Les Episodes...



L'hiver est là. A l'extérieur du véhicule, les flocons mènent une bataille désespérée contre le vent. Parfois, les cahots de la route accompagnent les tressaillements que vous devez au froid.

Voilà déjà plusieurs jours que vous voyagez, à bord d'une calèche que vous partagez avec d'autres passagers: un représentant de commerce, un médecin militaire à la veille de sa retraite, et une jeune femme accompagnée de sa tutrice.
Votre contact à Seltsame Erde signe par les initiales W.S. mais vous n'en savez guère plus. Il vous reste au moins une étape avant de le rencontrer. Un rendez-vous a été fixée dans la ville d'Innsbruck, capitale du Tyrol, perchée au sommet des Alpes. Celle-ci, dotée d'une architecture mêlant gothique et baroque, présente des bâtiments colorés. Elle se trouve à une altitude de 574 mètres mais partout autour d'elles s'élèvent les cimes enneigées de son berceau rocheux, bien plus élevées qu'elle.
Lorsque vous atteindrez la ville, la consigne est de s'installer à l'hôtel du centre baptisé le Kronprinz. Le tenancier doit vous arranger une seconde voiture. Elle vous mènera vers votre destination finale.


Episode 4 : Mars 1880, l'Incendie de l'Alpokalja

Session du jeudi 24 novembre 2022, de 19h30 à 22h30. Chasseurs impliqués : Heinrich, Istvan, Katalin, Konstantin, Kurt, Németh et Ruppert.

Les feux-follets remontent par la grand-rue et sont engloutis par la nuit alors qu'ils se pressent vers l'intérieur du village.

Dans l'auberge, évacuée par la foule en colère, Kurt se poste à la fenêtre. Il se rend compte que massée à l'extérieur, elle se replit vers lisière de la forêt. La lune éclaire faiblement ses formes mais il apparaît que deux hommes invalides sont transportés par d'autres. Se fiant à son instinct de tireur isolé, Kurt épaule et tire malgré la distance. L'un des porteurs s'effondre, attirant le deuxième et son fardeau dans son sillage.

Németh, Katalina, Ivan et Konstantin sortent de leurs chambres à l'étage. Kurt s'est barricadé et ne leur ouvre pas sa porte trouée. Ils suivent les traînées de sang qui ruissellent de celle-ci jusqu'à la porte de l'auberge.

Heinrich et Ruppert cheminent de conserve jusqu'à ce que le premier parte en avant. Lorsqu'il parvient à l'auberge, nos héros ont été rejoints par Istvan. Ils ont secouru l'un des mercenaires, Imre, dont la cuisse a été déchirée par la charge du sanglier. L'homme, allongé sur le canapé, se vide de son sang et se remplit de vodka.
Nos héros, l'ayant aidé comme ils pouvaient, l'abandonnent et s'extraient par l'arrière de l'auberge. Ils observent la foule se glisser sous le couvert des bois. De nombreux individus se succèdent comme des somnambules, encadrés par huit feux-follets qui les aspergent d'une sorte de "poudre de fée". C'est à ce moment que Ruppert, le miraculé, retrouve le reste du groupe.

Il est décidé d'accompagner toute cette transhumance nocturne à travers la forêt. Nos héros réalisent toutefois qu'ils ne sont pas également discrets. Konstantin est envoyé en éclaireur. Il circulera en parallèle de la foule, sans perdre le contact visuel. Ses compagnons interposeront plus de distance, ils se fieront aux déplacements de Konstantin lui-même pour se guider.

Ce système fonctionne bien pendant les trois premières heures, malgré le froid mordant de l'hiver, malgré les ronces et les racines piégeuses, malgré l'obscurité régnant sous la canopée. Mais, passé ce stade, Konstantin n'est simplement plus en vue. Il est possible de se rapprocher de la foule, alors invisible, mais elle est tellement éparse qu'il ne sera pas possible de se placer derrière elle.
Heinrich tente cette opération mais renonce sagement. Le temps qu'il parvienne à cette décision, les autres sont partis.
Ils emboîtent le pas à Kurt qui a déclaré que, puisque la foule n'a pas bifurqué depuis déjà deux heures, c'est qu'elle continuer tout droit. Ce raisonnement simpliste s'avère judicieux puisque, trois heures plus tard, une grande lueur est en vue. Konstantin attend ici. Des feux-follets forment un anneau autour de certains arbres, des chênes majestueux, face auxquels les villageois se fondre dans l'humus. Le procédé exact est inexplicable, mais, de là où ils observent, nos héros croient voir le sol les avaler. Ce rituel se répète depuis deux heures, toute la population transitant par ce point merveilleux.

Il est 8 heures du matin et le soleil s'est levé lorsque la silhouette de Henrich se fait voir. Il est transi de froid, dépenaillé, mais il a remonté la piste laissée par les villageois jusqu'ici.
Les autres lui font le récit des événements et lui présentent les arbres, dont il est facile de remarquer que les environs ont été la proie d'une grande activité.
Heinrich tient entre ses gants les lanternes qu'il a dérobée au village. Il avait pour projet d'incinérer celui-ci mais, dorénavant, ce sont les arbres qui méritent ce traitement. Heinrich déclare que les villageois entretiennent avec la forêt un pacte hermétique. Celle-ci les assiste, étend leurs vies, en échange de quoi ils lui livrent de sanglants sacrifices. Les indices sont minces pour l'étayer mais sa logique est séduisante. Ivan est consulté et confirme que le but de l'Organisation est d'abord la protection de l'Humanité, pas l'étude passive des monstres.
Les chênes séculaires sont arrosés d'huile. On y boute le feu. Nos héros regardent avec émotion ces monuments séculaires rongés de flammes. Leur aura prédatrice escalade les troncs et gagnent les feuillages. Un crépitement s'échappe de quelque part, il est omniprésent, fluide et strident comme une douleur susurrée à l'oreille.
Le brasier est fascinant et les yeux s'y égarent. A un moment, nos héros sont gênés par l'extrême chaleur et il est devenu pénible de respirer.
Ils veulent s'extraire du cercle de feu tandis que ses proportions ne cessent de grandir au-dessus de leurs têtes. L'incendie se communique par les branches de arbres qui sont entremêlés et, même, il fait si chaud à certains endroits qu'il surgit sans contact avec le coeur du foyer. Le nez écrasé dans leur manche, nos héros valdinguent en suffocant. Ils tentent de se diriger hors de la fournaise mais l'air chaud qui s'écrase contre leurs rétines ne leur permet plus de lever les paupières. C'est à ce moment qu'un coup de feu retentit. Les cartouches de Kurt, chauffées à blanc, lâchent leurs projectiles...

Episode 3 : Nuit d'Enfer

Session du dimanche 13 novembre 2022, de 14h à 18h. Chasseurs impliqués : Heinrich, Istvan, Kurt et Ruppert.

Heinrich ausculte avec intérêt, et sans beaucoup de tact, le transformation apparente du Jeune Sarkozci. Son attention est si ostensible qu'elle finit par mettre mal à l'aise ceux qui en sont témoins, y compris celui qui en est la cible.

La conversation se porte alors sur la première apparition du sanglier enflammé. Il s'avère qu'elle est localisée très loin d'ici. Heinrich propose de rejoindre l'endroit mais, comme l'après-midi est un peu avancée, l'affaire est remise au lendemain. Rendez-vous est pris avec le Jeune Sarkozci pour 7 heures du matin. Cette longue promenade devrait mener le groupe, mercenaires compris, jusqu'au bord du lac Harsas, qui était le point de rendez-vous des chasseurs disparus.

En retournant vers le village de Szentgotthard, Heinrich suggère aussi d'observer les allers et venues cette nuit. Comprenant qu'ils vont être sollicités pendant leur temps de sommeil, nos héros préfèrent se détendre à l'auberge. Heinrich fait exception. Il n'est que 17h30 et il entend poursuivre ses investigations auprès des habitants. Un regard sur les différentes bâtisses signale que plusieurs sont désaffectées. D'épaisses racines ont surgi des soubassements. Cependant, elles gangrènent aussi les maisons occupées. Heinrich en tranche quelques unes, pour noter qu'elles se rétractent comme des êtres animés et sensibles.

Il tente alors d'entrer en contact avec une vieille femme et sa petite-fille. La barrière du langage s'y oppose et il doit se faire assister de Ruppert, qui comprend le hongrois. Malheureusement, c'est l'occasion pour nos héros de découvrir que ce village est peuplé de Slovènes qui ne parlent pas non plus cette langue. Farkas, le maire, semble en permanence rôder auprès des visiteurs. Il surprend cette intéraction et s'offre pour traduire. Heinrich s'aperçoit vite qu'il censure les propos de la vieille Jusztina et menace le traducteur de lui causer des ennuis. Cette remarque provoque l'ire du maire qui déclarent que nos héros ne sont plus les bienvenus, qu'ils abusent dorénavant de l'hospitalité et que, de toutes façons, « on n'aime pas trop les Allemands par ici ».

A l'auberge, Heinrich et Ruppert trouvent leurs amis en train de dîner avec les mercenaires. Le nouveau prêtre, Donat, s'est joint à eux et admet bien volontiers que ce sont ses anciens compagnons d'armes. Bien qu'ayant partagé leur belliqueuse carrière, il est féru de théologie et dûment diplômé.

Le sujet de la conversation se porte sur l'expédition prévue le jour suivant. Les mercenaires semblent mieux renseignés que nos héros puisqu'ils sont capables d'énumérer les chasseurs disparus. Leur nombre se monterait à vingt, dont douze sont des aristocrates, et plusieurs apparentés à la famille Szapary. On déplore la perte du comte Szapary lui-même ce qui laisse la région et sa puissante famille dans le deuil (la preuve reste à faire qu'il est mort). Cette partie de chasse, de sinistre mémoire, avait été improvisée suite à la rencontre entre un pêcheur, Krisztian Horvath, et le comte. On ignore d'où provenait cet homme ou ce qu'il faisait là mais, selon toute apparence, il s'agit d'un touriste issu de Rönök, la ville - située à 30 kilomètres - où se trouve le manoir comtal.

Une autre piste d'importance est mise à jour par Heinrich. Il sait que c'est dans l'église locale qu'est tenu le registre des naissances. Les dernières inscriptions remontent à 1711. Il voudrait le comparer à la population actuelle. Or, le père Donat ne l'a pas recensée depuis un mois qu'il est ici. Toutefois, à vue d'oeil, il n'a dénombré qu'environ 500 personnes à la messe du dimanche et estime que cet effectif approche la totalité des paroissiens. Un tel nombre ne correspond pas du tout à la capacité du village, mais s'explique peut-être pas les maisons abandonnées. D'ailleurs, les habitants ne sont pas diserts sur l'emplacement où ils enterrent leurs morts, qui paraît se confondre avec la forêt.

Enfin, au cours des échanges, Heinrich s'acharne à démontrer que Donat n'est pas un prêtre en bonne et due forme, et qu'il a fait fi de toutes ses obligations hiérarchiques en s'installant ici à sa propre initiative. Il manque de peu de le fâcher, seule la charité chrétienne du bon père lui épargnant sans doute un nouveau scandale.

La nuit tombée, nos héros se séparent. Ils proposent aux mercenaires de se réunir pour le petit-déjeuner. Le prêtre douteux, quant à lui, retourne aux ruines de son église pour y dormir.

Alors que les portes des chambres se ferment, nos héros entament leurs tours de garde.

C'est Istvan qui, à son heure, repère une situation anormale dans la grand-rue. Deux feux-follets viennent de s'extraire du couvert de la forêt et de la parcourir. Nul doute qu'ils ne soient là pour escorter des villageois, scène qui s'était déjà jouée auparavant. Cette fois, nos héros éveillés et parés pour exposer leur petit manège.

Deux groupes se forment.

Le premier avec Heinrich, Istvan, Kurt et deux mercenaires se dissimule derrière l'auberge. La lune gibbeuse éclaire leur installation de sa pâle lueur. De là, ils savent ils sont bien positionnés pour suivre les villageois lorsqu'ils s'engageront dans la forêt.

Le second se compose de Ruppert et d'un mercenaire nommé Imre, qui manie l'arbalète, et il s'aventure profondément dans la bourgade pour surprendre les veilleurs au sortir de leur logis.

« A l'aide ! A l'aide ! » retentit quelques minutes plus tard.

Le groupe principal, adossé à l'auberge, qui reconnaît la voix de Ruppert, déboule sur la grand-rue.

A distance de plusieurs dizaines de mètres, ce dernier est à peine visible entre la multitude des bras qui tentent de le ceinturer. Deux auras lumineuses vacillent dans les airs au-dessus. Par bonheur, un court sprint lui permet d'échapper à la masse obscure. Imre, derrière lui, est submergé par elle. Il n'a que le temps de lâcher un carreau d'arbalète qui traverse un feu-follet et, à 30 mètres de là, manque d'éborgner Kurt.

Il semble que les villageois, encadrés par ces créatures brillantes, sont partis pour dévorer les intrus. Le groupe principal s'apprête à les combattre quant un sanglier à la gueule écumant de flammes surgit derrière lui comme par enchantement.

L'animal est une menace bien plus immédiate que la foule qui talonne Ruppert. Les coups de lance et les tirs se concentrent sur lui. Au bout d'un moment, il paraît groggy, branlant sur ses jambes.

La balle mortelle est placée par Kurt. Il s'effondre.

Malgré ce rapide triomphe, il n'est pas temps de se féliciter car la foule est là.

Ruppert et Heinrich s'enfuient par une allée latérale mais doivent se séparer car ils ne courent pas à la même vitesse. Le premier, le plus rapide, attire les poursuivants avant de le décourager de continuer.

Istvan et Kurt se réfugient dans l'auberge. La tenancière vient à leur secours et leur ordonne de se barricader à l'étage. La foule investit le bâtiment. Comme Istvan n'a pas voulu obéir, il est forcé de bondir par la fenêtre du rez-de-chaussée. Sa silhouette s'efface dans la nuit.

Kurt se retrouve à l'étage, seul dans une chambre, mais il sait que les autres voyageurs occupent le même couloir.

Les poings tambourinent contre le bois. Après une sommation Kurt tire une fois puis, comme cela ne suffit pas, une seconde. Les deux tunnels creusés par ses balles dans la porte appellent, de l'autre côté, des gémissements de douleur, des plaintes outragées, des hurlements de frustration. Une bande de grands singes n'aurait pas poussé d'autre clameur.

La leçon ayant profité, Kurt entend les voix qui s'éloignent.

Tous nos héros ont fini par atteindre un état de sécurité aussi relatif que précaire.

Cette rixe a causé beaucoup de bruits et, progressivement, les habitants sortent, malgré l'heure tardive, de leurs logis pour évaluer la situation.

Heinrich et Rupert ont fini par se regrouper. Heinrich soumet quelques idées fameuses, comme celle de créer un incendie gigantesque qui absorberait toute la forêt. Rupert l'en décourage mais ils tombent d'accord pour retourner vers l'auberge.

Istvan s'est dissimulé derrière un bosquet.

Kurt, enfin, profite d'un instant de répit pour recharger son arsenal. Il sait que la nuit sera longue.

Les feux-follets, quant à eux, font un retour en force. Huit lumières dansantes se sont présentées à l'orée de la forêt.

Episode 2 : Le Village maudit

Session du lundi 27 mars 2022, de 14h à 18h. Chasseurs impliqués : Istvan, Konstantin, Kurt et Ruppert.

Après un long périple, nos héros parviennent au-dessus de l'Alpokalja, les pré-Alpes hongroises à la frontière avec l'Autriche. Une sombre forêt habille ces lieux, dont la cime est entachée par l'accumulation de neige. Un petit fleuve la traverse, le Raab, qui s'enroule autour du village de Szentgotthard. De leur point de vue élevé, nos héros dénombrent environ 600 demeures, soit à peu près 3 000 habitants. Intégrée à la ville s'étend le complexe d'une abbaye en ruines.
La nuit tombe, il faut hâter le pas, mais Konstantin réclame une pause. Ivan, le domestique de Seltsame Erde, la déconseille ; il doit bien s'en accommoder malgré tout.

Nos héros reprennent leur progression, la pénombre est là. Heureusement, la lune éclaire une route de forêt bien entretenue. A mi-chemin, nos héros entendent des cris. Il y là un tumulte de voix masculines et exaltées. Ruppert insiste pour s'en approcher. Par un petit sentier, ils rejoignent une clairière. Deux bandes de jeunes s'affrontent à côté d'une fontaine. La rixe est violente, les coups de bâton pleuvent, un protagoniste au sol a les côtes labourées de coups de pied, un autre est maintenu la face contre terre. "Tu veux que j't'en colle une ?" lance un visage blanc à Ruppert. Nos héros finissent par intervenir pour calmer les esprits. Les jeunes se dispersent sans demander leur reste.

Une heure plus tard, nos héros débouchent sur le village. L'une des maisons en est puissamment éclairée, c'est l'auberge de l'Abbaye (la seule du coin, d'ailleurs). Une matrone bien en chair y accueillent les voyageurs. Par hasard, ils rencontrent aussi le chef du village, Farkas, qui écoute le récit de leur mésaventure. Farkas s'indigne. Il annonce qu'il reviendra, le lendemain avec Emanuel Sarkoczi, dit le Jeune. C'est leur provocateur, et il présentera ses excuses en bonne et due forme. L'altercation s'explique d'après lui par une animosité entre jeunes issus des agglomérations voisines.

La nuit n'apporte pas le répit attendu, ni aucun conseil. Ruppert crie au feu. Lorsque ses compagnons débarquent, endormis mais les armes au poing, il n'y a guère de preuve d'un sinistre. Toutefois, Ruppert collecte les traces d'une activité magique. Istvan aperçoit trois lumières flottantes, à l'extérieur, qui regagnent l'abri de la forêt.

Vers 10h le jour suivant, nos héros reçoivent la visite de Farkas et du Jeune Sarkoczi qui, penaud, fait montre de contrition en regardant ses pieds. Farkas s'offre pour faire découvrir le village à ceux qui se font passer pour des historiens amateurs. La promenade dure trois heures, invoquant une célèbre bataille entre Autrichiens et Turcs, mais aussi la rebellion des Hongrois contre les Autrichiens, fomenté par Rakoczi, un aristocrate de Transylvanie (1704 - 1711). Lorsque ce dernier perdit son armée et s'exila, Szentgotthard fut âprement punie. L'abbaye cistercienne, notamment, fut vidée de ses moines qui avaient pris fait et cause pour le traître, contre les Habsbourg. Farkas n'aime pas aborder le sujet des légendes entourant son village. Il ne peut toutefois ignorer l'incident du sanglier en feu. Celui-ci est célèbre dans toute la Hongrie. Douze hommes de qualité lui doivent leur disparition, dont le seigneur des lieux et ses deux fils. Ce personnage retors était éxecré dans la région mais c'était aussi un député à la Chambre des Magnats. En dépit de l'abolition du servage (1848), il se conduisait en tyran, manquant notamment "de respect envers les femmes".

Nos héros prennent leur déjeuner dans les décombres de l'abbaye. Ils y croisent un curé, le père Donat Ambrus, qui les étonne par son apparence belliqueuse : cicatrices omniprésentes, oeil crevé, jambe boîteuse. Il explique avoir pris possession de l'église il y a un mois, sa venue coïncidant avec les événements tragiques. "Ce village est maudit, conclut-il, ma mission est d'y faire prévaloir la foi envers Notre Seigneur sur l'attrait du Malin".

Affluence inhabituelle, de nouvelles personnes font irruption en ville. Ce sont trois individus patibulaires. Ils sont reconnaissables par les armes qu'ils exhibent, deux arbalètes et une pique.
Ils pénètrent dans l'auberge à la recherche d'hébergement.
Pendant ce temps, nos héros visitent le cordonnier, Sarkoczi Père. Ils lui achètent des chaussures et louent les services de son fils, pour un petit tour en forêt. Dans la boutique, ils notent la présence de racines dans les murs et soulevant le plancher qui laissent penser à une grave carence de l'entretien.

Le soir, ils retrouvent les porteurs d'armes. La matrone n'a pas de chambre pour tous. Nos héros abandonnent l'une des leurs à leur convenance et les invitent à dîner. Cette attention les rapproche des trois gaillards qui se présentent comme "des chasseurs de monstres". Ils ont un passé de mercenaires mais, apparemment, aucune expérience dans l'occultisme. C'est le défi qui les motive et la gloire qu'ils pourraient en tirer.
La nuit est encore une fois le jouet d'un rituel bizarre. Par la fenêtre, nos héros aperçoivent une quinzaine de personnes, de tous âges, déambulant vers la forêt. Elles s'y engouffrent escortées de flammes dansantes.

Le lendemain en début d'après-midi, nos héros ont rendez-vous avec le Jeune Sarkoczi. Les trois mercenaires ont été conviés. Leur guide les mène en forêt, insistant sur le fait qu'il faudra être de retour avant le crépuscule. Impérativement. Malgré ses propos de bon sens, il paraît très excité et s'anime plus encore sous le couvert des sapins. Il marche si vite qu'il faut exiger à plusieurs reprises qu'il modère son pas. Sa silhouette, toujours lointaine, paraît plus grande et plus massive. Nos héros parviennent au niveau de la fontaine. Le Jeune Sarkoczi bondit comme un fauve sur sa structure de pierre. Non loin de là se dresse une cabane en bois. Ce serait celle d'un ermite y ayant vécu et bâti le monument attenant. Elle est extrêmement bien conservée pour une construction en matière organique, datant du début du XVIIIe siècle. La fermeture du monastère, auquel ce dernier était lié, remonte en effet à 1711. Le Jeune Sarkoczi, perché sur son piédestal, souriant de toutes ses dents, n'y voit rien de paradoxal.

Episode 1 : Initiation

Session du lundi 5 avril 2021, de 14h à 18h20. Tous les Chasseurs réunis.

Innsbruck, février 1880.

Dans le lobby de l'hôtel Kronprinz, plusieurs jeunes gens pénètrent à quelques heures d'intevalle. Leur allure est pressée par le froid du dehors. Konstantin von L., chétif sous son manteau de fourrure, grelotte. Heinrich von V. von F. s'impatiente au comptoir, mécontentant Kurt E. devant lequel il tente de s'imposer.
D'autres affichent leur sérénité, confortablement assis dans les fauteuils du salon. Ils sont arrivés un peu plus tôt dans la journée, quand la tempête de neige n'était pas éclose.

Le soir, cette petite population se retrouve dans la salle à manger, auprès de l'âtre fumant. Outre sa jeunesse, ces clients ont en commun une ascendance noble. Ils se reconnaissent vaguement, ne serait-ce qu'à travers leurs illustres familles. Katalin von H. est rapidement placée au centre de l'attention. La malheureuse déplore le décès de son époux. Il y a quelques mois, les journaux titraient sur cette mort. Les circonstances exactes n'en ont jamais été élucidées. Avec un peu trop d'empressement, certains articles incriminaient la veuve, bien qu'elle n'ait pas eu de motifs apparents de la souhaiter. Heinrich rappelle ses soupçons en plaisantant. Katalin s'offusque mais son cousin, Németh M. la retient de s'éclipser dans sa chambre.
Après le dîner, les convives déménagent dans le petit salon. L'alcool y est dispensé et libère la parole. Heinrich, personnage exubérant, déclare tout de go qu'il est de passage pour rencontrer un certain « W.S. ». Tout le monde est dans ce cas. C'est révéler, à mots couverts, qu'ils vont rejoindre l'Organisation.

Le lendemain matin, deux voitures patientent à 8 heures devant le Kronprinz. Le temps est froid mais l'air lumineux. Les jeunes gens se croisent à nouveau. Des valets de pied leur ouvrent des portières arborant l'aigle bicéphale, un puissant symbole héraldique, legs de l'empire byzantin. Toutefois, il ne s'agit ni du blason austro-hongrois, ni de la version russe. Heinrich y reconnaît les armoiries des von Schaft.

Il faut trois heures au convoi pour faire l'ascension du relief alpin jusqu'au château perché en son sommet. Détachant ses pointes dans l'azur, il se présente comme un magnifique ouvrage de style Renaissance, avec des tours hautes et rondes émergeant de remparts enneigés. Une plaque vert-de-gris, un peu délavée, précise : « Société d'études astronomiques et météorologiques ».

Dans la cour du château, un personnage aux cheveux sombres et bouclés, à l'expression grave, s'avance vers les attelages. Il salut chacun de nos héros : « Wilhelm Starkhoffer, annonce-t-il en tendant la main, soyez les bienvenus à l'Organisation ». Un géant au crâne dégarni, assez vieux lui-même, s'empare des bagages qu'il soulève comme des fétus. A l'intérieur du bâtiment principal, il est secondé par ses deux fils, des adolescents au front anguleux et lisse comme le sien.

Après qu'ils aient eu le temps de faire un brin de toilettes, nos héros retrouvent Wilhelm dans le salon. Voilà donc leur interlocuteur qui signait des initiales « W.S. » ! Leur hôte évoque longuement l'historique et les buts de l'Organisation. Son origine remonte aux croisés découvrant la Terre Sainte, qui eurent en ces lieux mystiques la vision d'un destin. Après la perte des Etats latins d'Orient, elle s'est répandue en Europe où elle a essaimé en de nombreux points, dont Innsbruck. Ici, elle prend nom de « Seltsame Erde » (« Terre Etrange »).
Wilhelm aborde l'engagement que présuppose toute initiation. L'Organisation ouvre les portes d'un monde secret et périlleux. Il n'est pas aisé, ensuite, de les refermer. Les créatures surnaturelles rencontrées, la conscience de cette réalité diffuse parallèle, s'y opposent.
Aujourd'hui, le groupe d'Innsbruck se compose de six membres, dont Wilhelm. On parle de « Chasseurs » pour désigner ceux qui vouent leur existence à la lutte contre le Mal. Nos héros sont une tentative d'élargir les recrutements, qui autrefois demeuraient dans le cercle des familles fondatrices ou de leurs cooptations. Wilhelm a pris récemment la tête de Seltsame Erde, après qu'elle ait été laissée vacante pendant 10 ans. C'était Clemens von Schaft qui assurait cette fonction jusqu'à lors. A son décès, personne ne se sentit capable de le remplacer.

Dans l'après-midi, Wilhelm présente à nos héros le contexte de leur première mission. Il propose de les envoyer sur les traces d'un Wolpertinger, une créature chimérique, faite de bric et de broc, qui relève souvent du canular. Toutefois, il ne s'agit probablement pas de la lubie d'un taxidermiste cette fois-ci. Un sanglier en flammes a été repéré dans les pré-Alpes hongroises, l'Alpokalja. Des chasseurs l'ont traqué dans une forêt près du village de Szentgotthard. Ils ont disparu avec lui, dans une épaisse forêt de conifères. Cette dernière est réputée pour les phénomènes magiques, mineurs, qui y furent recensés, des apparitions de feux-follets. En soi, c'est chose assez courante mais pas avec cette intensité. Il y a 120 ans, l'Organisation enquêta sur des disparitions locales. Il s'avéra que trois villageois avaient été attaqués par un essaim de feux-follets qui avait causé leur mort en plein jour. Or, ces fées - ou esprits du feu selon les traditions - fuient la lumière du Soleil. A l'époque, la source de cette effervescence n'avait pas été repérée. Un exorcisme avait suffi à disperser les petits monstres.

Nos héros passent quelques jours à consulter la bibliothèque du château. Ils s'exercent aussi dans la salle d'armes, où Konstantin emprunte une épée en argent.
Puis, les voilà parés pour l'aventure.



Les oeuvres suivantes, relevant du domaine public, sont entrées dans la composition de cette page:
En début de page: Rue de Paris, temps de pluie par Gustave Caillebotte (1877), sur laquelle ont été incrustés des Trilobites réalisés par Heinrich Harder (vers 1916).
Ouvrant la première section de texte: A Foggy Night par George Luks (vers 1918).
Séparant les sections de texte: un extrait de Mosasaure et Ichtyosaures (1912) d'Heinrich Harder, où seuls les deux derniers ont été conservés ; un Ceratodus dessiné par Heinrich Harder également (vers 1820).