne guette les opportunités que de nuit. Suite à une tentative manquée, dont Lynx-Hargneux et Feu-Follet l'ont détournée, Brindille-Sournois installe systématiquement des pièges.

Le voyage à travers la grande plaine s'éternise et nos héros voient le temps s'allonger avec angoisse, alors que les vivres s'amenuisent. Finalement, il est décidé de Lynx-Hargneux et Feu-Follet s'éloigneraient pour chasser. Ils sont absents plus d'une journée et arrivent en retard au point de rendez-vous. Néanmoins, ils n'ont pas perdu leur temps, puisqu'ils ramènent une laie ainsi qu'un loup qui la dévorait. C'est aux frères-gris que nos héros ont en effet enlevés cette proie, qu'ils avaient en vain pistée pendant des heures.

Le soir-même, l'hyène fait un nouvel assaut mais se prend les pattes dans le piège de Brindille-Sournois. Elle est blessée mais sa force lui permet de s'en extraire et elle claudique au loin. Le lendemain matin, les traces de sang sont remontées. Lynx-Hargneux veut mettre fin à la persécution exercée par ce prédateur, qui compte sur la fatigue des deux-jambes pour leur voler un enfant. Il débusque l'hyène derrière un buisson, occupée à lécher sa jambe amputée. Brindille-Sournois et Feu-Follet lancent leurs sagaies, qui viennent se perdre dans la densité du buisson. Lynx-Hargneux ne veut pas que sa proie lui échappe, il bondit dans le fourré au mépris des épines et branchages, et va embrocher l'hyène avec son épieu de l'autre côté.

Nos héros ont atteint le bord d'un plateau qui, plus bas, est marqué par les montagnes du Trident alors qu'il l'est ici par une simple pente un peu raide. Ils abordent la seconde plaine mais, au lieu de trois jours à l'accoutumée, il leur faut cinq jours pour la traverser en intégrant la fatigue des dépendants et une journée de mauvais temps.

En deux heures de plus, ils ont retrouvé leur clan niché dans les contreforts de la montagne. Oeil-de-Givre et Nou sont là pour les accueillir. Ils ont été avertis par des enfants qui servent de sentinelles. Malgré la mauvaise surprise que cela représente, ils célèbrent aussi la venue d'onze nouvelles personnes, la plupart étant déjà connues puisque ce sont les Revora.
Une réunion dans la tente du chef souligne toute la gravité de la situation. Elle met aussi à jour la différence de logique entre Lynx-Hargneux, qui veut combattre, et les autres, qui privilégient la fuite. Il s'agit toutefois d'une fuite organisée et tempérée par de possibles coups de force. Oeil-de-Givre voudrait en effet qu'on arrache aux Migrants les personnes les plus aimés du clan du Lièvre-Tonnerre. Il y a déjà Oie-Sauvage, qui est biologiquement la fille du chef, même si elle a été échangée aux Revora contre une adolescente, Neige-Cendrée. Il y a aussi la jolie Papillon, qui ne peut qu'émouvoir le coeur des guerriers de tout âge par sa fraîche beauté.

Le soir, Nou consulte le Lièvre-Tonnerre et, sans surprise, sa parole reflète la pensée majoritaire du groupe : une fuite prudente et des actes de violence isolés sont préconisés.

Oeil-de-Givre envoie deux jeunes femmes du clan, Tasse-de-Flocons et Oiseau-Baie, prévenir les Mowan qui se trouvent à trois jours plus à l'est. Ruuk organise le déplacement de la population vers un étage supérieur de la montagne, une source d'eau encaissée et facile à défendre, où aurait disparu le Lièvre-Tonnerre lorsque le fondateur de la tribu le pourchassait. Brindille-Sournois part en éclaireur, pour évaluer l'avancée des Migrants. Lynx-Hargneux et Feu-Follet l'accompagneront pendant un moment, avant de se livrer seuls à leurs activités cynégétiques.

Ruuk a l'idée d'améliorer le couvert qu'offre la montagne en construisant de véritables fortifications. Elle fait rafler tout le bois des environs et élève, par-dessus des murets de pierre, des palissades. Un piège est élaboré avec un tronc d'arbre épais, suspendu avec de la corde.

Lynx-Hargneux et Feu-Follet ne dépistent aucun herbivore. Ils ont trop l'habitude la chasse dans cette partie-ci de la grande plaine et elle a fini par se vider. Le soir, ils partagent le feu de Brindille-Sournois.

Le lendemain, il a pris trop d'avance pour être rattrapé. Cette fois, il s'endort seul, recroquevillé au coin du feu, alors que ses deux proches montent la tente à quelques kilomètres de là. Feu-Follet est réveillé dans la nuit par l'impression d'un coup de tonnerre perçu par un trait lumineux derrière sa paupière. Lorsqu'il ouvre les yeux, il voit que le feu crépite et projette des étincelles à un mètre de lui. Il éteint une petite flamme qui a démarré sur son sac de cuir. Etait-ce une simple étincelle ou bien un message brûlant du Lièvre-Tonnerre ?
Brindille-Sournois se lève avec les premiers instants du jour. Loin derrière lui, le foyer de ses deux parents s'éteint. Plus inquiétant, il aperçoit aussi de la fumée à l'ouest. Il tente alors une brève incursion près de ce campement mais se fait repérer par les Migrants. Deux hommes le poursuivent jusqu'à en perdre haleine ; heureusement, sur terrain plat, il gagne presque toujours.

Brindille-Sournois se rend auprès des deux chasseurs, dont la fumée à l'est signale la présence. Il a pris soin de piquer d'abord vers le Sud pour égarer des pisteurs. Lynx-Hargneux sait qu'il faudra plus que cela. Alors que Brindille-Sournois courre avertir le clan, lui et Feu-Follet s'emploient à effacer leurs traces tout en marchant aussi vers l'est.

La vitesse de Brindille-Sournois l'amène à réduire à un jour et une demi-nuit la distance qu'il aurait dû parcourir en deux journées pleines. Sur le pourtour rocailleux de la montagne, il est coursé un instant par un solitaire, mais l'homme a encore assez d'énergie pour tenir et l'ours géant se décourage après une accélération.

Arrivé à l'ancien site du clan, entièrement déménagé, notre éclaireur retrouve Ruuk et s'émerveille de voir comme les travaux ont bien avancé.

Lynx-Hargneux et Feu-Follet n'arrivent que le lendemain en fin de journée. Alors que Brindille-Sournois se porte à leur rencontre, il note qu'un animal s'agite dans la fosse qu'il destinait à l'ours. Un sanglier s'y est laissé tomber et se débat contre les pointes de bois qui le transpercent avant d'expirer. Nos héros descendent alors dans la fosse, bénissant le Lièvre-Tonnerre qui salue par cette offrande leur retour. Brindille-Sournois préfère rester à l'extérieur pour veiller sur les armes. Le sanglier, dont le sang n'a même pas fini de circuler, est bien coriace à désosser au biface. Sa colonne vertébrale a la dureté du vieux bois tout en conservant la souplesse d'une jeune pousse.

Un terrible vrombissement fait sursauter Brindille-Sournois. Relevant la tête, il tombe nez-à-nez avec le solitaire qui se penche, excité par l'odeur du sang. Brindille-Sournois se met alors à courir pour échapper au coup de pattes de l'ours déchaîné. Il tourne autour de la fosse car il sait qu'elle sera le seul moyen de mettre à bas un tel énergumène. Lynx-Hargneux se hisse à la corde laissée ballante et saisit son épieu. Il attend le moment propice puis se jette sur l'ours de toutes ses forces. La pointe en pierre pénètre le cuir épais et fait basculer le monstre d'une demi-tonne. L'homme lâche son épieu qui est emporté et se brise dans la chute. Le solitaire relève la tête, groggy, pour être aussitôt lardé d'autres pointes.

Nos héros décident de remonter jusqu'à leur nouveau repère et la dépouille du sanglier, et celle de l'ours. Il faut pour cela opérer un véritable dépeçage sur place. C'est Lynx-Hargneux qui est le maître d'ouvre, à la lumière des torches des enfants, postés aux quatre coins de la fosse.

Le lendemain matin, il hérite d'un début de mal de gorge.

Nos héros s'emploient à effacer leurs dernières traces mais, cette fois, les coulées de sang les trahissent horriblement. Elles mènent droit jusqu'à leur forteresse naturelle.

Les Migrants se présentent pour déjeuner à quelques pas du contrefort. Ils ont en leur centre un épieu gigantesque, avec un étendard flottant fait en lanières de cuir enroulées et en fourrure de frère-gris. Ils ne semblent pas presser d'explorer les environs. Au lieu de cela, ils installent leurs tentes et mettent à cuir des morceaux de viande. Brindille-Sournois, qui les observe, cherche en vain les liens de leurs prisonniers. Marchant librement aux abords de leur campement, il repère Oie-Sauvage, qui doit bien se souvenir des lieux.


LES MIGRANTS / EPISODE 1 : LE CULTE DE L'HOMOCEROS.
Dimanche 22 novembre 2015, de 14h00 à 21h00. Le clan du Lièvre-Tonnerre : Brindille-Sournois, Feu-Follet, Lynx-Hargneux et Ruuk.

L'Age glaciaire.

Dans une Europe peinant sous le poids des glaces, sillonnée par des vents qui soulèvent la neige en d'impénétrables blizzards, les ressources sont précieuses. Les nouveaux arrivants sont rarement les bienvenus. Ils sont des bouches de plus à nourrir ou, pire, des concurrents dans l'exploitation d'un environnement parcimonieux.

Nos héros sont des chasseurs et sur leur habileté repose la survie du clan du Lièvre-Tonnerre. Il y a Oeil-de-Givre, le vieux chef borgne, et son frère Nou, qui parle aux esprits. Il y a trois vieilles femmes, qui sont devenues les femmes d'Oeil-de-Givre et les mères de nos héros. Le clan compte aussi cinq jeunes femmes, deux adolescents et quatre enfants, qui sont les descendants d'Oeil-de-Givre et de deux de ses frères d'armes, aujourd'hui décédés.

Un drame se produit. Nos héros rentrent au campement et découvrent leurs parents en pleurs. Ils apprennent qu'un solitaire, énorme ours des cavernes, s'est attaqué aux tentes qui contenaient les rations stockées pour l'hiver. Il a dévoré sur place une partie de la viande séchée puis s'en est allé avec, dans sa gueule, un sac qui contenait d'autres provisions. Brindille-Sournois, qui est un brave, parle de retrouver le solitaire, de lui faire cracher son butin et de l'envoyer rejoindre la Contrée du Silence. Oeil-de-Givre s'y oppose et préfère s'en remettre à la charité des deux clans amis, les Revora et les Mowan. Mais les chasseurs insistent et le vieux chef usé ne tarde pas à leur céder.
Nos héros se mettent en quête du solitaire. Ils longent la montagne du Lièvre-Tonnerre et, derrière un gros rocher, finissent par tomber sur un ourson de belle taille. C'est le rejeton d'un ours des cavernes. A trois, ils en viennent à bout et ramènent au village une partie de ce qui a été volé.

Le lendemain, ils prennent la direction de l'ouest. Ils ignorent l'emplacement exact du clan Revora mais sont à la recherche de trois petits monts pointus, qui forment un trident. Ils doivent pour l'attendre traverser une plaine balayée par le vent. C'est le début de l'hiver et chaque rafale ajoute à la rigueur du froid. Par moment, la neige vole en tout en sens, et être à contrevent est si douloureux pour les yeux qui faut les clore en marchant. Heureusement, Brindille-Sournois connaît l'art d'élever des tentes solides.

Nos héros parviennent aux montagnes du Trident. Ils croient se rappeler que celle du milieu abrite le clan des Revora. Chemin faisant, ils trouvent la forme d'une main peinte sur la roche. C'est sans doute signe d'occupation. Tout d'abord, l'ascension est facilitée par des pierres qui semblent aménagées en escalier. Puis, nos héros arrivent à un pallier où ils espèrent repérer l'entrée d'une grotte. Il n'y en a pas mais la pente est jonchée de rares os rongés. Ils comprennent qu'il s'agit de détritus qui ont été jetés ou emportés par le vent, depuis un point situé plus haut. Ils reprennent leur escalade. Cette fois, elle s'avère dangereuse car le terrain est lisse et verglacé. A force de poser leurs mains sur la terre gelée, le froid finit par les contaminer et engourdir leurs membres. Enfin, nos héros parviennent à un nouveau pallier et découvrent une grotte. Une corde faite d'herbes entrelacées, serrées par des cheveux, est enroulée autour d'un rocher. Il y a à l'entrée de la grotte une petite cuvette plus ou moins naturelle, au fond de laquelle s'amoncellent des galets. Probablement, ces derniers étaient chauffés puis jetés dans l'eau pour cuir les aliments sans les griller.

A l'intérieur, nos héros décèlent des traces de mouvement. Ils notent qu'un homme a été traîné sur le sol et qu'il a laissé derrière lui une traînée de sang. Au fond de la grotte, le plafond s'abaisse et il est impossible pour des deux-jambes d'avancer. Il faut alors ramper comme un long-cou et c'est d'abord Lynx-Hargneux qui s'y essaye. Sous la voûte, il trouve un coquillage très large. Ca ne l'étonne pas car les Revora étaient friands de ce genre d'objets, qu'ils se procuraient via des clans plus à l'ouest. Plus loin, sa torche s'éteint car il doit sans arrêt la déposer sur le sol humide pour se tirer avec les bras. Continuant à avancer dans le noir, il y a un précipice. Lynx-Hargneux le remarque trop tard, il tente de se rattraper, puis tombe dans un cri. La douleur est fulgurante. Sa jambe droite lui est entrée dans l'aine. Il ne voit rien mais l'écho de sa voix lui indique qu'il se trouve dans une grande salle souterraine.
Ruuk et Brindille-Sournois ont entendus ses appels et s'empressent de le rejoindre. Eux aussi doivent se tortiller comme des long-cous et, quand ils mettent de côté leurs torches, elles s'éteignent également. Ils progressent malgré tout. Au bord du précipice, ils parviennent à rallumer leurs torches. Ruuk descend à l'aide de la corde et porte secours à son ami. D'autres coquillages au sol, maculés de graisse et contenant une mèche de lichen, révèlent leur usage : ce sont des lampes portatives mais qu'il est possible de déposer.
Sur la paroi de la salle, nos héros aperçoivent une scène fraîchement peinte. Un personnage avec des cornes de cerf en dominent d'autres. Les figurants dominés sont debout, le visage tourné vers l'Homocéros. Ils sont représentés en croix, jambes écartées et bras levés. Un seul d'entre eux, directement placé sous le personnage principal, est comme étendu, car figuré à l'horizontal bien qu'aussi en croix.
Nos héros remontent jusqu'à l'entrée de la grotte. Pour la première fois, ils passent une nuit vraiment reposante, à l'abri sous la roche, et en même temps serrés autour de la chaleur d'un foyer. Brindille-Sournois raconte qu'au loin, dans la plaine, il a aperçu un étrange cercle en pointillés dans la neige. A l'en croire, il serait d'un diamètre de 20 à 30 mètres. La nuit venue, le cercle réapparaît. Cette fois, il est souligné par des flammes. Nos héros n'ont jamais vu pareil construction de feu.
La journée suivante, ils se reposent, surtout pour Lynx-Hargneux, mais ils ne manquent pas d'observer le cercle de loin. Une nuit passe encore, mais le spectacle pyrotechnique ne se reproduit pas.

La mission originelle de nos héros étaient de rejoindre le clan des Revora et de leur demander à profiter de leurs réserves de nourriture. Ils lient à présent ce cercle de feu à leur disparition, qui semble avoir été organisée puisque la grotte est vide, à l'exception des lampes coquillages qu'on a laissé sur le parcours vers l'autel souterrain. Cette disparition est inquiétante. Nos héros savaient des Revora qu'ils vénéraient une divinité des profondeurs. Cette divinité leur avait été révélée par des hommes-ours voisins, eux aussi habitant une grotte. Mais l'Homoceros ne peut être une divinité des profondeurs. C'est un géant des plaines et des zones boisées. Les traces de sang, l'apparition soudaine de cet esprit cornu (le précédent dessin pariétal a été gratté), l'abandon de la grotte sont des signes néfastes.

Nos héros finissent par quitter la grotte et traversent les plaines. Au loin, ils aperçoivent une harde de mammifères qui s'ébat. Avant que le cercle lointain ne soit trop proche, ils plantent à nouveau leur tente. Une tempête de neige se lève alors qu'ils dorment. Ils reçoivent la visite d'un prédateur, une hyène des cavernes qui se rapproche doucement de leur campement dans la folle course des éléments. Mais l'animosité des hommes-longs la fait fuir et elle disparaît dans le blizzard. Nos héros perdent une journée complète à attendre que le ciel se calme.
Le surlendemain, un ciel serein et lumineux contraste avec le déchaînement qui l'a précédé. La petite troupe de chasseurs se rend alors au niveau du cercle. Elle découvre des fosses peu profondes creusées dans le sol et noircies. Dans les cendres se cachent neuf cadavres brûlés, tous étant masculins, deux appartenant sans doute au peuple des hommes-ours. Lynx-Hargneux fait remarquer que ces corps ont souffert de blessures. Ils sont tous morts dans un accès de violence.

Il faut en savoir plus ! Nos héros ont trouvé les traces de nombreux pas qui s'éloignent du cercle et encore plus à l'intérieur où une danse rituelle a été pratiquée. Ils ne remontent pas le cours de ces pas mais préfèrent les contourner. La plaine est jouxtée, plus à l'ouest, par une petite montagne. Nos héros la rejoignent par le flanc et, derrière ses rochers, installent une nouvelle fois leur tente.
Le lendemain matin, ils s'aventurent de l'autre côté de la montagne. Ils craignent ce qu'ils vont trouver chez ses individus, révérant un cercle de feu et y consumant des cadavres, qui sont plus nombreux qu'ils n'ont jamais vu d'hommes.
Tous parmi nos héros ne sont pas aussi fin chasseurs. Malgré leur ruse, ils tombent nez-à-nez avec une jeune femme. Ils la reconnaissent : c'est Papillon, la plus jolie fille du clan Revora ! Papillon est encore plus surprise qu'eux. Elle leur apprend que les « Migrants » ont absorbé son clan, avec une impitoyable brutalité. Deux guerriers du clan sont revenus un jour à la grotte avec le chef, Voit-dans-la-Nuit, dans un triste état. Ils venaient de perdre trois de leurs. Peu après, les Migrants sont venus. C'était une petite délégation d'une dizaine d'hommes. Ils ont pénétré dans la grotte à la recherche de Voit-dans-la-Nuit. Le voyant à l'agonie, ils ont imposé qu'une supplique soit faite à l'Homoceros. Les Revora auraient préféré faire appel à l'Esprit des Profondeurs mais les Migrants ne voulaient pas en entendre parler. Ils disaient que cet esprit ne valait rien. Alors, la paroi votive a été grattée et repeinte à la hâte. Malgré les prières de ses parents, Voit-dans-la-Nuit s'est tu. Il a rejoint la Contrée du Silence parce que l'Homoceros, explique Papillon, est un faux dieu. Les hommes du clan Revora ont alors dit qu'il fallait rejoindre les Migrants, que c'était plus sage que de combattre et d'être asservis.

Les Migrants viennent de l'Ouest. A l'origine, on les appelait « le Gang des Célibataires », une trentaine d'hommes jeunes, entraînés à tuer. Dans leur migration, ils ont capté d'autres clans, ceux-ci familiaux, jusqu'à atteindre une centaine de personnes. Si les clans s'opposent, les hommes sont battus. Ensuite, les Migrants absorbent des familles entières, mais ils laissent derrière eux, sans égards, les plus faibles, trop vieux ou trop jeunes. On ne sait ni pourquoi ils marchent vers l'Est ni où ils s'arrêteront. Ils vénèrent un dieu à tête de cerf qui s'appelle l'Homoceros. Le cercle de feu le représente. « Pourtant, fait remarquer Brindille-Sournois, les cornes ne sont pas vraiment circulaires. »

Nos héros sont désemparés. Ils ne peuvent aider les Revora et Papillon ne laissera pas seuls ses parents. Elle confie aux bons soins des chasseurs sa jeune soeur, Duvet-de-Chardon, qu'ils acceptent d'emmener avec eux.







Crédits jeu:
La mini-campagne CPM / Le Repentir de Marienburg est une série en deux épisodes jouée avec les règles de All Flesh Must Be Eaten, éditées par Eden Studios. Elle s'inscrit dans le cadre plus vaste des "Contes pour les Morts", récits merveilleux et apocalyptiques, campés chacun dans un décor différent, que ce soit d'époque, de lieu ou même d'univers.


Crédits décor:
Les oeuvres suivantes, relevant du domaine public, sont entrées dans la composition de cette section:
Une lithographie centrée sur la forteresse de Marienburg, côté sud-ouest, réalisée entre 1890 et 1905. La ville porte aujourd'hui le nom de Malbork et se situe en Pologne.


CONTE POUR LES MORTS 1: LE REPENTIR DE MARIENBURG



LE REPENTIR DE MARIENBURG / EPISODE 2 : L'APOCALYPSE PAÏENNE.
Samedi 3 octobre 2015, de 14h30 à 21h15. Au service de Dieu : les frères électeurs Harold, Siegfried, Sigismond et Urs.

Sigismond et les autres chevaliers s'emploient à faire descendre le mort-vivant qui escalade l'abbatiale. Ayant chuté, il est aussitôt plaqué au sol et Sigismond commence l'interrogatoire. Mais le forcené ne peut que grogner, baver et se démener. Il ne prononce aucune parole intelligible comme s'il avait perdu l'emploi de sa langue et de sa gorge. C'est une offense pour Sigismond qui, afin de l'encourager, lui brise la jambe d'un coup de masse.

A l'intérieur de l'abbatiale, les autres frères tergiversent sur ce qu'il faut faire. Harold choisit d'y rester et s'y barricade en fermant la porte qui donne sur l'arrière-cour. Siegfried et Urs bondissent à l'extérieur pour suivre les huit Maudits qu'ils viennent de voir détaler. Ils se rendent compte que la poterne est ouverte. Les morts l'ont vraisemblablement emprunté pour sortir. Comme ils ne reparaissent nulle part, les chevaliers abandonnent leur poste. C'est à ce moment qu'on vient frapper à la poterne :

« Frères, frères, ouvrez nous ! Frères, si vous ne le faites pour nous, faites le pour l'amour de Dieu ! »

Siegfried ne peut refuser d'aider son prochain. Il laisse les malheureux entrer mais, de chacun exige qu'il clame son prénom, car les Maudits ne semblent pas pouvoir articuler. Vingt-et-un villageois passent de cette manière pour trouver refuge derrière les murailles.

Sigismond a envoyé chercher le nouveau Hochmeister, Konrad von Maugerstauer, personnage réputé belliqueux et intransigeant. Le Maître de l'Ordre découvre les combats qui ont eu lieu pour l'abbatiale et félicite les frères-chevaliers, sans y reconnaître les frères électeurs. Au milieu de son discours, un bruit d'impact fait sursauter tout le monde. Un corps a été balancé du haut du premier étage du donjon. C'est celui d'un Maudit. A la fenêtre se présente Klaus von Haggstadt, le frère alsacien. Avec le frère comtois et deux frères laïcs, ils ont arrêté une percée des mort-vivants dans les couloirs.

Harold pense que Riko, le serviteur retardé, peut fournir des explications quant à ce qui est en train de se passer. Il entraîne quasiment tout le monde avec lui. Arrivé le premier, il commence son interrogatoire, mais la mère de Riko profite de son inattention et lui écrase une caisse sur le dos. Riko en profite pour s'enfuir. Filant à travers le couloir, il tombe sur frère Sigismond, l'homme qui lui a déjà brisé un bras. Préférant le risque à la vue de son tourmenteur, il saute par une fenêtre jusque dans la cour et se reçoit parfaitement. Sigismond n'est pas en reste. Ayant confié son bouclier à l'écuyer Fritz, il bondit à son tour et atterrit de même. Sa course est plus rapide et il stoppe l'élan de Riko en balayant ses jambes d'un coup de masse. Le serviteur est terrassé. Il se roule sur le sol, hurle de souffrance se tenant la jambe.

A l'étage, les frères Siegfried et Urs s'interrogent sur la présence de mort-vivants dans le couloir. Ils ont apparemment cherché à pénétrer dans une chambre vide, puisque c'était celle de l'ancien Hochmeister. Seules deux personnes en possèdent la clé et Riko, serviteur favori, est l'une d'elles. C'est à ce moment qu'ils l'entendent gémir dans la cour. Seulement, aucune clé de son trousseau ne permet d'ouvrir la porte. La solution de l'énigme est simple : si les mort-vivants croyaient pouvoir entrer c'est que Riko, d'une façon ou d'une autre, leur a transmis la clé avant. Les frères-chevaliers ne se laissent pas arrêter pour si peu et entament la porte épaisse à coup de haches.
Ils finissent par la disloquer. La chambre du Hochmeister n'a rien de luxueux. C'est une cellule monastique avec un lit amélioré, parce que le vieillard souffrait de rhumatismes. Nos héros restent interdits devant une représentation du Christ, en reliefs sur bois, accrochée au mur au-dessus de deux bougies allumées. Ses joues semblent ornées de larmes. Frère Harold, qui est le théologien de la bande, ne peut que reconnaître le miracle. Voulant ôter le tableau qui n'est plus défendu par aucune porte, il met à jour une sorte d'interstice entre les briques du mur. Il y a assez d'espace pour enfiler la main et Siegfried déclenche un mécanisme. Une partie du mur bascule et donne sur un escalier en colimaçon. Nos héros ont mis à jour un passage secret !

Descendant les marches en s'éclairant par des torches ou des bougies, ils parviennent dans une salle confinée, voûtée, quadrillée de colonnes. Là, ils aperçoivent d'abord une cage circulaire, remplie d'ossements qui en débordent. Il y a aussi des étagères avec plusieurs objets de prix. Au sol, des coffres. Enfin, au centre de la pièce, un petit bureau et un siège pour s'asseoir signalent le lieu de travail du Hochmeister. Nos héros s'émerveillent devant ce qui a été stocké ici : encensoirs, gobelets, bijoux, pièces diverses (notamment des besants d'or byzantins), livres anciens. Ce trésor il est, pour bonne partie, la somme de ce que les chevaliers teutoniques ont ramené de Terre Sainte dans leur exil. Venu aussi de loin, nos héros mettent la main sur un papyrus. En le dépliant, Siegfried en fait tomber un petit scarabée en lapis-lazuli, qui pourrait être un sceau d'après sa forme plate et allongée.
La trouvaille qui est peut-être la plus intéressante est celle d'un bouquet de roses parfaitement conservées. Nul n'ignore dans cette pièce que les roses sont les attributs de sainte Elisabeth, la figure tutélaire de l'Ordre. D'après la légende, elle avait, un jour, dissimulé du pain dans son manteau pour en faire don aux pauvres. Son mari la surprenant, elle prétendit cacher des roses, avant, repentie, de lui dire la vérité. Son mari releva le manteau. Sous son pan, il n'aurait alors trouvé qu'un bouquet de roses. Ces roses peuvent-elles être celles du miracle ?

Si les trois frères, Urs, Harold et Siegfried sont tout à leur inspiration divine, Sigismond, quant à lui, n'en a pas fini avec son coupable. Il traîne le serviteur par sa jambe valide à travers la cour du château. Deux chevaliers finissent par l'arrêter et le supplier, pour l'amour de Dieu, de relâcher ce misérable. Siegfried tente de les convaincre puis de les intimider. Si cela fonctionne en partie, les deux frères ne le lâchent plus d'une semelle. Ils soulèvent le dos du pauvre Riko pour lui épargner d'inutiles souffrances. Arrivé en haut d'une tour, Sigismond dresse le corps martyrisé du serviteur et en appel à la sorcière : qu'elle vienne le chercher si elle veut le secourir ! Aucune réponse ne lui parvient. Craignant qu'il ne se débarrasse à présent de son fardeau, les deux frères lui emboîtent le pas jusqu'à ce que Riko ait retrouvé son cellier.


*************

Le jour se lève. Les laudes se mettent à sonner.

Nos héros descendent l'arme à la main jusqu'à l'abbatiale car, pour ce qu'ils en savent, l'église servait surtout de lieu de repos aux réfugiés. Mais c'est Konrad von Maugerstauer, le nouveau Hochmeister, qui a fait donner les cloches pour réunir tout le monde. La foule est dense : il y a près de sept cents civils et trois cents habitants du château : frères-chevaliers, frères-prêtres et frères-laïcs (ou Halbrüder), c'est-à-dire des gens de maison soumis à la règle de l'Ordre.

Konrad commence par faire valoir sa nomination aux fonctions de Hochmeister. Il déplore les dégâts considérables qui ont frappés la ville et ses habitants mais, avec le lever du jour, les sentinelles ont pu noter que tous les mort-vivants désertaient tous les quartiers.
Konrad charge les frères-chevaliers d'arpenter la ville en quête de survivants ou d'ennemis terrés. Il annonce également que les frères électeurs seront chargés de mener une enquête sur les origines maléfiques de cette invasion.

Plus tard, lors d'une réunion privée, Konrad s'explique. Les frères électeurs ont déjà commencé à enquêter sur la mort d'Egon von Klump. Konrad est raisonnable mais c'est aussi un mystique : si les frères électeurs représentent les douze apôtres, alors celui qui se suicide a trahi les siens, comme Judas en son temps. Cette déclaration qui pourrait paraître offensante pour le défunt von Klump repose aussi sur un vieil antagonisme. Konrad von Maugerstauer, Landmeister de Livonie, a eu à connaître du comportement ignominieux de von Klump, lorsqu'il servait dans la croisade. C'est lui, en personne, qui l'a dégradé et tenu éloigné à jamais des champs de bataille. Il sait donc à qui il avait affaire. Il ne peut expliquer qu'un tel homme, son passé étant connu, soit devenu frère électeur.

Pour Konrad, il y a bien complot et sorcellerie, mais pas une apocalypse live inévitable :
« Cette prophétie est une invention récente des rebelles livoniens.
Elle parle de quatre manière de mourir : par le poison, par la corde, par l'eau et par le feu. C'est un vulgaire plagiat des quatre cavaliers de l'Apocalypse qui avaient fortement marqués les convertis : la conquête, la guerre, la famine et la mort.
Cette prophétie n'est rien de plus qu'une incitation à procéder par assassinats contre le fidèle chrétien car aucune de ses morts n'a les honneurs d'un combat loyal. »

Après cette réunion, nos héros retrouvent Liesel von Mokte, la mère du Wahlkomtur. Elle raconte à nos héros que c'est suite à une rencontre avec von Klump que son fils a commencé à faire des cauchemars. Cette rencontre avait pris la forme d'une confession et Erhard, retenu par le devoir de silence, aurait été consumé par son secret. Même von Klump avait déclaré n'avoir pas la dignité d'un électeur et avait prié le Grosskomtur, personnage le plus élevé en l'absence d'un Hochmeister, de le destituer.

Fort de cette confidence, Harold oblige le Wahlkomtur, Erhard, à l'accompagner pour un nouvel interrogatoire de Riko.
Erhard von Mokte est perturbé. Malgré la gravité de la situation, il n'a pas l'intention de révéler ce qu'il a entendu sous le sceau de la confession. Au lieu de parler de von Klump, il disserte alors sur von Gott, l'ancien Hochmeister. Celui-ci avait accueilli au château de nombreuses personnes qu'ils considéraient comme des victimes de la croisade. Il s'agissait avant tout d'orphelins. La règle monastique l'avait empêché d'accueillir des veuves et des orphelines bien que, on ne sait pourquoi, il ait aussi accueilli la vieille von Mokte. Riko faisait partie de ces enfants devenus, par une forme de repentir de l'Ordre, des frères-laïcs alors qu'ils étaient de la famille d'anciens rebelles livoniens. Von Mokte se met à évoquer une bande de frères-chevaliers, qu'on appelait les « Coupeurs de Langues », et qui tranchaient les langues des femmes livoniennes après les avoir violées.
Harold croit comprendre que Riko est le fils de von Klump. Le Wahlkomtur le corrige : son père était un forgeron de passage. Non, la personne que le Hochmeister voulait protéger à travers lui, c'était sa sour, Loka, la sorcière.
Nos héros sont enfin capables d'établir un lien entre le Hochmeister et la sorcière. Quant à Riko, von Mokte précise qu'il n'a joué que le rôle de messager à sa connaissance. Il a utilisé le scriptorium pour rédiger des « tracts », lus par des agitateurs à la population, et décrivant un prétendu apocalypse libérateur. Il a aussi remis la clé, de la chambre de von Gott, à des personnes peu recommandables après sa mort.

Pendant qu'Harold recueille (finalement !) le témoignage de von Mokte, Siegfried et Urs sont en prises avec deux cadavres. Il s'agit des frères électeurs, Egon von Klump et Hanke van Plitz, qui ont été découverts, bien réveillés, dans la chambre mortuaire où ils avaient été entreposés. Siegfried et Urs forment un couloir humain depuis la chambre mortuaire jusqu'à la herse château qui a été levée. Egon est le premier à s'y engouffrer. Il paraît maladroit et aveuglé par le soleil. Il est aussitôt estourbi par les frères-chevaliers. Hanke s'élance à son tour et l'objectif est bien de le laisser quitter l'enceinte. Il faut que sa fuite conduise nos héros jusqu'au repaire des Maudits. Hanke, de son vivant déjà, était obèse et ne pouvait courir que sur de courtes distances. Cette fois, le soleil aidant, il est forcé de faire des pauses dans des coins d'ombre. Il faut que des spectateurs lui jettent des pierres pour le motiver. Parvenu à l'extérieur, il se cache dans la première maison venue. Déçus, nos héros bâclent son exécution et vont faire une sieste, puisque la nuit a été rude.

Harold aussi est parti se coucher.


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Malgré sa nuit agitée, Sigismond n'a pas voulu prendre de repos. Son écuyer Fritz est aussi de corvée. Sigismond retourne questionner Riko mais, sous la surveillance constante d'un frère-laïc, il ne peut utiliser son habituel procédé. Après cette rencontre infructueuse, il veut retourner dans la maison de la sorcière. Il n'y fait aucune découverte, si ce n'est que quelqu'un est passé récupérer son matériel ésotérique.

C'est alors qu'il décide de partir seul. La forêt lui paraît trop lointaine. Les Maudits sont handicapés par les rayons du soleil mais ils n'ont disparu qu'au petit jour donc ils n'ont pu aller très loin. Il existe quelques bois et le plus proche est surnommé « Bois des Lépreux » parce que l'hôpital Sainte-Elisabeth y a été inauguré. Il s'agit de trois bâtiments. Le premier est très grand et se découpe en deux parties. Il permet d'accueillir 150 lépreux dans un état modéré et 50 autres dans un véritable mouroir où ils ne sont plus en contact avec personnes, pas même les soignants. Les deux autres bâtiments lui font face. Le premier est une réserve de nourriture. Le second a une fonction polyvalente : buanderie, rangements d'outils médicaux, etc.
Sous un soleil violent, atténué par la fraîcheur de l'hiver, Sigismond s'avance donc dans le défilé. Fritz est resté en arrière avec les chevaux. Les lieux semblent déserts. Soudain, une tête apparaît à la fenêtre. Puis c'est un pied que l'on voit passer la porte. Une vingtaine de Maudits est venue observer, bien à l'abri du soleil, sous le couvert du toit.

Sigismond commence à reculer.

Les Maudits se mettent à courir dans sa direction.

Aveuglés par la luminosité, propulsés par des mouvements de jambes désordonnés, ils sont pourtant nombreux et armés. Sigismond détale mais les événements de la nuit pèsent sur ses jambes. Une main se pose sur son épaule, à laquelle il s'arrache aussitôt. Il doit faire un nouvel effort car Fritz a pris peur et a reculé avec les chevaux. Soudain, on le saisit par la ceinture du tabard. Il se retourne et frappe ! Sigismond hurle à Fritz qu'il aille prévenir ses frères. En même temps, il fait feu de tout-bois, cogne de son bouclier, donne des coups de pieds et écrase des visages à coup de masse. Les Maudits se pressent autour de lui, grimaçant, grognant. Ils tentent de passer des points de fer à travers travail sa cotte de maille. Sigismond, saigné de tous côtés, finit par s'effondrer dans les glapissements de triomphe de ses adversaires.


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Il est midi. Harold, Urs et Siegfried, qui venaient de se lever, sont tirés de leur chambre par les cris de Fritz. L'écuyer crie au désespoir pour son maître disparu. Un bizarre écho, jouissif, provient du cellier où Riko apprend la mort de son tortionnaire.
Nos héros proposent au Hochmeister d'organiser une expédition punitive à l'hôpital. Celui-ci, qui préparait la défense du château en vue de la nuit prochaine, accepte de leur allouer soixante-dix frères-chevaliers. C'est la moitié de l'effectif des Ritterbrüder. Officiellement, c'est le Marschall qui prendra la tête du détachement.
Pendant ce temps, Harold est retournée dans la salle au trésor du Hochmeister. Il rassemble les ossements sous la cage de fer parce que, d'après von Mokte, il s'agit là des restes d'une créature maléfique de la foi livonienne. Le nouveau Hochmeister le dissuade de les utiliser, même si c'est pour attirer les Maudits dans un piège. Harold retourne donc dans la salle et, cette fois, jette son dévolu sur les roses de sainte Elisabeth. Il retire une du bouquet et, aussitôt, elle se change en épée à la garde sertie d'améthystes.
Confiant que Dieu a béni cette opération, il distribue des roses à ses alliés. En fait, les roses prises ne viennent pas en déduction du bouquet, les épées se multiplient à l'envi.

Peu après, la cavalerie se met en marche.

Il ne lui faut pas longtemps pour arriver face aux bâtiments de l'hôpital. Une petite escouade de huit personnes, hérissée de flèches enflammées, tente d'en déloger les occupants. C'est un échec la première fois : le feu ne prend pas. A la seconde tentative, le toit du dortoir s'enflamme. Les Maudits finissent par en sortir. Ils sont visiblement mal à l'aise en plein jour, mais décidés à en découdre. C'est à ce moment que le gros des chevaliers teutoniques, qui était resté en attente, donne la charge. Les têtes et les mains volent mais, rapidement, les assaillants s'aperçoivent qu'il suffit de toucher les morts de leur épée rougeoyante pour leur renvoyer ad Patres.
Les huit hommes de l'avant-garde, qui s'était écartés pour ne pas gêner la charge, s'aperçoivent que certains Maudits tentent de s'échapper par l'arrière du dortoir, qui débouche sur un petit bois. Parmi eux, ils repèrent leur frère Sigismond, qui serre une boîte dorée entre ses bras, le reliquaire de sainte Elisabeth !

Les huit lui donnent alors la chasse. Harold, qui n'était pas parmi ceux-là, a remarqué leur départ du coin de l'oeil. Comme il y avait parmi eux le Marschall, mais aussi Siegfried et Urs, il considère de son devoir de guider le reste de la troupe. Aussi reste-t-il au niveau de l'hôpital pour s'assurer de l'extermination des Maudits.

Siegfried et Urs cherchent à atteindre Sigismond mais plusieurs rangs de Maudits s'interposent. Afin de ne pas en laisser derrière eux qui pourraient nuire, ils s'attachent à s'en débarrasser un à un. Les combats se déplacent dans le bois. Les morts sont bientôt détruits mais Sigismond, lui, a réussi à s'échapper.


*************

Harold finit par rejoindre le bois mais il n'y croise pas Siegfried et Urs. Près d'une mare insalubre, il trouve la maison de la sorcière. Elle est vide mais les traces d'un rituel y sont décelables. Cette fois, le rituel a été accompli, il n'est plus à l'état de brouillon comme il était dans la maison de Marienburg. Harold comprend que, dans ce rituel, la stabilité des âmes maudites est liée à la première d'entre elles : celle qui possède le corps du Hochmeister. Si cette âme puissante lui était arrachée, alors les autres ne pourraient se maintenir sur Terre et seraient renvoyées en Enfer, ce qui est leur véritable place.

De leur côté, Siegfried et Urs finissent par quitter le bois. Ils parviennent dans la campagne habitée. Le soleil est bas sur l'horizon. La nuit va tomber et les Maudits retrouveront toutes leurs capacités. Au loin, les frères-chevaliers devinent des maisonnettes séparées par quelques dizaines de mètres de distance. Ils arrivent face à la première qui s'avère entièrement silencieuse. Cette fois-ci, les chevaliers ne sont plus que deux, auxquels s'ajoute un écuyer, Berthold. Il leur faut donc agir prudemment. Comme Berthold est le porteur de torche, ils enflamment à nouveau leurs flèches et tirent sur le toit de chaume.
Des Maudits sortent de la maison, armés d'épées et de fourches, avec la ferme intention de la défendre. Nos héros chargent et échappent de peu au fer des fourches avant de s'en aller. Les Maudits sont encore aveuglés et nos héros comprennent que le véritable danger, ce n'est pas la façon dont leurs ennemis manient la fourche mais dont eux se positionnent avant d'accélérer. En effet, si la charge est suffisamment violente et sa courbe précise, la cible ne peut pas riposter ni ses acolytes s'approcher.
Dès la deuxième charge, Siegfried remarque que l'un des Maudits, sous un froc de moine, est en fait le Hochmeister. Chaque nouvel assaut permet de jeter à terre des mort-vivants mais, lorsqu'ils doutent de leur trajectoire, nos héros font demi-tour et répètent l'opération.
C'est à ce moment-là qu'ils sont, finalement, rejoints par leur frère Harold. Il leur apprend que le Hochmeister est la clé de leur succès mais la nuit vient !

Harold remarque alors une personne en mouvement. C'est Sigismond, qui tente de s'enfuir avec le reliquaire. Harold le poursuit mais son ancien compagnon se retourne. Il ricane devant le prêtre bravache. Ce dernier veut lui montrer qu'il a tort et lance aussitôt une charge, son épée en avant. Malheureusement pour Harold, Sigismond en a vu d'autres. Il détourne l'épée et abat sa masse sur la cuisse d'Harold. Le prêtre continue sa course mais bascule hors de la selle. La masse lui a broyé l'os et celui-ci, en se brisant a sectionné l'artère fémorale. Harold glisse du cheval et ne se relèvera pas. La monture, également meurtrie par le choc, s'est enfuie. Sigismond atteint la maison voisine.

Siegfried et Urs en ont fini avec le Hochmeister et les autres Maudits. Ils ont vu Sigismond s'engouffrer dans une nouvelle cachette. La nuit est tombée. Quelque chose de mystérieux s'est produit : à la place de leurs épées, les frères-chevaliers sont à présent armés de roses ! Reprenant leurs masses fétiches, ils se dirigent vers Sigismond pour en finir. Mais, la porte poussée révèle son cadavre inanimé. Les âmes des Maudits sont retournées d'où elles étaient venues.

A côté du corps de Sigismond gît, intact mais renversé, le reliquaire de sainte Elisabeth.



LE REPENTIR DE MARIENBURG / EPISODE 1 : LE WAHLKAPITEL TEUTONIQUE.
Dimanche 26 juillet 2015, de 14h00 à 21h30. Au service de Dieu : les frères électeurs Harold, Siegfried, Sigismond et Urs.

En 1330, la forteresse de Marienburg abrite la direction de l'Ordre des chevaliers teutoniques. C'est la capitale d'un Etat monastique fondé par ces moines-soldats sur ce qui sera le Duché de Prusse. La maladie - la peste, dit-on - vient d'emporter leur Grand Maître ou Hochmeister, Hermann von Gott. Nos héros sont d'éminents membres de cet Ordre. Sélectionnés pour leur sagesse, leur vaillance ou leur extrême piété, ils seront les électeurs du nouveau Hochmeister.

C'est, chemin faisant, que quatre d'entre eux se rencontrent dans une auberge-relais, la dernière étape avant Marienburg. Il y a Siegfried von Richthofen, l'intransigeant, qui ne connaît comme faiblesse que le goût de la boisson ; il y a Urs von Humbertofen, l'ambitieux ; également, Sigismond von Camenstein, dur comme l'acier mais tenté par la cruauté envers son prochain ; enfin, et pas des moindres, Harold von Mannweiss, le frère-prêtre (Priesterbruder) professe la modération et l'amour de Dieu. Chacun de nos héros est bien sûr accompagné de son équipage, écuyers et serviteurs.

Le lendemain de cette rencontre, alors qu'ils cheminent de conserve, nos héros aperçoivent leur destination dans le ciel clair et lumineux d'un début d'hiver. La majestueuse forteresse gothique, aux tons d'ocre, s'élève au-dessus de la ville qu'elle protège de son assise à la fois divine et séculière.
Nos héros sont accueillis par des frères-portiers qui les invitent à attendre dans la cour que leur hôte se présente. C'est pour eux l'occasion de s'immerger dans le bourdonnement de la capitale. Dans la cour circulent des frères-chevaliers (Ritterbrüder), des frères-servants (Sariantbrüder), des frères-laïcs (Laienbrüder), mais aussi toute une population de citadins qui participent à la vie de la forteresse.
Les frères sont finalement accueillis par frère Erhard von Mokte. C'est un personnage rondouillard, de taille moyenne, à ce point dégarni que sa tonsure se perd dans son crâne blanchi. Dès qu'ils l'aperçoivent, nos héros sont frappés par son apparence maladive. Sa peau est livide, ses joues pendent en de tristes ballots inexpressifs, ses yeux bleus sont injectés de sang. Le frère était le secrétaire particulier du Hochmeister et il est devenu, à sa mort, le Wahlkomtur, président de l'éphémère collège électoral.

Ce dernier, appelé aussi Wahlkapitel, est composé de 12 membres, auquel s'ajoute le Wahlkomtur, pour former une assemblée qui rappelle celle de Jésus et de ses 12 apôtres. Les membres du collège se cooptent. Le Wahlkomtur en choisit un premier puis, à deux, il en désigne un troisième, etc.
Le Wahlkomtur joue un rôle essentiel dans l'élection du Hochmeister puisque c'est lui qui propose le seul candidat. Une fois proposé, ce nom est ensuite débattu par le collège. S'il rencontre un consensus, il est élu. Sinon, le Wahlkomtur annonce un autre candidat.

Il n'y a pas de candidature officielle mais l'Ordre est relativement petit, numériquement parlant, et la réputation des uns et des autres est connue du sommet. Les « candidats » sont portés par l'opinion publique, parfois via une faction particulière : impériale, prussienne, livonienne, hospitalière, guerrière, etc.

Les trois noms qui circulent sont les suivants :
Waldemar von Liebenbahn : il vient de Prusse, donc est géographiquement proche du pouvoir, mais bien qu'ayant toujours refusé de s'impliquer dans ses intrigues. Il a connu une carrière diversifiée mais, sur ses vieux jours, a fini par représenter l'aspect humanitaire de l'Ordre. Il a fait bâtir un hôpital pour les lépreux non loin de Marienburg, l'hôpital Sainte-Elisabeth. Ses différents avec le précédent Hochmeister n'étaient que trop connus. On a été jusqu'à lui imputer la responsabilité de sa mort. En effet, le Grand Maître avait visité l'hôpital Sainte-Elisabeth avant d'être terrassé par une terrible affection. Waldemar est aussi le plus âgé des prétendants.
Klaus von Salza : il est le descendant d'un frère d'Hermann von Salza, quatrième et inoubliable Grand Maître de l'Ordre. C'est un spécialiste du jeu politique et il a gravi les échelons jusqu'à être le candidat recommandé par le Deutschmeister, c'est-à-dire le Landmeister (Maître Territorial) du Saint Empire Romain Germanique. On lui reproche son manque d'expérience dans la Croisade. Il a une quarantaine d'années.
Konrad von Maugerstauer : c'est un pur produit de la Croisade à l'Est pour l'évangélisation des païens lives, estes et slaves. Il a combattu sur de nombreux fronts et s'est taillé une réputation d'insensibilité. Ce n'est pas un simple frère, contrairement aux autres, car il est déjà le Landmeister de Livonie, donc le seul des prétendants à exercer une fonction de direction au sein de l'Ordre. Il a également une quarantaine d'années.

Nos héros sont conduits dans leurs chambres par Riko, un serviteur d'origine indigène qui était particulièrement aimé du précédent Grand Maître. C'est un homme au corps sec, aux oreilles décollées et aux yeux rapprochés, qui semble s'être épanoui dans une légère débilité.

L'après-midi et la soirée sont l'occasion de faire la connaissance des autres électeurs, d'abord à la messe, puis au cours d'un repas où ils sont rassemblés autour de la même table. L'un d'eux, toutefois, est manquant à l'appel. C'est Egon von Klump. Ce prussien, qui représente les Laienbrüder, était pourtant arrivé il y a deux jours.
Au réfectoire, nos héros s'étonnent de la présence de deux femmes. Ils protestent auprès du Wahlkomtur quand celui-ci leur apprend qu'il s'agit de sa mère, Liesel von Mokte, et de sa servante, ayant obtenu l'autorisation du Grand Maître de résider dans la forteresse.

La première nuit de nos quatre électeurs ne va pas être de tout repos. Nos héros sont réveillés deux heures avant l'office des mâtines, c'est-à-dire vers minuit, par un bruit persistant venant du couloir. L'un après l'autre, ils passent une tête pour ce dont il s'agit.
Une voix leur murmure : « J'ai commis de grands crimes... Le temps est venu de les payer... Nous allons tous les payer... »
La voix semble provenir d'une porte du couloir. Nos héros s'y pressent, avant de comprendre qu'elle est anormalement chaude. Ils frappent et, bientôt, réveillent les occupants de cette chambre qui se mettent à crier « Au feu ! ». Les frères attaquent la porte à coups de masse. Elle finit par flancher sur son milieu. Un homme s'échappe ; à l'intérieur, les flammes dévorent les murs couverts de tentures. Nos héros abattent les restes de la porte et découvrent un homme penché sur le corps d'un autre. Siegfried prodigue les premiers soins aux blessés.
Le Wahlkomtur Erhard, qui venait d'arriver, s'effondre sans connaissance. Nos héros apprennent que la chambre incendiée était celle d'Egon von Klump et que, celui-ci étant absent, elle n'était occupée que par ses serviteurs. L'un d'eux, en proie à la terreur, témoigne que le feu ne s'est pas échappé de l'âtre mais a pris spontanément dans un sac, qui contenait la Bible personnel de von Klump, et que l'un de ses vieux serviteurs utilisait comme oreiller. L'ouvrage est presque entièrement calciné. Ne reste que le dernier chapitre : l'Apocalypse selon Saint Jean.

Parmi les témoins de l'incident, certains décident de retourner se coucher. D'autres, bien réveillés, vont s'occuper en attendant les mâtines. Harold, le frère-prêtre, s'interroge sur le sens qu'il faut donner à tout cela. Il décide, au beau milieu de la nuit, de visiter le scriptorium et d'y relire les versets de l'Apocalypse.
Lorsqu'il entre dans la salle déserte, il remarque un pupitre éclairé d'une bougie, à peine entamée, et est plus surpris encore d'y trouver l'ouvrage, objet des soins du copiste. Cet ouvrage est un feuillet de prise de notes, incompréhensibles, hormis quelques mots. La copie, quant à elle, bénéficie d'une écriture normée qui permet la lecture du début du texte : on y parle d'une version live (livonienne) de l'Apocalypse, dans laquelle les païens, morts de n'avoir supporté la conversion, se relèveront et, sous l'égide des spectres de leurs tourmenteurs passés, se tourneront contre leurs tourmenteurs présents.
Sigismond a entendu parler de cette légende. Selon lui, c'est un texte récent, sans aucun fondement mythologique local, une pure invention des rebelles livoniens. Ceux-ci prétendaient se livrer à quatre meurtres rituels contre leurs « oppresseurs ». Ces quatre meurtres devaient utiliser quatre moyens différents : le poison, le feu, l'eau et la corde. Perpétrés à quelques temps d'intervalle, ils devaient annoncer le réveil des morts.


*************

Le lendemain matin, très tôt, les électeurs se mettent à la recherche d'Egon von Klump. Sigismond va conduire ses frères dans les champs entourant la ville, sachant que celle-ci a déjà été fouillée, puis dans la forêt environnante. Siegfried, Urs et Harold, quant à eux, veulent reprendre la piste suivie par les serviteurs de von Klump.

Les trois derniers commencent par se rendre auprès de sa famille, puisqu'elle se trouve à Marienburg. Sa vieille mère parle de son fils avec emphase. Il s'est courageusement battu contre les infidèles avant d'être blessés par eux. Puis il s'est petit à petit retiré du monde, passant des opérations militaires à la supervision d'un petit domaine agricole. Sa mère se réjouissait que, après avoir vécu des années en misanthrope, il ait accepté de tenir le rôle d'électeur. Ensuite, nos héros retournent à la forteresse. Harold pressent que le Wahlkomtur, Erhard, en sait plus qu'il ne dit, et il veut l'interroger. Il est accompagné par Siegfried et Urs. Erhard finit par craquer. Il parle des cauchemars qu'il fait depuis la mort du Hochmeister et dans lesquels il voit celui-ci, à la tête d'une armée de revenants, saccager la ville de Marienburg. Il se reproche en fait cette mort. D'après lui, Hermann von Gott souffrait de douleurs aux articulations. Le Hochmeister avait accepté l'offre de Riko, son serviteur, qui lui avait parlé d'une sorcière livonienne aux dons curateurs.

Ayant appris cela, nos héros s'emparent de Riko, qui tentait maladroitement de leur échapper. Ils obligent celui-ci à révéler la localisation de la sorcière. C'est une simple maison en ville.

Alors qu'ils s'y rendent, nos héros croisent Sigismond, qui rentre de son expédition en forêt. Le cadavre d'un homme enveloppe le dos de son cheval, d'un flanc à l'autre. Cet homme, c'est Egon von Klump. Les morceaux d'écorce et les petites entailles sur ses mains indiquent qu'il s'est hissé jusqu'en haut d'un arbre. Et c'est suspendu à une corde, accroché à la branche d'un grande chêne, que Sigismond l'a découvert.

Nos héros se dirigent vers la maison de la sorcière.
C'est une bâtisse ordinaire, dans une rue fréquentée. Siegfried et Urs y pénètrent et se trouvent face à une vieille femme, aux cheveux noirs et bouclés. Elle ne leur répond pas, mais ils comprennent bientôt qu'elle est sourde et muette. Harold et Sigismond ont fait le tour, pour empêcher une éventuelle fuite par l'arrière. Cependant, la façon dont les maisons sont imbriquées ne rend pas facile l'identification de celle qu'ils contournent. Une fois validée, ils se rendent compte qu'une maison mitoyenne en bloque l'accès par l'arrière.
A l'intérieur de la maison, Siegfried et Urs se heurtent à la surdité de la vieille qui, comprenant qu'on veut surtout la convertir, se met à baiser leur croix. Ils finissent par abandonner leurs questions et Siegfried grimpe à une échelle qui mène sous l'appentis. Un petit atelier du bizarre est installé ici. Sur une table, il découvre des os d'animaux, du sang et des signes cabalistiques tracés avec de la suie. La sorcière n'est pas là.

Un grand brouhaha attire nos héros dans la rue. Les autres électeurs, ayant participé à la battue en forêt, remontent la grande rue. Entre les selles de deux chevaux, sa bedaine pendant vers le sol, gît le cadavre d'Hanke von Plitz, l'un des frères électeurs. Il dégoutte d'eau.
Corbinian von Marstelhofeln, le frère alsacien, raconte à nos héros ce tragique accident. Alors qu'il ratissait la forêt avec Hanke, ce dernier aperçut la forme d'un chevalier dans la rivière. Pensant avoir trouvé Egon von Klump, il s'est jeté à l'eau, où il s'est trouvé piégé lui-même. Corbinian a tenté d'en retirer le frère obèse, mais sans parvenir à le soulever. Une force contraire semblait tirer de son côté. Ensuite, il a entendu le rire d'une femme. Tentant de ranimer le frère Hanke, il n'a pu la poursuivre et n'en surprit que des cheveux noirs et bouclés.

De retour à la forteresse, nos héros sont interpelés par le Grand Commandeur (Grosskomtur), l'homme le plus puissant après le Hochmeister.
Il a appris la mort de deux frères électeurs. Il donne ses instructions pour que les élections se tiennent immédiatement.
Les habitants de Marienburg viennent de voir passer les corps inanimés des deux chevaliers, sur des chevaux escortés par leurs frères. Certains identifieront des frères électeurs. Il est temps d'agir avant que la circonstance ne devienne panique et la panique superstition.

Par de bonnes paroles, nos héros rassérènent Erhard von Mokte, le Wahlkomtur, qui était prêt à renoncer à ses fonctions. Il le prie, pour l'amour de Dieu, de désigner deux nouveaux frères électeurs qui devront se situer actuellement dans la forteresse.

Vers complies, Siegfried et Sigismond vont interroger Riko. La tension éveille chez Sigismond une propension naturelle à la violence. Il tord le bras du serviteur pour lui extorquer des renseignements. Au moment même où l'os se brise, on frappe à la porte. Sigismond passe un visage tranquille. On lui apprend que le serviteur, qui avait été dévoré par les flammes, vient de rendre son dernier soupir. La liste des morts rituelles, songent nos héros, est à présent complète. Siegfried se penche sur Riko et essaie de réduire sa fracture. N'y parvenant qu'à moitié, il enjoint son écuyer, Günther, d'aller quérir un homme de sciences.

Siegfried et Sigismond rejoignent la salle du concile. Les huit autres électeurs les y attendent, ainsi que deux postulants à ce rôle, remplaçants d'Egon et Hanke, recrutés par le Wahlkomtur.
La séance peut alors commencer. Le Wahlkomtur suggère un premier nom pour le futur Hochmeister : Klaus von Salza. Pour lui, c'est l'homme qui peut fédérer les tendances, il n'est ni affilié à la part hospitalière de l'Ordre, ni à la part guerrière.
Ce candidat est rejeté pour son manque d'expérience.
Le Wahlkomtur évoque alors le nom de Konrad von Maugerstauer ; c'est le Landmeister livonien, qui a consacré son existence à la Croisade. Son énergie et sa détermination semblent être ce dont l'Ordre a besoin. L'initiative est adoptée malgré quelques abstentions.

La séance n'a pas duré plus d'une heure. Nos héros demandent au Wahlkomtur d'entériner cette décision et de prévenir immédiatement le nouvel élu. Erhard von Mokte acquiesce et quitte la salle du concile.
Les électeurs, encore à leurs émotions, discutent après coup de l'option retenue, quand un cri les appelle au-dehors. Sigismond regarde par la meurtrière, à dix mètres en-dessous de lui. Sous la lumière vague de la lune, deux êtres s'affrontent dans la ruelle. La voix était féminine et la première silhouette semble dominée par un corps plus massif. Le combat se poursuit et Sigismond envoie son écuyer chercher son arbalète. La course dure d'interminables minutes. En-dessous, le combat se ralentit, la silhouette épaisse l'a emporté. Quand Sigismond braque enfin son arbalète vers la ruelle, il la découvre vide de protagonistes. Est-ce une traînée de sang que l'on discerne, dans les commissures des pavés de pierre ?


*************

Il est aux alentours de 21 heures. Harold s'interroge sur le choix d'un Grand Maître guerrier. Avec son serviteur livonien Eiki, il traverse la cour. Il se dirige d'un pas rapide vers l'abbatiale où il veut prendre conseils. Les lourdes portes passées, l'église se révèle à lui dans un chaos inattendu. Beaucoup de chaises ont été renversées ; sur le côté, les dalles de certaines tombes ont été déplacées dans une mise en scène macabre. Sur la droite de la nef, Harold remarque un corps face contre terre, auréolé d'une mare de sang. Des bruits dans la sacristie attirent son attention. Harold ordonne à Eiki de prévenir les Ritterbrüder. Peu habitué à une telle tension, le jeune homme s'exécute mais se met à hurler qu'on lui vienne en aide.
Harold se rend à la sacristie. Il se fige devant la scène d'horreur qui s'y joue. Deux chevaliers en armure, au tabard esquinté, à la peau jaunie, fouillent les lieux, sans doute pour s'approprier la relique de Sainte-Elisabeth. Leurs mouvements de bras sont saccadés. L'odeur âcre qui s'en dégage est pestilentielle. Harold fait demi-tour, mais voit que le corps tombé dans la nef s'est relevé et marche vers lui en claudiquant, sa jambe droite flageolant, son visage tordu dans une grimace. Harold reconnaît le frère-hospitalier. Il fuit par l'autre côté de la nef.

Ayant rejoint la sécurité relative de la cour, il retrouve Urs, alerté par Eiki. Celui-ci entre dans l'abbatiale et jauge aussitôt de la situation. Il bondit sur le frère-hospitalier qui pivote difficilement et se fait défoncer le crâne d'un coup de masse. C'est au tour de Siegfried d'arriver à la porte de l'église. Depuis la sacristie, l'un des chevaliers mort-vivants s'avance vers nos héros. Siegfried l'intercepte à l'entrée de celle-ci, l'attaquant près de l'encadrement de la porte. Ce faisant, il empêche le deuxième chevalier de passer. Urs agit depuis le flanc droit de Siegfried et assène des coups à leur adversaire commun. Bloqué à l'arrière, le deuxième cadavre jette des objets par-dessus la tête de son compagnon. Un encensoir finit par voler qui atteint Siegfried et répand un nuage de poussière. Le premier chevalier mort-vivant est terrassé. Siegfried passe par-dessus lui mais son acolyte s'enfuit. Derrière la sacristie se trouve une petite salle d'entrée réservée au service. C'est par une petite porte de bois que le mort s'est échappé.

A l'entrée de l'église, Harold aperçoit un groupe de huit chevaliers marchant vers lui. A leur démarche vive mais heurtée, il croit reconnaître des morts ambulants. Il pousse les deux battants de la porte, traîne la lourde barre et, lorsqu'enfin il l'a posée, la voit vibrer du choc qu'elle vient d'amortir. Plusieurs autres résonnent mais la porte tient bon. Les morts ambulants contournent l'église.

Sigismond finit par arriver face à l'abbatiale. Il observe les huit chevaliers mort-vivants qui s'acharnent contre la porte puis renoncent et se dispersent en quête de solution. Voyant cela, il fait demi-tour. C'est sur les remparts qu'il trouve des renforts. Depuis les créneaux, il partage le spectacle qui les fascine. Dans la ville, des rixes ont éclaté partout. Parfois, elles se doublent d'incendies criminels. Les chevaliers ne savent pas qui il faut aider, ni qui combattre. Rien ne différencie, à première vue, l'assaillant du défenseur. La forteresse, quant à elle, semble préservée, mais Sigismond sait qu'un foyer d'infection a surgi dans l'abbatiale. Il prend avec lui une vingtaine de chevaliers et retourne dans la cour.

Les huit mort-vivants rôdent toujours autour de l'église. Sur le côté de celle-ci, certains lèvent les bras au ciel dans une expression de rage, pendant que deux se font la courte échelle. Les teutoniques s'approchent en masse compacte, Sigismond à leur tête. Les morts rompent aussitôt les rangs et s'enfuient dans toutes les directions. Le grimpeur, surpris dans son escalade, reste suspendu au niveau d'un vitrail, à deux mètres du sol.







Crédits jeu:
La mini-campagne L'Homme sans Image est une série de trois épisodes longs située dans l'univers de Strontium Dog et jouée avec les règles de Traveller, dans sa version éditée par Mongoose Publishing.


Crédits décor:
Les oeuvres suivantes, relevant du domaine public, sont entrées dans la composition de cette section:
Derrière le titre principal, le fond étoeilé est une photographie de la NASA représentant la constellation de la Carène, près de la Voie Lactée. Elle a été modifiée de façon à présenter un aspect uniforme.


L'HOMME SANS IMAGE



L'HOMME SANS IMAGE / EPISODE 3 : TRAHISONS A MUTOPIE.
Dimanche 19 avril 2015, de 14h00 à 21h30. Agents impliqués : Edward, Hargridul, Jonathan, José « El Lama », Nim Egni « Le Nez ».

Le soir venu, à la villa, le Nez et Jonathan font part aux autres de leur rencontre inattendue. Hargridul est impatient de retrouver sa sour. Il l'appelle pour lui fixer un rendez-vous, dès le lendemain, sur la pause-déjeuner.
Nos héros prennent ensuite le dîner avec les deux familles et le vieux célibataire qui partagent la villa avec eux. L'homme semble très politisé. Il affronte le Nez dans une joute verbale dont les autres préfèrent ne pas se mêler.

Le lendemain, nos héros découvrent leurs postes de travail.
El Lama, Jonathan et Edward apprennent qu'ils vont devoir suivre trois semaines d'entraînement avant de servir dans la Garde Présidentielle. Contrairement à ce que son nom indique, ce corps de militaire n'est d'ailleurs pas affecté à la seule protection du président. Mais il veille, ou investigue, ou réprime, au nom de celui-ci. C'est donc à la fois une police et une force armée. Aux joggings du matin, on compte une centaine d'individus, toutes classes confondues.
Hargridul travaille en tant que pilote pour l'Office des Migrations. Ce n'est jamais une première affectation en temps normal, car cet Office gère tout le processus, du recrutement sur place jusqu'à l'assignation des jobs. Il faut donc avoir faire preuve d'une loyauté sans tâche. Mais il y a trop peu de pilotes candidats : Hargridul fera exception.
Quant à Nim Egni, alias le Nez, il se présente à la mairie pour obtenir son affectation. Il est suivi par le vieux célibataire, qui s'appelle Larmo. On détache le Nez au gynesarium, en tant qu'agent dispatcher. En clair, il conduira les bénéficiaires de ce service public jusqu'à leur chambre. Larmo, ancien policier, sera livreur.

Vers les 14h, nos héros retrouvent Ranna dans un bar tendance en face du Palais Présidentiel. Seul Jonathan en est dispensé. Ranna accueille chaleureusement son frère et ses amis. Ils lui parlent aussitôt d'évasion, la date étant fixée à deux jours et demi plus tard. La jeune femme, qui a le coeur sur la main, veut qu'on n'oublie pas sa chère Elicia. Elle demande aussi à y adjoindre Lanny Fords, fille du directeur de la Frak. Les deux se sont liées d'amitié mais Lanny est otage au Palais Présidentiel.
Le plan doit être discuté plus en détails. Nos héros conviennent de se retrouver, le lendemain, à la même heure.

L'après-midi, à l'Office des Migrations, une importante nouvelle est discutée au coin café. D'après le radar de l'astroport, un vaisseau s'est posé clandestinement, en s'imbriquant dans le sillage du vaisseau officiel. A qui appartient-il ? Qu'est-il devenu ? Cent hypothèses s'échafaudent. Des interrogatoires vont être menés.

Le soir, nos héros échangent sur leurs journées respectives. Ils reçoivent la visite des gardes présidentiels. C'est un contrôle de routine. Ils questionnent les migrants sur un potentiel vaisseau aperçu par eux. Après leur départ, Edward et le Nez décident de faire un tour, à la recherche de la mystérieuse navette. D'après eux, il doit s'agir de Beau Duke et d'une troupe de mercenaires. Ils empruntent la moto-pizza de Larmo.
La périphérie de la ville révèle de nombreux quartiers en construction et inoccupés. Edward soupçonne que des clandestins auraient intérêt à les investir pour échapper au froid extérieur. Les deux amis remarquent des lumières suspectes dans une villa. Ils s'approchent ; on leur tire dessus. Edward fonce alors vers une sorte de tour surmontée d'une grue, que le vent violent fait tanguer. Un sniper l'a visé depuis là-haut. Il le trouve et l'abat d'un coup d'épée. Son complice arrive par derrière et Edward, se retournant après avoir encaissé un tir, le frappe de sa lame. L'homme recule, gravement blessé. Jurant qu'il ne sera laissera prendre, il se suicide en se brûlant la cervelle.
Quant à Nim, il a pénétré dans la villa éclairée. Un seul homme l'y attend et ouvre le feu. Nim l'entreprend au corps-à-corps et finit par venir à bout de sa résistance, mais sans toutefois le tuer.
C'est ce malheureux, un certain Lork, qui finira par s'expliquer. Il fait partie d'un groupe d'exilés, condamné pour avoir critiqué un administrateur de l'Homme sans Image. Cet ostracisme consiste à déposer des condamnés au milieu de nulle part, dans la toundra glacée, puis à les y abandonner. Dans ce cas, les chances de survie sont infimes. Cet homme, et ses deux acolytes, ont toutefois pu s'enfuir avant d'être aéroportés. Ils vivent à présent en marge de la société. Nim le prend en pitié et lui offre, en échange de son aide, de l'aider à quitter ce monde qu'il considère de plus en plus injuste.

Le troisième jour, nos héros se rendent à leurs lieux de travail respectifs, à l'exception du Nez. C'était son premier jour mais il a été affaibli par son combat et est cloué au lit.
Nos héros retrouvent Ranna et leur plan d'évasion se précise. Ils lui demandent, à elle et à Elicia, de préparer leurs bagages et de se tenir prêtes à partir le lendemain soir. Il est prévu de voler une navette à l'astroport, laquelle sera pilotée par Hargridul. Malheureusement, son profil n'est pas encore connu du système. Seules les empreintes digitales d'un pilote agréé permettent le démarrage du vaisseau. Alors que nos héros confèrent, ils voient passer au dehors une silhouette connu. C'est Venimal, sorte d'humanoïde reptilien et poeilu. C'est un ancien Search/Destroy Agent, éloigné de la carrière en raison de ses violentes arrestations. Aujourd'hui, son palmarès s'est couronné de nouveaux forfaits et il rapporterait une belle prime. Edward évoque la valeur de l'Homme sans Image, mais Ranna s'offusque qu'on veuille le livrer. Malgré ses défauts, c'est le bienfaiteur des mutants. Afin de détourner Edward de cette cible, elle lui donne en pâture d'autres noms, les criminels formant la garde rapprochée du président. C'est une belle brochette et qui fait saliver les moins intéressés de nos héros.

L'après-midi, Hargridul rappelle à son instructeur de vol que ses empreintes digitales ne sont toujours dans la base de données. Il ne s'attire qu'une réaction d'aigreur.

Le quatrième jour se lève sur Mutopie. C'est ce soir que nos héros doivent partir, utilisant une navette que l'Office des Migrations aura préparé pour l'un de ses voyages réguliers.

Comme à l'habitude, Edward, Jonathan et El Lama sont distancés pendant le jogging du matin. Mais, cette fois, ils sont approchés par un véhicule militaire qui s'arrête à leur niveau. Une patrouille a trouvé les deux corps qu'Edward a laissés dans le quartier désert. Celui-ci est surpris par la célérité de l'enquête. Il va en comprendre plus tard la raison. En attendant, il nie tout en bloc et les militaires décident de s'attaquer à son complice, le Nez.

Une heure plus tard, le Nez est appréhendé au gynesarium. Il est emmené au Palais Présidentiel où, afin de le conditionner, on l'isole dans une cellule souterraine, sombre et humide. Il comprend rapidement qu'elle n'a pas été choisie au hasard : en face de lui, strié par l'ombre des barreaux, se dessine le visage contrit de Lork. Le banni, repéré alors qu'il se faisait donner des soins, a dénoncé son agresseur en espérant sauver sa vie. Les hommes tués l'avant-veille, dont il semblait faire peu de cas, n'étaient autres que ses frères et, au comble du désespoir, il a fini par parler.
Le Nez décide alors de mettre en ouvre une faculté jusqu'à lors: son souffle de feu. En effet, ses narines dûment relevées, il est capable d'exhaler une flamme bleue qui fait fondre les plus légers métaux.
Il s'y attèle sur la serrure de sa porte, sachant qu'il va lui falloir plusieurs heures avant d'y parvenir.

Pendant ce temps, le reste de nos héros s'est réuni au café habituel. Ils y ont retrouvé Ranna et Elicia. Consternées, les deux demoiselles confessent leur négligence. Ne pouvant se dissimuler pour faire leurs bagages, dans une chambre de cinq, elles ont cru bon d'expliquer à leurs colocataires qu'elles partaient. Il faut à présent compter sur trois d'entre elles pour le voyage.
Les S/D Agents sont sous le choc ! Edward pensaient repartir avec de nombreux criminels à échanger contre primes mais, plus on ajoute de passagers, et plus le rassemblement général paraît chose impossible. De plus, le Nez est introuvable.
Soudain, un nouveau passant attire le regard. Ce n'est pas un ex-Strontium Dog cette fois, mais un tueur à gages. Il s'agit de Beau Duke qu'Edward a déjà croisé une fois sur Astonishing World. Le grand blond moustachu s'arrête et abaisse ostensiblement ses lunettes noires. Son regard amusé se pose sur nos héros. Alors qu'il continue son chemin, Edward le rattrape en courant. Il lui propose de joindre leur force contre le Palais Présidentiel. Beau Duke ne refuse pas. Il fait preuve d'une fausse réticence. Il a bien conscience de contrôler la situation. Il annonce à Edward que l'attaque aura lieu le soir-même. Et le signal ? Il sera bien explicite sans qu'on ait à le décrire !

Retour au palais présidentiel. Au moment où Nim Egni vient à bout de sa serrure, deux inconnus entre dans le couloir des cellules. Le Nez reconnaît la voix de celui qui a commandé son arrestation. C'est un certain Aidan Tzar, mais il y aussi aussi celle de Larmo, le livreur, en fait un délateur professionnel. Ce dernier désigne à l'agent de l'Homme sans Image un dissident politique, qu'Aidan Tzar extrait de sa geôle pour le conduire en salle d'interrogatoire. Le Nez ne peut donc douter qu'avec Larmo, il s'est lié à son tourmenteur.
Lork le Banni le trahira-t-il encore une fois ? Le Nez pense que non et, usant de son souffle à nouveau, il vise la serrure du responsable de son incarcération.

Les deux prisonniers sont à présent à l'air libre. Dans la seconde cour intérieure du palais, ils tombent face à une auto-mitrailleuse. L'idée vient alors au Nez d'utiliser sa position pour assiéger le palais de l'intérieur. Il est tard ; les cadets sont groupés dans la première cour et la quitte en chantant. Parmi eux, on compte Edward, Jonathan et El Lama.
Reconnaissant mais affligé d'une piètre mémoire, Lork propose au Nez de lui indiquer l'armurerie. Sauf que, dans son empressement, il opte pour le service Courrier. Il est trop tard pour se raviser ! Le duo doit se débarrasser d'une sentinelle à coups de tampon et presse-papier. S'étant redirigés, ils investissent l'armurerie après avoir mis hors d'état de nuire un deuxième garde. A présent, ils sont lourdement armés. Le Nez redescend au niveau de la prison et, avec l'aide de Lork, offre à une vingtaine de détenus la liberté.
La petite troupe grimpe quatre à quatre les escaliers et se retrouve dans la cour. Le Nez donne ses ordres. Il faut s'emparer de l'auto-mitrailleuse, ouvrir la porte métallique qui sépare les deux cours, prendre le contrôle d'un char dans la première. Quelques sentinelles sur le toit ont surpris l'opération et tirent en contrebas : ces quelques tirs marquent le début du siège, depuis l'intérieur du palais.

Les deux véhicules sont rapidement sortis du palais, triomphant sur la grande place du centre-ville. Ignorant tout de leur odyssée, mais attendant le signal de Beau Duke, le reste de nos héros attendait au café. Quand Nim exhibe ses armes, dressé sur son char, protégé par une bande de malfrats, nos héros n'en croient pas leurs yeux. Ils le rejoignent et entament la discussion. Cet échange se fait au péril de leur vie, puisque le palais est loin d'être dépourvu de sentinelles survivantes ; mais elles sont occupées à s'organiser. Seul Jonathan, poussé par on-ne-sait-quelle folie, se jette à l'intérieur.

Il veut tout solder à lui tout seul. N'ayant que sa ruse pour l'avantager, il pénètre dans la seconde cour intérieure et harangue trois sentinelles sur le toit qui auraient bien pu l'abattre. Jonathan est en uniforme de garde présidentiel et demande de l'aide en bas. Bien qu'il ne soit qu'un simple cadet, il veut faire évacuer l'Homme sans Image. L'un des soldats se laisse convaincre et descend rejoindre ce jeune enragé, au mépris des règles de sécurité.

Jonathan pénètre dans le bâtiment le moins accessible du palais. Il n'est pas difficile de suivre le tapis de pourpre soyeux jusqu'au premier étage, qui semble être celui dévolu aux personnalités. Mais, arrivé en haut, de nombreuses portes pourraient être la bonne. Qu'à cela ne tienne, le garde situe les appartements privés de l'Homme sans Image. C'est une chambre relativement simple et dépouillée. Jonathan y cherche en vain un passage secret. A nouveau, le garde lui porte secours en lui montrant un petit cabinet et indiquant : « on le voit entrer ici et jamais sortir ». C'est une explication qui en vaut une autre. Jonathan fouille et, dans cette pièce, met à jour un panneau coulissant.
Des escaliers descendent dans une cage sans fenêtre et sans porte. En les dévalant, nos héros arrivent plus bas que le niveau du sol. Là, un couloir obscur introduit les souterrains. Le garde insiste pour ne passer qu'en second. Jonathan s'avance puis, passant une lourde porte, apparaît dans un corridor propre et éclairé. Il est ici dans une sorte de bunker. L'embout d'un pistolet laser se presse contre son dos. Il comprend qu'il a été trahi.

A l'extérieur du palais, Nim a échoué à retenir tous ses hommes. En effet, il leur a ordonné de revenir en arrière et prendre d'assaut le Palais Présidentielle. Cela semble aller contre leurs intérêts et l'auto-mitrailleuse s'est désolidariser. Elle est partie pour l'astroport. Elle « attendra » là-bas et, avec un peu de chance, en amoindrira les défenses. Mais le Nez dispose toujours de son char d'assaut. Cette fois, l'équipage réduit se calfeutre à l'intérieur et recule dans le palais présidentiel où il va servir de cible immobile aux snipers. En revanche, nos héros le contournent et, longeant les murs, se risquent dans les escaliers pourpres de la deuxième cour intérieur.

Le Nez possède des capacités olfactives remarquables et il piste Jonathan. Il en retrouve la trace à l'étage mais perd du temps à inspecter les appartements de l'Homme sans Image, où Jonathan s'est lui-même attardé. Il finit par découvrir le passage secret, dans le petit cabinet, et par descendre les marches de l'escalier sans jour. Il n'est pas seul cette fois : Edward, Hargridul et El Lama sont avec lui. Dans le couloir aménagé, ils essuient de nombreux tirs en pleine lumière. Edward et El Lama sont des spécialistes du corps-à-corps, aussi prennent-ils du temps avant de riposter.
Traversé par un laser, El Lama s'effondre face au garde qu'il vient d'estropier. Heureusement, Nim a trouvé dans l'armurerie une grenade temporelle. Il la jette à l'endroit où se trouvait son ami. Le faisceau ne ramène du passé que l'espace qu'il englobe, c'est-à-dire le Lama et deux gardes présidentiels. Mais, cette fois, Hargridul et Nim sont là pour les tailler en pièces.

Pendant ce temps, Jonathan a été conduit dans une salle de commandement. Un plan de la ville détaillée recouvre la table centrale comme une vaste zone militarisée. Au mur, des écrans affichent les prises de vues d'une centaine de caméra, qui vont des boulevards extérieures aux environs du Palais Présidentiel. Jonathan n'était pas le seul garde factice dans cette cour intérieure. Celui qui l'y a rejoint n'était autre que l'Homme sans Visage, trop heureux de voir son adversaire se présenter seul et réclamer du soutien !
En fait, l'Homme sans Image n'a que partiellement compris ce qui est en train de se passer. Pour lui, cet assaut est l'ouvre de Beau Duke, le mercenaire payé par Aldonphius Brick pour l'assassiner et ramener le docteur Viscorius. Ne sachant quoi répondre aux questions qu'on lui pose, Jonathan mérite un tir de laser que l'Homme sans Image lui délivre à bout portant dans la jambe.

Dans le couloir, nos héros ont survécu à une seconde attaque. Ils surgissent dans la pièce où se trouve Jonathan et sont confondus par ce qu'ils y voient. A l'exception d'une mutante, Mozaïka, à la peau épaisse et crevassée de plaques de dures, ils ne repèrent que des gardes présidentiels ! Heureusement, le Nez ne s'y trompe pas. Il reconnaît Jonathan dans l'homme à la rotule brûlée. Il identifie aussi l'Homme sans Image, dont il a capté l'odeur dans ses appartements. Edward bondit sur la mutante. Il est bien plus agile et puissant qu'elle mais son enveloppe coriace résiste à toutes les entailles. Hargridul organise la reddition. Déjà, l'Homme sans Visage s'est résigné sans coup férir. C'est un escroc, pas un combattant. Seule Mozaïka s'acharne contre le sort. Son maître l'appelle à regarder les écrans. Les caméras du Palais Présidentiel filment une seconde invasion, tardive mais bienvenue, supervisée par Beau Duke.

Edward se calme. Il fait le compte de ses primes. Il veut aussi récupérer Lanny Ford, la fille du directeur de la Frak. Au moment où l'Homme sans Image lui apprend sa présence dans un autre bâtiment, on voit Beau Duke qui l'en sort. L'Homme sans Visage s'approche du tableau de commande. Il pivote sur ses pieds et y presse une simple touche, sans que personne ne s'interpose. Sur un écran, on voit la tête de Lanny exploser en un million de pixels. Beau Duke a été fauché par l'explosion.
« Il m'aurait liquidé », commente l'Homme sans Image, impavide.
Quant au docteur Viscorius, l'Homme sans Image en donne volontiers la cachette. Il prend même le soin de désarmer les gardes qui défendaient sa porte. Pas de morts inutiles.

Le souterrain permet de sortir par l'arrière du palais, à l'opposé des derniers combats. Le char est retourné sur la place centrale. Nos héros le font venir et y dissimulent l'Homme sans Image, Mosaïka, ainsi que le docteur Viscorius. En procédant ainsi, ils sont sûrs que les mercenaires vont chercher longtemps ce pourquoi ils sont venus. Comme il n'y plus assez de sièges pour tout le monde, Ranna propose d'utiliser la caravane promotionnelle du gynesarium.

Cet étrange convoi prend la direction de l'astroport. Heureusement, sur place, toute résistance a été vaincue. Ce n'est pas l'auto-mitrailleuse qui seule en est venue à bout. Elle s'est laissée seconder par une foule en colère qui ne croyait plus au rêve de Mutopie.
Il faut deux navettes pour transporter tous ces passagers et, heureusement, Hargridul a obtenu que son empreinte de main soit autorisée dans l'une d'entre elle. Pour la seconde, leur ennemi fera la meilleure accréditation !

A bord du vaisseau privé de l'Homme sans Image, nos héros font route vers Oredaria IV. Derrière eux, un deuxième bâtiment emporte une quarantaine de citoyens ordinaires.

A qui va-t-on remettre l'Homme sans Image ? A la Frak, comme de justice ? Ou bien au milliardaire Aldonphius Brick, qui est prêt à en verser deux fois le prix pour lui faire cracher ses boyaux ?
Chez la plupart de nos héros, c'est la cupidité qui l'emporte, mais Nim Egni, alias le Nez, essaie de comprendre cet être exceptionnel. Dans chacun de ses actes, on recense du bien et du mal. Sans doute n'a-t' il pas été parfait, dans son rôle de démiurge tyrannique, mais au moins semble-t-il avoir cru sincèrement au rêve qu'il professait.


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L'HOMME SANS IMAGE / EPISODE 2 : RANCONNEUR DES PUISSANTS, BIENFAITEUR DES MUTANTS.
Samedi 21 février 2015, de 14h00 à 21h30. Agents impliqués : Edward, Hargridul, Jonathan, José « El Lama », Nim Egni « Le Nez ».

Le Nez et Jonathan, toujours sur Oredaria III, ont des idées divergentes sur le profit qu'ils peuvent tirer de leur excursion.
Jonathan demande à consulter la liste des femmes portées disparues dans la ville où il se situe, qui s'appelle Dale Beach. Puis, n'ayant rien trouvé d'inspirant, il réserve un vol retour pour Astonishing World. Pour lui, il n'y a plus de pistes à explorer ici.
Le Nez poursuit son enquête auprès des douanes puisque c'est de Dale Beach que partent les marchandises à destination d'Astonishing World. Il se focalise sur les commandes de produits d'hygiène, sachant que l'Homme sans Image est un hypocondriaque notoire, mais ne trouve rien d'intéressant : les commandes qui se distinguent sont celles des hôtels, des pharmacies et des supermarchés.

Sur le satellite casino, Edward, Hargridul et El Lama analysent d'autres listes. Cette fois, il s'agit d'énumérer les femmes, ayant quitté précipitamment Astonishing World - et elles sont nombreuses ! - mais dont on n'a pu s'assurer qu'elles avaient fui de leur plein gré. Les polices aux frontières d'Oredaria III et IV se montrent peu coopératives et Edward doit réduire encore le spectre de ses recherches. Il se focalise, parmi les disparitions inquiétantes, sur les femmes ayant travaillé au Queen's Lodge. Un nom ressort : c'est Elicia, disparue il y a environ un an, qui était danseuse dans la même revue que Ranna.

Le lendemain, Jonathan est arrivé et prend son petit-déjeuner à l'astroport d'Astonishing World. Il demande à visualiser les bandes vidéo du départ de Ranna. Malheureusement, l'événement remonte à deux semaines et les enregistrements sont réutilisés au bout d'une seule.

Au Queen's Lodge, nos héros sont surpris par une alerte incendie. Elle a été déclenchée par le Directeur Administratif et Financier, Edmund Lewton. Ce dernier est le coupable idéal pour Edward. En fait, d'incendie, il n'y a pas. Le DAF s'est alarmé de croiser le cambrioleur de son bureau et a appelé comme il pouvait les secours. Des documents ont été volés, parfois des originaux de reconnaissance de dettes. Le malfaiteur a vandalisé les équipements spéciaux du bureau, sièges-bulles ou hygiaphones. Sa description est celle d'un grand blond, au visage fin et au nez souligné de petites moustaches, dans un costume bleu clair. Le fuyard s'est ensuite déguisé.

L'incident a mis le casino en émoi. Jonathan assiste à l'emportement de Jedediah Lewton, patron du casino et père d'Edmund.

Au Service de Sécurité du casino, grâce aux caméras partout disséminées, nos héros remontent la piste du cambrioleur sur le boulevard. Ils le perdent dans une rue perpendiculaire d'où il ne semble pas ressortir. Une visite sur place n'apprend rien de plus, nos héros se convainquant qu'il a revêtu un second déguisement avant de déboucher dans un nouveau boulevard.

Pendant ce temps, le Nez continue sa mission solitaire. Il a quitté Oredaria III pour se rendre sur Oredaria IV, planète plus récemment colonisée et moins peuplée. Il se présente chez le milliardaire Aldonphius Brick qui a accepté de le recevoir. Avec Brick, il soulève le cas de Viscorius. Grâce à ces super sens, le Nez perçoit que l'homme d'affaires s'est fait implanter un coeur artificiel, sans doute par le bon docteur. Il devine aussi les sueurs froides qui le parcourent quand il évoque certains épisodes de sa vie passée.
Brick finit par diriger le Nez vers la maison du disparu, qui se situe à trois heures de route. En quittant la villa, celui-ci surprend des paroles édifiantes échangées entre Brick et un de ses hommes : « Vous croyez qu'il se doute, demande le milliardaire ? Prévenez Duke. »

Le Duke en question est identifié comme étant Beau Duke, un tueur à gages dont la prime s'élève à 100 000 crédits. L'avis de recherche révèle un visage que nos héros rapprochent facilement du faux cambrioleur. Mais que faisait un tel homme chez le DAF du casino ? Nos héros retournent alors dans la rue où ils ont perdu le fuyard. Sa logeuse, missionnée, leur remet ce mot :

« Camarades,
Ne me mettez pas de bâtons dans les roues, nous suivons la même piste. A bientôt tout de même, »

Le message est vraisemblablement de la main de Duke car, en parallèle, la Sécurité du casino vient de corroborer ses traces ADN. Il a aussi laissé deux photographies sous son matelas, représentant Lewton père et fils.
Pourquoi un tel oubli ? Nos héros pensent qu'il a photographié les deux hommes pour s'assurer qu'il ne s'agissait pas de l'Homme sans Image, leurs traits se dessinant nettement. Mais il serait étonnant que seuls ces deux éléments aient été oubliés, ce doit être un dépôt volontaire.
Ce n'est pas la seule nouvelle ! L'inspecteur Log Dollo apprend à nos héros qu'un système de monitoring médical, installé dans le bureau d'Edmund Lewton, lui a fourni des données troublantes. Ce suivi du rythme cardiaque s'effectue via un transfert de données sans fil qui s'active dès l'entrée dans le bureau. Or, le démarrage du système est de deux minutes antérieur à la sonnerie de l'alarme, ce qui indique qu'Edmund Lewton a passé ce temps en compagnie de son cambrioleur.

Sur Oredaria IV, le Nez s'est rendu en taxi à la villa du docteur Viscorius. Il est surpris de voir que son personnel ne l'a pas quitté et que même la jeune femme responsable du haras continue à s'occuper des chevaux. Il faut l'intervention de la police pour déloger le Nez, qui s'est mis en tête d'interroger tous ces gens de maison devenus suspects.
Au commissariat, l'inspecteur Werner mais en garde le Nez contre toute immixtion dans les affaires régionales. Pour lui, Viscorius n'a pas été enlevé mais a suivi l'Homme sans Image de son plein gré. Il croit même pouvoir dire que Viscorius était en fait l'agent du criminel auprès du milliardaire, Aldonphius Brick. Il n'a bien sûr aucune preuve de tout cela et aucun soutien de sa hiérarchie.

Fort de ces nouvelles révélations, le Nez retourne chez le milliardaire qu'il veut questionner plus avant. Cette fois, Brick choisit de se confier car il veut utiliser le mutant à son avantage. Il lui fournit une liste de douze noms, dont celui du directeur de la police confédérale, Rodrigo Ford. D'après un détective appointé par Brick, ces personnes sont comme lui rançonnées par l'Homme sans Image. Le milliardaire lui-même est sans défense face au criminel depuis que celui-ci, par l'entremise du docteur, lui a fait poser une bombe dans le torse. Mais quand le Nez lui demande de confirmer qu'il a engagé Beau Duke pour tuer son maître chanteur, le milliardaire s'offusque : « Ca pourrait être n'importe lequel des onze autres, et la liste n'est sans doute pas complète. » En tout état de cause, le criminel a haussé ses revendications depuis six mois, allant jusqu'à doubler le montant initial. Le milliardaire ignore où disparaissent ces fonds, mais il s'agit sans doute d'une entreprise d'envergure. A ce sujet, on raconte que l'Homme sans Image veut financer une contrée utopique pour les mutants, qui se situerait sur la planète glacée, Oredaria V. Le milliardaire offre le double de la prime officielle à qui lui livrera l'Homme sans Image et son médecin vivants.

Le Nez repart aussitôt pour Astonishing World.

De vive voix, il explique à ces collègues et par le menu ses découvertes. Nos héros comprennent quel rôle on attend de les voir jouer dans cette histoire. S'ils ont été mis au courant de la liste des redevables de cette rançon, c'est parce qu'eux seuls peuvent se rendre sur les lieux où l'Homme sans Image bâtit son utopie. Sans hésiter, ils troquent leurs uniformes S/D Agent et se rendent à un endroit d'où ils espèrent partir pour cet El Dorado des mutants.

L'endroit en question, c'est le Wadago, un pays dirigé par une terrible guerre civile. L'Etat a voulu s'ouvrir aux mutants et ils y ont afflué par centaines de milliers. Mais une partie des Norms, révoltée par cette vague migratoire et ne se sentant plus chez elle au Wadago, a pris les armes contre le gouvernement. D'après ce que nos héros ont lu, ces rebelles auraient été entraînés par Beau Duke et ses équipiers au maniement des armes de guerre.

L'immigration au Wadago est facilitée pour tous sans distinction. Quiconque s'engage à y vivre au moins trois ans, se voit offrir une somme de bienvenue de mille crédits. Les migrants sans domicile sont aussi accueillis dans des hôtels à bas coût financés par le gouvernement du président Oumbala.
En fait, nos héros sont logés dans un complexe hôtelier, Mutalia, qui s'avère être un ghetto pour mutants « nouvellement » arrivés. L'architecture de béton, sordide et vétuste, y broie les illusions et les rêves de son gigantisme oppressant. Les désouvrés se mêlent aux gangsters pour former une faune apathique et dangereuse, toujours à l'affût d'un mauvais coup ou d'une proie facile, généralement un migrant de fraîche date.
Afin de se faire connaître des passeurs de l'Homme sans Visage, nos héros se montrent particulièrement vindicatifs. Ils en veulent aux Norms qui les relèguent à la dernière place dans la société, et jusque dans ce pays libertaire qu'on appelle le Wadago puisque les détenteurs d'emplois lucratifs ne sont pas les mutants que la nation prétend accueillir à bras ouvert.

Dans un quartier huppé du centre-ville, nos héros s'introduisent dans un bar contestataire. Ici, point de petits trafiquants, mais des intellectuels qui plaident la cause de l'extrémisme. Lorsque nos héros prétendent vouloir se rendre sur Mutopie, la cité idéale élevée par l'Homme sans Image, on les prend pour des bravaches. Edward décide de prouver qu'il n'en est rien. Lorsqu'on le met au défi de tuer un Norms et d'en ramener la preuve, il annonce que cela ne lui prendra pas plus de 15 minutes. Il lui en faut 30 pour revenir avec la tête d'un malheureux vagabond qu'il a trouvé dormant sous un carton. L'intellectuel est horrifié autant que subjugué. Mais il tient parole et met nos héros en contact avec un passeur. Rendez-vous est pris pour la nuit prochaine.

Le lendemain, à la nuit tombée, nos héros retournent au bar contestataire. Avec d'autres candidats au départ, ils sont en tout une vingtaine à monter dans un bus. Le voyage dure plus de cinq heures. Lorsque le jour se lève, nos héros se découvrent au milieu d'une prairie dans laquelle sont garés côte-à-côte d'autres bus et où s'est formée une file d'attente pour accéder à la navette qui étale de toute sa longueur son fuselage métallisé et brillant. Nos héros sont interrogés un par un une nouvelle fois. Edward, qui dissimule apparemment un passé militaire, attire l'attention des passeurs. Il ne s'agit plus ici d'intellectuels mais d'hommes en treillis noir, au visage recouvert d'une cagoule qui ne laisse voir que leurs yeux et leur bouche sévères. Ces cagoules ressemblent à celles filmées au cours du casse de la bijouterie Fellows.

Après ce contrôle, nos héros montent à bord de la navette. Elle est spacieuse mais le service y est minimal. Les passeurs encagoulés s'appliquent juste à maintenir un minimum d'ordre. Quand on les interroge sur le pourquoi de cet uniforme, ils répondent qu'ils font souvent l'aller-retour et ne doivent pas être reconnus quand ils sont au Wadago.

Le trajet se déroule sur deux journées. La face d'Oredaria V que la navette approche dans son atterrissage est uniformément blanche. Certains passagers sont surpris parce qu'on leur avait parlé d'un verger immense, dans lequel il suffisait de tendre le bras pour se servir d'un fruit. La porte s'ouvre sur des bourrasques de vent charriant de la neige. Tous les passagers sortent en grelottant et s'engouffrent dans un bus chauffé qui les attend sur la piste. Le thermomètre indique -33 degrés centigrades mais, avec le vent, le ressenti est bien inférieur.

Le bus conduit nos héros jusqu'à un entrepôt qui fait office d'astroport, ou plutôt de gare de triage, puisque chacun se voit assigné le quartier où il va vivre. Nos héros seront logés ensemble dans une villa du quartier de Lincoln. Ils sont accompagnés vers un nouveau bus, de petit modèle, qui les mène cette fois à travers la vallée enneigée.

Mutopie s'étend sur des kilomètres, c'est une ville éparpillée et constamment en travaux. Bien que modernes, les bâtiments ont bénéficié d'une véritable recherche esthétique. Sur la place centrale, nos héros repèrent une sorte de stade, un palais en forme de château, et un autre aux colonnades blanches ciselées.
Le quartier d'adoption de nos héros est loin du centre-ville. Leur bus s'arrête devant une jolie villa avec un étage. Tous les passagers descendent car la villa doit être partagée par la vingtaine de personnes ici présentes. A l'intérieur, il y a de l'espace mais peu de meubles. Un coin télé a été aménagé mais le poste n'a pas été branché et il n'y a pas d'antenne à l'extérieur.

Nos héros ne s'attardent pas. Après avoir déposé leurs affaires, ils prennent un bus pour le centre-ville. Là, certains se présentent à la mairie et demandent à se voir assignés un job. El Lama et Edward seront dans la garde présidentielle, Hargridul sera passeur-pilote parce qu'il a fait valoir ses diverses licences. Le Nez et Jonathan s'intéressent à la sorte de stade fermé qu'ils ont repéré en arrivant. Une file d'une quarantaine de personnes s'obstine à l'extérieur, malgré le froid intense. Au-dessus de l'entrée est écrit « gynesarium ». Dans le hall d'entrée, la queue se prolonge d'une vingtaine supplémentaire. Trois écrans géants diffusent des scènes pornographiques. Des tickets sont distribués qui correspondent apparemment à des numéros de chambres. Le Nez décide de prendre son tour. Après trois heures d'attente, c'est à lui de passer. Il se rend, escorté par une hôtesse, dans la chambre numéro 6. Il y retrouve une jeune femme dénudée et en sueur, dans un décor exagérément rose. Le Nez entame la conversation et découvre qu'il s'agit d'Elicia, la danseuse. Elle a bien été enlevée par l'Homme sans Image et forcée de s'installer ici. Mais les bandits ont fait d'elle une femme mariée ; elle ne prête son corps aux usages publics que le mercredi. C'est le cas aussi de Ranna. Toutes les femmes, en fait, se doivent de participer à ce service collectif un jour par semaine.

Jonathan décide d'attendre Ranna à la sortie du gynesarium. Il est frigorifié quand elle sort deux heures plus tard. Elle marche à côté d'Elicia, son amie danseuse. Tombant nez-à-Nez avec son ancien compagnon et son futur prétendant, elle semble s'effrayer. Elle refuse de prendre rendez-vous avec nos héros car son mari n'est autre que l'Homme sans Image et il la fait étroitement surveiller. Au début, le personnage l'avait séduite et elle s'était unie à lui volontairement, mais ce qu'elle a dû subir ensuite l'a détourné de lui. Elle est prête à partir mais se sent prisonnière. Nos héros lui promettent d'organiser son évasion.


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L'HOMME SANS IMAGE / EPISODE 1 : L'ENLEVEMENT DE RANNA.
Dimanche 14 décembre 2015, de 13h30 à 21h30. Agents impliqués : Edward, Hargridul, Jonathan, José « El Lama », Nim Egni « Le Nez ».

Dans la Dog House, nos héros célèbrent leur succès dans certaines enquêtes récentes. Les prises ne sont toutefois pas à la hauteur de leurs espérances. Hargridul entre dans la salle commune, le visage décomposé, la démarche raide. Sa soeur, la belle Ranna, a été kidnappée selon un e-mail reçu de ses parents.
Cette splendide jeune femme, meneuse de revue sur une planète casino, est aussi l'ancienne compagne de Jonathan, qui s'en est séparé pour des raisons obscures. Elle est aussi l'amour impossible de Nim Egni de Zoldy, alias le Nez.

Subventionnés par Hargridul, nos héros prennent le premier transport pour Astonishing World, le satellite où des millions de citoyens viennent assouvir leurs passions du jeu, de la fête et du stupre.

Astonishing World est un satellite naturel qui orbite autour d'Oredaria III, la planète la plus peuplée du secteur Oredis. C'est un parc de loisirs à l'échelle de plusieurs nations et, dit-on, sous le contrôle de la pègre locale.

Dans leurs uniformes de S/D agents, nos héros se font remarquer dès leur entrée sur le territoire. Il n'y a pas de police ici mais un service de sécurité privé qui promet de les avoir à l'oeil : les arrestations sont interdites ici et ils feraient bien de se comporter comme de simples touristes.

Nos héros louent une voiture, s'installent à l'hôtel Gargary et visitent l'appartement de Ranna situé immeuble LB76, secteur 3. Il ne recèle pas d'indices remarquables mais l'affaire date de deux semaines et la Sécurité du casino est déjà passée. Ranna recevait de nombreux courriers d'admirateurs, dont certains dangereusement insistants. Le Nez s'étonne de découvrir des odeurs canines variées sur plusieurs lettres signées « Kutley ».

Suite à cela, nos héros se scindent en deux groupes.

Le premier groupe se présente au centre de Sécurité le plus proche où l'inspecteur chargé de l'enquête ne leur apprend rien, si ce n'est son manque d'intérêt pour le sujet. A ses yeux, le cas de Ranna est celui d'une disparue volontaire, comme cela se produit régulièrement sur Astonishing World : salariés en burn out, clients ruinés, ou doubles victimes puisque le casino rémunère ses employés pour moitié en jetons valables dans son enceinte uniquement. D'après l'inspecteur Log Dollo, le badge de Ranna a été enregistré comme « sorti » dans la zone de transit du satellite. Ranna avait d'ailleurs une place réservée sur une navette à destination d'Oredaria III.

Mais Jonathan, en joignant les services d'immigration de cette planète, obtient l'information qu'elle n'y pas entrée depuis deux ans.

L'autre groupe se dirige vers le Queens' Lodge, le cabaret où se produisait Ranna. Nos héros assistent à un spectacle émoustillant et font la connaissance de trois danseuses : Jenn, amie de Ranna et nouvelle meneuse de revue, mais aussi Asklie la petite brune et Litta la grande rousse, insupportables rivales de la disparue. Nos héros rencontrent aussi le directeur administratif de l'établissement, Edmund Lewton. L'homme paraît un brin névrosé : il reçoit nos héros dans des fauteuils sphériques avec hygiaphones intégrés ; il ne serre les mains qu'en ayant au préalable recouvert les siennes de gants en plastique. Il fait néanmoins preuve de pertinence et d'amabilité. Il se dit fortement affecté par la disparition de la danseuse. Il promet à nos héros de les aider et demande aux agents de la Sécurité présents sur place de coopérer avec eux.

Le soir-même, Edward s'est fait inviter chez Jenn, l'actuelle meneuse de revue, en prétendant n'avoir pas trouvé à se loger ailleurs. Sur le chemin de son appartement, il croise le Faithful Labrador, un refuge de luxe pour animaux domestiques. Jenn lui apprend que des gens y vivent aussi. A l'origine, ces chambres étaient destinées aux maîtres ne pouvant se séparer de leurs fidèles compagnons, mais elles furent vite réattribuées à une population de touristes indigents.

Edward fait le lien entre l'admirateur dont les lettres sont marquées d'odeurs canines et ce sordide dortoir. Le lendemain, nos héros se présentent à la réception. Ils apprennent que Kutley Wallenmarck, prénom confirmé par Jenn, séjourne toujours dans ces lieux et occupe la chambre 9001. Au 9e étage, ils frappent à sa porte. L'homme, hagard, se contente d'une chambre ridiculement petite dont il a décoré les murs avec les photographies de son égérie. Wallenmarck est un reporter passionné. Il clame son innocence : il n'a enlevé personne, ayant à peine de quoi se nourrir lui-même. Il reconnaît être un « casinaddict », c'est-à-dire un habitant perpétuel d'Astonishing World, attaché à cet univers, non par goût de l'endroit, mais en raison de son amour pour Ranna. Suite à sa disparition, il a mené son enquête et trouvé une piste dans ses prises de vues. Sur l'une d'elle, on voit un homme grand et mince, aux fins cheveux blancs, qui pourrait être le docteur Viscorius. Ce médecin, porté disparu il y a cinq ans, aurait été enlevé par l'Homme sans Image, un mystérieux criminel. Ce dernier doit son nom à un phénomène qu'on lui attribue : l'impossibilité d'enregistrer son apparence, dans un cerveau humain ou sur un support technologique. Or, ce flou artistique, c'est justement celui qui entoure le visage d'un homme se tenant assis près du docteur Viscorius.
L'Homme sans Image est une légende. Certains doutent de son existence. La police confédérale, la Frak (Force de Répression des Activités Criminelles), offre toutefois une prime de 250 000 crédits à qui le capturera. Une seule particularité semble le trahir : une hypocondrie invalidante.
Or, cette hypocondrie ravive en Edward le souvenir de l'entretien avec le directeur administratif, Edmund Lewton. Pour remercier son interlocuteur, Edward rosse le photographe jusqu'à ce qu'il s'évanouisse, sous les aboiements plaintifs des chiens du couloir.

Edward en est persuadé : Edmund Lewton est l'Homme sans Image. Il est vrai que nos héros ne se souviennent pas de son physique banal, hormis de ses élégants yeux noirs.
Hargridul fait remarquer que la quête de l'Homme sans Image est vaine. Comment démasquer un individu dont aucun témoin ne peut mémoriser les traits, ni aucune caméra les capturer ? A la place, il faut rechercher le docteur Viscorius.

Une nouvelle visite à Edmund Lewton s'impose néanmoins. Edward, Hargridul et José le trouvent en train de nettoyer son bureau avec un pulvérisateur. Edward demande à ce que Lewton obtienne de sa banque, pour la journée correspondant au passage de Viscorius, le détail de toutes les transactions financières du Queen's Lodge.

Hargridul poursuit en parallèle son projet de retrouver Viscorius. Il contacte le service de Sécurité de son ancien employeur, le milliardaire Aldonfius Brick. Il apprend que Viscorius aurait été kidnappé il y a cinq ans, alors en vacances chez lui.

Jonathan et Nim ont pris la navette qui doit les conduire sur Oredaria III, pour enquêter sur le braquage d'une bijouterie qui semble être la dernière facétie de l'Homme sans Image. L'opération remonte à deux mois, ce qui justifie une présence ultérieure sur Astonishing World.

Dans la soirée, Edward apprend qu'aucune transaction financière le jour-dit et le jour précédent ne peut être reliée au docteur Viscorius.

Le lendemain matin, sur Oredaria III, nos héros passent à la bijouterie Fellows et au centre de surveillance qui en détient les enregistrements vidéos. Ils visionnent un homme flou s'attaquer aux joailliers avec l'aide de quatre complices. Le butin se compose d'une grande valeur de bijoux mais surtout d'un magnifique saphir fixé pour un pendentif majestueux entre deux anneaux d'or, représentation symbolique de la planète Oredaria V. La fixation sur un bel objet semble être la marque de l'Homme sans Image. Ici, on fait remonter son premier coup d'éclat à environ trois ans, mais des crimes antérieurs pourraient lui être imputables.

Sur Astonishing World, l'enquête piétine. Edward s'intéresse aux deux plus célèbres hôtels, le True Wonders et le Stone and NewArk's où il pense que les chefs d'organisations criminelles pourraient se réunir.




Les oeuvres suivantes, relevant du domaine public, sont entrées dans la composition de cette page: Suites d'Un Bal Masqué réalisé Jean-Léon Gérome en 1857. Les oeuvres présentes dans chaque section sont énumérées à leur niveau.